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        Si l'estimation qui fut donnée n'est pas exagérée, entre 9 et 10.000 personnes assistèrent le 15 Octobre 1581 à la représentation du Ballet Comique de la Reine commandé par la reine mère Catherine de Médicis à l'occasion des fêtes données en l'honneur du mariage du duc de Joyeuse et de mademoiselle de Vaudemont, la soeur de la reine Louise.

        Un évènement  exceptionnel qui fournit au chorégraphe  Balthasar de Beaujoyeux, (nommé Intendant de la Musique et Valet de Cour en 1567, puis Ordonateur des Divertissements Royaux), l'occasion de créer une oeuvre absolument sans précédent dont le succès éclipsa celui des spectacles italiens jusqu'alors inégalés.

        Partisan des conceptions humanistes de l'Académie de Musique et de Poésie (dont les membres menés par Jean Antoine de Baïf souhaitaient une synthèse parfaite de la musique de la poésie et de la danse), il osa en effet la démarche novatrice d'associer pour la première fois, ces différents éléments dans un spectacle complet doté d'un fil dramatique cohérent attribuant une place fondamentale à la danse:

        Un ballet dont l'argument principal, le retour sur terre de l'age d'Or et de la Justice, pourrait surprendre... mais il faut se souvenir que, même donné à l'occasion d'un mariage, le Ballet Comique de la Reine (comique fait référence ici à l'art théatral: en comédie) n'en demeurait pas moins un ballet de Cour et comme tel se devait d'être chargé d'un message politique que Beaujoyeux exploita à travers l'argument de Circé conçu à l'origine par Agrippa d'Aubignée, mais qui avait, semble-t-il, été rejetté dans un premier temps car trop compliqué à mettre en scène.
     
         Lambert de Beaulieu  reçut commande pour la musique et c'est au Sieur de la Chesnaye que l'on demanda de composer les textes; quand aux décors et costumes ils furent réalisés par Jacques Patin le peintre du roi.

        Beaujoyeux, quand à lui, se retira à la campagne afin de mieux se consacrer à l'élaboration du spectacle le plus grandiose jamais donné jusque là à la Cour de France:
        Le résultat de ce travail se définit en terme de "jamais vu" et étonna l'assistance autant qu'il la ravit...

                "Géomètre inventif unique en ta science", ainsi fut qualifié le chorégraphe par un poète de l'époque... 

        Géomètre en effet... car, inspirées de la théorie Platonicienne et Pythagoricienne qui fait du nombre le principe même de l'univers, le public vit sous ses yeux figures mathématiques et géométriques se composer et se défaire pour mieux se reformer au gré d'une chorégraphie inédite chargée de signification symbolique  (le triangle, en particulier, extrèmement important dans le modèle de l'univers de Platon).
        


         Afin que "le pas suive la note et la note la syllabe" (comme le souhaitait l'Académie) Beaujoyeux s'ingénia d'autre part à calquer exactement chaque pas de danse sur chaque note de musique ou chaque phrase de texte; et la précision absolue dans l'utilisation de l'espace , la qualité du style, la grâce, le charme et l'élégance des mouvements de ses 120 danseurs lui valurent en fin de compte un véritable triomphe, qu'il rapporta très modestement en ces termes:

              "Je crois que je peux me vanter d'avoir plu".

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         La préparation de ce spectacle donné dans le cadre de la grande salle du Petit Bourbon au Louvre, avait nécessité  des aménagements gigantesques:

        Afin que le public puisse apprécier à sa juste valeur cette chorégraphie géométrique conçue pour être vue d'en haut, on construisit une double galerie en vis à vis sur toute la longueur de la salle dont l'une des extrémités était occupée par une estrade recouverte d'un dai réservée au roi et à sa suite. Le décor d'un jardin en pergolas laissait deviner, à l'autre boût,  la perspective d'une ville éclairée par un majestueux soleil et, en de ça du jardin sur le côté droit, quelques arbres illuminés par des lampes suspendues à leurs branches, simulant un petit bois, dissimulaient une grotte destinée à recevoir des musiciens; tandis que sur la gauche, la voute dorée, construction brillamment illuminée habillée de volumineux nuages, devait accueillir l'orchestre et les choeurs.

        Pour que cette description soit complète il ne faut pas oublier les nombreuses machineries et leurs effets, ainsi que les imposants chariots destinés aux entrées somptueuses des chanteurs et des danseurs qui rivalisaient de splendeur et dont l'un des plus célébres représentait une gigantesque fontaine.
        Le ballet de Cour donnait dans ce que l'on appelle le "grand spectacle" et cette fois plus que jamais tout fut mis en oeuvre pour éblouir l'assistance.

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         La première partie du ballet met en scène les créatures des eaux, sirènes, tritons, et naïades dont les chants et les danses sont subitement interrompus par Circé qui les immobilise d'un coup de sa baguette. Heureusement, Mercure descendu de son nuage brise ce mauvais sort et la vie reprend, pas pour longtemps cependant, car la magicienne jette son dévolu sur le dieu lui-même qu'elle attire et fait captif dans son jardin enchanté.

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         Ce sont les nymphes et les satyres qui ouvrent la seconde partie et vont dans la forêt chercher de l'aide auprès du dieu Pan afin de délivrer le prisonnier. En réponse immédiate à leur prière Minerve apparait sur un char triomphal, suivie de Jupiter sur son nuage. Pan mène alors l'attaque du jardin de Circé, qui résiste mais tombe finalement frappée par la foudre de Jupiter, ce qui conclut l'intrigue proprement dite avant le point culminant du spectacle, le Grand Ballet...
        Beaujoyeux le décrit ainsi dans ses mémoires:
    "les violons changèrent de régistre et attaquèrent l'entrée composée de 15 passages élaborés de telles façons qu'à la fin tous les participants avaient le visage tourné vers le roi. Face à Sa Majesté ils dansèrent alors le Grand Ballet composé de figures géométriques, les unes symétriques, les autres en carrés, en cercles ou en triangles, agencés de nombreuses façons différentes, et accompagés d'autres carrés plus petits ou d'autres formes. Les évolutions traçaient quelquefois les contours d'un triangle, se tournaient en cercle, s'entremélaient comme une chaine, dessinant diverses lignes avec une cohésion et une exactitude qui étonnèrent les spectateurs".
        Le chorégraphe du Ballet Comique de la Reine annonçait déjà là, sans le savoir, la future danse classique... 

        La soirée se termina à 4 heures du matin... Elle avait commencé à 10 heures du soir, mais il faut compter avec le cérémonial de la Cour qui introduisait bals et rafraichissements pendant les entr'actes et entre les intermèdes. Le spectacle en lui même n'avait duré que trois heures mais se révéla un double triomphe.
        Car le Ballet Comique de la Reine était le premier ballet de Cour vraiment français... Financé par le roi, il avait été organisé, dansé, chanté (avec l'exception d'un seul chanteur professionel) par les courtisans... et à compter de ce jour ce genre de spectacle ne fut plus jamais l'apanage de l'Italie...
        Le succès exceptionnel de l'oeuvre se répandit bientôt auprès des souverains étrangers et l'année suivante Catherine de Médicis, désireuse d'asseoir la supériorité culturelle de la France, fit éditer un compte rendu minutieux du spectacle pour accroitre encore sa renommée (il faut signaler à ce sujet que la partition du Ballet Comique de la Reine fut la toute première partition orchestrale à être imprimée)
        Et plusieurs centaines de copies de cet ouvrage furent  généreusement ditribuées dans les Cours européenes où l'on apprécia à sa juste valeur l'oeuvre de Beaujoyeux, que l'on essaya en diverses occasions d'imiter mais dont la perfection ne fut jamais égalée.

        Malheureusement, l'économe Henri IV et son ministre des finances Sully mirent un frein à ces spectacles, et la Cour revint  alors aux mascarades moins onéreuses.
        Le Ballet Comique de la Reine, comme tel, resta unique et n'eut  pas de successeur, et il fallut attendre la régence de Marie de Médicis pour que renaissent en Fance les splendeurs passées qui permirent alors à cette forme de divertissement d'évoluer vers un style nouveau. 


         

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        On ne relève sur le Journal des frères Goncourt, à la date du 16 Novembre 1862, que ces quelques lignes:
       "Sous la couverture mouillée que le pompier lui avait jetée, la pauvre danseuse si horriblement brulée hier, Emma Livry, s'était mise à genoux et faisait sa prière".
        Une phrase laconique qui relate la fin de la carrière d'une artiste de 20 ans dont le talent égalait déjà celui de la grande Marie Taglioni qui avait fait cette remarque:
       "Il est vrai que je ne me suis jamais vue danser, mais je devais danser comme elle".

        Née le 24 Septembre 1842, Emma Livry, de son vrai nom Emma-Marie Emarot, était la fille d'une danseuse, Célestine Emarot, et du baron Charles de Chassiron. Elève de madame Dominique à l'école de danse de l'Opéra, ses aptitudes exceptionelles la firent très vite remarquer et à 16 ans elle est nommée Première danseuse ("étoile" ne sera employé à l'Opéra qu'à partir de 1938) et se voit confier le rôle de La Sylphide: une succession difficile à assumer après les apparitions triomphales de Marie Taglioni que personne n'avait oubliées.
        Emma, de plus, n'était pas avantagée par son physique. Elle se décrivait elle même comme "pale et intéréssante, mais pas jolie, avec de trop grands yeux", et à une époque où l'on appréciait les rondeurs elle était quasiment squelettique (elle avouait "vivre d'eau et de vinaigre").
                      "Se peut-il qu'un rat si maigre
                       Soit la fille d'un chat si rond?.." ne résistèrent pas certains à écrire à son sujet... 
        Le baron de Chassiron avait d'ailleurs, à cette époque, cédé la place auprès de sa mère au vicomte Ferdinand de Montguyon lequel chaperonna lui même activement la carrière de celle qui allait devenir la danseuse la plus appréciée du moment.

        L'apparition d'Emma dans La Sylphide avait été un véritable triomphe... car son immense talent avait fait l'unanimité parmi le public. N'étant ni belle ni bien enveloppée elle avait été uniquement jugée sur ses qualitée de danseuse et d'interprète et personne ne s'y trompa... Les habitués de l'Opéra furent enthousiasmés et ne tarissaient plus d'éloges à son égard.



        C'est alors qu'ayant appris la visite prochaine de Marie Taglioni à Paris, le vicomte de Montguyon qui jouissait d'une influence certaine demanda au directeur de l'Opéra de modifier ses programmes afin de mettre La Sylphide à l'affiche pour cette occasion. Ce qui fut fait... Et Marie Taglioni fut tellement impressionée par la virtuosité d'Emma qu'elle décida de devenir son professeur et la considéra comme sa dauphine. Elle se prit d'une profonde affection pour cette jeune ballerine qui, disait-elle, lui rappelait sa propre jeunesse, et parmi ses objets personnels exposés au London Theatre Museum on peut voir une touchante statuette représentant sa protégée.

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        En 1860, Marie Taglioni créa pour son élève son unique ballet Le Papillon. L'histoire d'une jeune femme Farfalla (Papillon en italien) qui est transformée en papillon par une méchante fée et qui, après de nombreuses péripéties, retrouve à la fin son amoureux le prince Djalma (rôle confié à Louis Mérante). La musique en avait été écrite par Jacques Offenbach dont ce fut le premier ballet et le seul de cette envergure.
        Le Papillon reste associé au nom d'Emma Livry comme La Sylphide à celui de Marie Taglioni:
       "Le Papillon ne saurait exister sans Livry. Mademoiselle Livry, si aérienne, si diaphane, frôle le sol sans le toucher, elle s'envole comme une plume et retombe comme un flocon de neige" écrivit un critique, et son confrère  Paul de Saint Victor d'ajouter:
                     "L' herbe la porterait, une fleur n'aurait pas
                      Reçu l'empreinte de ses pas".
        Napoléon III vit le ballet deux fois, et à deux reprises également on demanda à Emma d'aller le danser en Angleterre... Le monde était à ses pieds...

        C'est alors que l'on demanda à Taglioni de créer pour elle un second ballet, et tandis que celui ci était en préparation Emma accepta de jouer, pendant ce temps, un rôle de mime dans l'opéra d'Aubert "La Muette de Portici".
        Il faut se souvenir que les scènes de théatre étaient éclairées à l'époque avec des rampes au gaz: Un danger permanent, en particulier pour les danseuses dont les tutus vaporeux pouvaient s'enflammer très facilement. Elles devaient donc, afin de prévenir les accidents, appliquer sur les costumes un produit spécial qui avait malheureusement un défaut: il jaunissait les tissus et surtout les raidissait... De ce fait afin de préserver l'allure éthérée de leur tutu immaculé la majorité des danseuses préférait ne pas l'employer et elles signaient de leur main une décharge reconnaissant qu'elles acceptaient de courir le risque.

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        Le  15 Novembre 1862, Emma Livry assise dans les coulisses au cours d'une répétition attend son entrée en scène du deuxième Acte, et au moment où elle se lève son costume frôle les flammes et prend feu.
        Elle traversa trois fois la scène, prise de panique... deux de ses camarades tentèrent courageusement d'intevenir tandis que les autres reculaient affolés et que certains s'enfuirent carrément du théatre... S'apercevant alors qu'elle allait se retrouver nue Emma ramena contre elle par pudeur les morceaux d'étoffe enflammés ce qui aggrava considérablement ses brulûres, tandis qu'un pompier l'arrétait finalement en la couvrant d'une couverture mouillée.
        (Le musée de l'Opéra conserve dans une vitrine une partie de la ceinture et un lambeau de tissu épargnés par le feu)

        Un accident similaire s'était déroulé en Angleterre en 1844, où, pendant une représentation du London Royal Ballet, le costume de la danseuse Clara Webster avait pris feu, et celle ci très gravement brulée était morte deux jours plus tard.
        A partir de ce moment là on plaça constament, par sécurité, dans les coulisses, côté Cour et côté Jardin, une couverture mouillée, en anglais "a wet blanket"... Accident à l'origine d'une expression courante dans la langue de Shakespeare où "a wet blanket" est synonyme de rabat joie...celui qui éteint le feu...

        Les brulûres d'Emma Livry n'étaient pas vraiment profondes, mais elles étaient surtout très étendues car seul son visage et le haut de sa poitrine avaient étaient épargnés. Et malheureusement, croyant bien faire, Marie Taglioni qui assistait à la répétition les avait enduites de graisse à démaquiller ce qui ne fit qu'aggraver le mal.
        Malgré les terribles souffrances qu'elle endura courageusement, l' infortunée Emma n'avait pas perdu l'espoir de guérir, ni même de redanser un jour... Et sa position concernant les tutus anti-feu n'avait pas changé:  
       "Oui, ils sont, comme vous le dites, moins dangereux... Mais si je reviens à la scène je refuserai encore d'en porter... ils sont trop laids..."
        Dans le courant de l'été 1863 on crut pouvoir la transporter de Paris à Neuilly sur Seine, mais ce fut trop pour elle. Ses blessures se rouvrirent et elle mourut de septicémie le 26 Juillet.

        Emma Livry emportait avec elle toute une époque de l'histoire du ballet, car elle fut la dernière des "danseuse romantiques" parmi lesquelles avaient rayonné, outre Marie Taglioni, Fanny Cerrito, Fanny Elssler ou Carlotta Grisi.
       Quand au Papillon, il serait très certainement resté au répertoire si la carrière d'Emma s'était poursuivie, mais il fut retiré car personne n'avait le coeur de voir une autre danseuse la remplacer, et il fallut attendre 1976 pour que Pierre Lacote présente une reconstitution du Pas de deux principal.

        Après son enterrement à Notre Dame de Lorette à Paris, Emma Livry fut inhumée au cimetière de Montmartre où reposait déjà un autre grand de la danse, Gaetano Vestris, et où les rejoignirent Edgar Degas, Vaslav Nijinski et Théophile Gautier. Ce dernier qui avait assisté aux obsèques d'Emma avait affirmé qu'il avait vu, tandis que le cortège funèbre parcourait les rues, deux papillons blancs accompagner le corbillard...

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                     "Mais elle était du monde où les plus belle choses
                                       Ont le pire destin
                      Et rose elle a vécu ce que vivent les roses
                                       L'espace d' un matin".
                                                              François Malherbe

        
         
      

         

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         Une méchante fée se serait-elle penchée sur le berceau de cette "fille aux yeux d'émail" dont on fit le sous-titre du ballet?
        Tout porterait à le croire, lorsqu'on réalise que deux mois à peine après la première, le 25 Mai 1870, la guerre éclate avec la Prusse, Paris est assiégé et les théatres fermés; le 2 Septembre Arthur Saint Léon, le chorégraphe, meurt à l'age de 49 ans d'une crise cardiaque, et le 23 Novembre Giuseppina Bozzacchi, la jeune ballerine qui tenait le rôle principal est emportée par la variole le matin même de son dix-septième anniversaire...

        Coppélia n'a pourtant rien d'une tragédie... Car "la plus belle comédie du ballet" selon George Balanchine, nous transporte au contraire dans un monde pétillant de joyeux paysans, de querelles d'amoureux et de jouets qui prennent vie.
        L'argument du livret de Charles Nuitter (1828-1879) lui fut suggéré par une nouvelle fantastique d'Ernst Théodor Amadeus Hoffmann parue en 1817 dans le recueil des Contes nocturnes: L' Homme au Sable (à l'origine d'un concept élaboré par Freud, l'Unheimliche: l'inquiétante étrangeté) où il aborde le monde singulier des automates parmi lequel évolue une poupée douée de vie.
        Et c'est un compositeur déjà confirmé, Léo Delibes (1836-1891), qui s'en  inspira pour écrire la partition de ce ballet symphonique qui, non seulement fit sensation, mais orienta la création de plusieurs musiciens de ballet dont Tchaïkovski.
        Si l'on excepte la Giselle d'Adolphe Adam la qualité de ce genre de musique, à l'époque, était assez médiocre et les critiques furent très favorablement impressionnés par ce qu'ils découvrirent: Une musique toute en couleurs et en contrastes, calquée au plus près de l'intrigue et de la danse, démontrant un usage accompli du leitmotiv avec, il faut le noter, un très large emprunt au folklore de l'Europe Centrale où ,à côté des thèmes slaves et de la mazurka, Delibes ajoute même la surprise de la première apparition sur scène d'une danse hongroise: la czarda.



        Une partie de cette réussite tenait à l'étroite collaboration entre Delibes et le chorégraphe Arthur Saint Léon (1821-1870) lesquels avaient d'ailleurs travaillé ensemble en 1866 sur un précédent ballet, La Source.
        Arthur Saint Léon avait été la providence de l'Opéra de Paris qui s'était trouvé face à un problème crucial: le manque de chorégraphe résident. Et la solution était heureusement venue, à point nommé, de Russie où la courte saison théatrale permettait à celui qui y occupait le poste prestigieux de maître de ballet des théatres impériaux de consacrer à la France son activité estivale; ce qu'il fit huit années durant de 1863 à 1870.

        Coppélia fut donc mis en chantier durant l'été 1868 et Adèle Grantzow, une jeune danseuse allemande qui travaillait elle aussi en Russiechoisie pour interpréter le rôle principal de Swanilda. Cette dernière, était-ce déjà un premier coup du sort? tomba gravement malade et il fallut, l'année suivante lui trouver une remplaçante... Pour ajouter à l'embarras la recherche s'avéra extrèmement difficile, car aucune autre ballerine n'avait été jugée capable de tenir le rôle.
        On envoya même Delibes jusqu'en Italie afin d'y prospecter toutes les écoles de ballet... mais en vain... C'est Saint Léon qui découvrit pendant ce temps une jeune élève de l'école de danse de l'Opéra exceptionellement douée: Giuseppina Bozzacchi. Agée seulement de 16 ans, elle n'avait jamais paru en public et le rôle de Swanilda  qui avait été conçu pour une artiste expérimentée dut, pour finir de compliquer la situation, être entièrement remodelé pour elle...
        On avait souvent reproché à Saint Léon de travailler trop hâtivement... Cette fois, la force des choses l'obligea à élaborer sa chorégraphie avec un soin inégalé, et ce qui avait été considéré comme un mal au départ se tourna en bien, car le résultat fut un chef d'oeuvre accompli et un véritable triomphe...


        L'Acte I du ballet a pour cadre une place de village où vit un vieux savant Coppelius. A la fenêtre de sa demeure apparait chaque jour une ravissante créature, sa fille Coppélia, dont un beau jeune homme, Frantz, est tombé amoureux. 
        Au grand désespoir de sa fiancée, Swanilda, qui habite la maison opposée, mais qui conçoit quelques doutes sur l'existence réelle de cette beauté, car le Dr. Coppélius est connu pour être un fabriquant d'automates particulièrement habile. 
        Dans la soirée les jeunes gens du village se réunissent pour danser et lorsque Swanilda interroge les épis de blé pour savoir si son amoureux est fidèle la réponse est effectivement non... 
        Coppélius se rend, lui, à l'auberge après avoir soigneusement fermé sa porte et mis la clef dans sa poche. Mais une bande de joyeux lurons le bouscule en chemin et la clef tombe, ramassée par Swanilda et ses amies qui décident de visiter la mystérieuse habitation.



        Le rideau de l'Acte II se lève sur la demeure de Coppélius où se sont introduites les jeunes filles qui découvrent avec amusement toutes les créations du vieux bonhomme parmi lesquelles Coppélia, que Swanilda trouve dans un placard et qui se révèle être effectivement un automate.
        Sur ces entrefaits apparait Frantz qui a escaladé la fenêtre pour rencontrer enfin sa belle... Swanilda, en l'apercevant, décide alors de lui jouer un bon tour et se substitue à la poupée... 
        Mais voilà qu'arrive le maitre du logis qui, furieux à la vue de ces intrus, les chasse à coups de bâton. Cependant Frantz trouve grâce à ses yeux lorsqu'il lui avoue son amour pour sa fille... Très flatté Coppélius conçoit aussitôt le projet de lui voler son âme afin de donner vie à Coppélia. Il fait boire au jeune homme un breuvage qui l'endort, puis essaie sa magie sur Swanilda-Coppélia qui s'anime... et pour cause... l'occasion de nous faire assister à une danse espagnole et une gigue écossaise. Mais, inquiète de voir Frantz inconscient, Swanilda rappelle ses amies au secours et la supercherie de Coppélius est révélée au grand jour. Frantz, évidemment, s'est réveillé et les amoureux réunis s'enfuient au grand ébahissement de Coppélius.



        Longtemps écarté des représentations françaises l'Acte III est essentiellement festif représentant la Fête de la Cloche, un cadeau du très généreux Duc au village, une occasion au cours de laquelle seront célébrées joyeusement  les fiançailles de Frantz et Swanilda.

     



        L'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie assistèrent à la Première dans la salle de l'ancien Opéra de la rue Le Peletier qui vivait ses dernières soirées de gloire (avant son incendie en 1873) et où, aussi gracieuse qu'excellente comédienne, Giuseppina Bozzacchi ,en Swanilda, enchanta le public. Elle avait en face d'elle Eugénie Fiocre dans le rôle du charmant Frantz, rôle composé pour une danseue en travesti, convention qui s'était imposée consécutivement à la défaveur dont souffraient à l'époque les malheureux danseurs de sexe masculin. (il faut noter au passage que le rôle de Frantz a continué d'être dansé en travesti à l'Opéra de Paris jusqu'aux environs des années 1950)
        Mais ce succés immédiat de Coppélia fut malheureusement vite interrompu, puisque l'oeuvre ne fut donnée que 18 fois avant que le siège de Paris n'entraine l'arrêt des activités de l'Opéra pendant plus d'un an.
        Une rupture brutale qui marqua, en France, la fin d'une période de l'histoire du ballet qui traversa à ce moment là un passage difficile et dont le prestige déclina pendant un certain temps.

        C'est Marius Petipa qui donna en 1884, à St. Petersbourg, une nouvelle version de Coppélia révisée encore par Lev Ivanov et Enrico Cecchetti en 1894. Puis le XXème siècle se le réapproprie avec George Balanchine en 1974 et Roland Petit l'année suivante.
        Plus rien ne demeure aujourd'hui de la chorégraphie originale qui a complètement disparu au fil de ces versions successives qui respectent toutefois scrupuleusement l'esprit de l'oeuvre. 

     



        Maguy Marin qui déclare, elle, que "les mécaniques sont entrées au musée et ne nous émeuvent plus", en fit  en 1993 une adaptation très personnelle dans laquelle, pour mieux se faire comprendre, elle situe son intrigue en banlieue avec pour héroïne "celle qu'on vous balance sans cesse dans les médias"... Blonde, sexy, en tailleur rouge et talons aiguille...

        Qualifié d'autre part, dans le même ordre d'idées, de "cucul la praline" par un chorégraphe contemporain, le ballet le plus dansé dans l'histoire de l'Opéra de Paris et régulièrement remonté par les plus grandes compagnies a encore, certainement, malgré tout, de très beaux jours à vivre!..

        Un bel hommage à la petite Giuseppina bien trop tôt disparue...  

    L'Art et la danse 

                     "la vie est un ballet... on ne le danse qu'une fois..."


        Les extraits de Coppélia sont interprétés par le Royal Ballet, avec dans les deux principaux rôles Leanne Benjamin et Carlos Acosta.
        Chorégraphie de Ninette de Valois d'après Lev Ivanov et Enrico Checchetti.
        Enrégistré au Royal Opera House, Covent Garden. 


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        Tentative ambitieuse d'intégrer la musique classique à l'animation en lui donnant une nouvelle dimension et une nouvelle richesse, Fantasia, considéré aujourd' hui comme l'un des meilleurs films de l'histoire du cinéma, représenta à sa sortie, le 13 Novembre 1940 au Colony Theater de Broadway, une véritable révolution culturelle dont il faut saluer la hardiesse.
        Car le maitre du genre ne jouait plus ce jour là "dans la sphère sans prétention de l'enfance et des contes de fées", mais bien dans "l'arène du Grand Art".

        Huit extraits du répertoire classique, interprétés par l'Orchestre Philarmonique de Philadelphie sous la direction de Léopold Stokowski, composent en effet ce dessin animé, véritable "pont entre les arts", qui n'a pas oublié d'y inclure la danse et fit dire au critique chorégraphe Walter Terrry: "les amoureux de la danse trouveront que Fantasia leur rend hommage par sa portée chorégraphique et son utilisation brillante d'un grand art, apportant la grande danse et la danse simple à chacun".

        Le plus célèbre des films de Walt Disney (1901-1966) réserve généreusement, en effet, deux de ses sept séquences au ballet:
        La Suite de danses de Casses Noisette (Op.71a) de Tchaïkovski, suivie par la Danse des Heures d'Amilcare Ponchielli, extraite de son Opéra La Gioconda (1876).

        Peu avant la sortie de son ballet en 1892, Tchaïkovski avait arrangé une suite d'extraits de la partition, dont Disney laissa de côté l'Ouverture et la Marche et utilisa pour le film les six numéros suivants, dans une succession légèrement différente de l'ordre initial.
        En manière d'introduction il sélectionna comme séquence d'ouverture la Danse de la Fée Dragée (tirée du Pas de deux final) sur laquelle il fit évoluer une myriade de fées qui, pareilles à des feux d'artifice réveillent la nature en y déposant des gouttes de rosée.
        Cette entrée en matière étincellante est suivie par les quatre danses du Divertissement de l'Acte II:
        La Danse Chinoise, pour commencer, interprétée par des champignons dont le plus petit fut surnommé "le Simplet de Fantasia", et qui font place très vite à un ballet de fleurs aux corolles virvoltantes tourbillonant aux accents de la Danse des mirlitons.



        Dans une ambiance orientale, un harem de poisssons rouges aux nageoires vaporeuses évolue ensuite aux échos de la Danse Arabe, suivie aussitôt par la Danse Russe, peut être l'une des plus belle trouvailles de Walt Disney avec ses cosaques-chardons et ses orchidées-paysannes...

     

     

     

    Puis, la Valse des Fleurs, remplie de poèsie, se prête alors à un final éblouissant avec ses Fées de l'Automne et de l'Hiver qui résument à elles seules le talent artistique et le génie de Disney.



        Dans un tout autre genre, la Danse des Heures de Ponchielli, l'avant dernière séquence du film, a été conçue comme un véritable amusement que les équipes de Disney on traité "avec légèreté comme une blague". Car l'intégralité de cette partie a été voulue comme "une parodie affectueuse des prétentions du ballet classique".
        C'est effectivement le passage le plus drôle de Fantasia, et si Casse Noisette nous enchante par sa poësie, la Danse des Heures, remplie d' humour, est destinée  cette fois à nous faire rire.

        Le côté technique n'en fut pas, cependant, négligé pour autant, et exactement comme cela se fit pour Casse Noisette, un consultant pour les chorégraphies avait été engagé, qui réalisa photos et esquisses des danseurs recrutés comme modèles, en l'occurence des membres des Ballets Russes, à l'époque en Amérique, et dont on avait demandé la contribution.

        Sur la trame de la musique de Ponchielli la seconde séquence du film consacrée à la danse se compose de quatre parties:
        Le Matin, interprété par les autruches, dessinées d'après Irina Baranova, (dont l'étoile fut nommée Mademoiselle Upanova en référence à la grande Toumanova), auxquelles succèdent dans l'Après midi les hippopotames esquissés cette fois d'après Tatiana Riabouchinska. (Baranova et Riabouchinska, premières danseuse à l'époque furent toutes deux sélectionnées par George Balanchine par la suite pour faire partie de sa Compagnie).

     

     


        Quand arrive la fin de la journée le Soir amène alors les éléphants croqués d'après le danseur Roman Jasinski et parmi lesquels il faut remarquer au passage le premier danseur Elephantine, clin d'oeil à Balanchine. Et  lorsqu'enfin la Nuit étend ses voiles et qu'arrivent les crocodiles on assiste à un Pas de deux final absolument désopilant.

     



        Le troisième long métrage de Walt Disney (après Blanche Neige et Pinocchio) reste incontestablement la pièce maitressse de ses créations. Une réussite toutefois très controversée au départ, car totalement incomprise par une partie de la critique qui demeura complètement hermétique à ce mélange des genres et s'appliqua à ereinter ce que l'on considère aujourd' hui comme un chef d'oeuvre du Septième Art.

        Le film obtint, malgré tout, un Oscar d'Honneur en 1942, saluant le tout premier procédé stéréophonique Fantasound, mais il fallut attendre les années 1970 pour qu'il reçoive la reconnaissance qu'il méritaiit. Peut être, selon John Grant "grâce à une libération artistique qui rejette le faux purisme pour une expérience multimédia".

        Walt Disney, très déçu, avait cependant gardé la profonde conviction que son film finirait par être reconnu un jour. Il avait déclaré:

        "Fantasia est intemporel. Il peut continuer dix ans, vingt ans, trente ans..."

        Décédé en 1966, il ne put malheureusement  assister à son succés que le temps ne dément pas...
        Car Fantasia  a aujourd'hui soixante-dix ans et continuera  à faire rêver encore très longtemps...

     

    L'Art et la danse


                  " Les hommes visent la lune,les danseurs les étoiles"
                                                                       Elise Terras
     
        

         

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        On cite souvent Domenico da Piacenza  comme "l'inventeur du ballet"...Certes il fut le premier chorégraphe de l'histoire, et le premier également à employer dans ses ouvrages le mot "ballo" au lieu de celui de "danza", cependant son traité publié en 1456  De arte saltandi et choreas ducendi ne fait rien de mieux qu'organiser et codifier le riche matériau légué par le Moyen Age.

        Par contre, c'est bien sur les rivages de la Méditerranée, et en Italie tout particulièrement qu'est apparue,à la fin de l'époque médiévale, la "Mauresque" dont l'évolution aboutit incontestablement à la naissance du ballet. 
        Divertissement très en vogue, mettant en scène l'un des soucis majeurs de l'époque, la guerre, elle était représentée sur les places de villages les jours de fête, avec pour personnage principal "il Mattacino", le Maure (visage noirci, coiffé d'un turban doré et armé d'un sabre en bois et d'un écu), lequel après avoir exécuté une danse à la manière orientale affrontait ses ennemis au son du flutet et du tambourin.
      Les nombreux spectateurs étaient particulièrement friands de ces scènes de combat où les exécutants rivalisaient de virtuosité dans des sauts spectaculaires par dessus les sabres; et "la rosa", point d'orgue du final, où le Maure était lancé plusieurs fois en l'air au milieu du tintement des clochettes suspendues à ses chevilles, déclenchait la liesse générale.

        Au fil des années le spectacle perdit très vite, cependant, son caractère guerrier pour ne rester qu'un simple divertissement auquel vinrent s'ajouter des chanteurs et divers personnages. Ce qui en augmenta encore peut être le succés qui devint tel qu'on introduisit alors la Mauresque dans les "sacre rappresentazioni", version italienne des "mystères", où la danse rejoignit un temps le théatre, se souvenant qui sait, de leur origine commune dans un lointain passé. 
        Le spectacle se déplaçait en chariots faisant office de scène chaque fois qu'ils faisaient halte devant une église ... On y donnait " La création d'Adam", "Adam et Eve chassés du Paradis" ou quelqu'autre pièce du répertoire, le tout  largement entrecoupé de musique et de danses toujours attendues avec impatience par l'assemblée.

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        Mais avec l'arrivée de la Renaissance, la fin de l'obscurantisme et l'engouement nouveau pour l'Antiquité, des thèmes païens hérités de la Grèce commencèrent à se méler aux thèmes chrétiens, et les "sacre rappresentazioni" abandonnèrent le parvis des églises... La Mauresque s'émancipa alors à travers les"triomphes", des spectacles de rue extrèmement élaborés et hauts en couleur (imitation de l'accueil que la Rome des César réservait à ses généraux vainqueurs) qui, mis à la mode par Laurent de Médicis, devinrent dans toute l' Europe la cérémonie d'usage avec laquelle on accueillait un hôte de marque.

        Venise se fit la spécialiste de ces productions coûteuses où l'on donnait la part belle à cette transfuge qui, en s'affranchissant du culte, était devenue difficilement reconnaissable...sauvages,  paysans,  satyres ou nymphes furent ajoutés à l'ensemble dont les exécutants ne s'appelaient d'ailleurs pas danseurs, mais "morescanti" (On pense que c'est à cette époque que le nom de Mauresque, dérivé en Morris, s'attacha en Angleterre à certaines danses folkloriques: Morris dances, dont plusieurs chorégraphies reprennent encore aujourd'hui, grelots y compris, les scènes de combat au rythme du tambour)

     

        Tous les Arts, musique, peinture, mime, contribuaient à la réussite finale de ces "triomphes" somptueux; de grands artistes comme Léonard de Vinci ou Botticelli en dessinèrent les costumes; et ce qui était une fête publique se transforma très vite en divertissement privé lorsque les puissants réalisèrent qu'ils pourraient y faire étalage de leur magnificence et accroitre ainsi leur prestige personnel.
        Le joyeux désordre de la place publique fut alors réduit à une échelle compatible avec l'intérieur d'un palais et dut s'organiser..  car on venait non seulement de prendre conscience des possibilités d'expression esthétiques du corps mais encore de l'utilité de règles pour les exploiter. Le semi improvisé allait devenir oeuvre d' Art...Un pas important venait d'être franchi dans l'histoire de la danse.

        C'est au XVIème siècle qu'apparaissent , en effet, les premiers "ballerini" professionels qui vont codifier leur savoir faire dans divers écrits. Les positions du corps se précisent, les pas se multiplient, l'évolution se poursuit et la technicité est de plus en plus exigeante. Qu'il soit chorégraphe, interprète ou professeur, le danseur professionel est de plus en plus recherché. 
        Le ballet devient, lui, le roi des divertissements, et Milan en est la capitale où Cesare Negri organise les fêtes les plus grandioses du moment. Celui ci publie en 1602 son célèbre traité  Le Grazie d'Amore dans lequel il recommande déjà aux "écoliers" de s'appuyer sur une table ou une chaise pour tenir le corps "ferme et droit". Et l'on retrouve peu de temps après dans ses  Nuove Inventioni di Balli des standards remarquablement avancés pour l'époque tels que l'en-dehors et la demi pointe qui seront à la base de la danse académique.

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        De son côté, Fabritio Caroso détaille dans son ouvrage  Il Ballarino, 54 règles à l'origine des pas de danse classique: usage du relevé, battements frappés, jeté, pirouette et surtout son "intrecciato" francisé en entrechat.
        Décrites entre autres, également, par Gugliemo Ebreo et Antonio Cornazzano, on constate que toutes ces techniques ont des points communs frappants, peut être parcequ'elles se sont développées de concert, mais certainement beaucoup plus vraisemblablement parcequ'elles obéissent aux mêmes exigences que sont les lois de l'équilibre et du mouvement.

        Les élèves de Cesare Negri enseignaient alors les théories de leur maitre dans toutes les Cours d'Europe où les grands de ce monde se disputaient les maitres à danser italiens dont la réputation avait largement franchi les frontières.
        En France, c'est Thoinot Arbeau (1520-1595), anagramme de Jehan Tabourot chanoine de Langres, qui publia en 1598 un travail que l'on ne saurait passer sous silence car il s'agit du corpus le plus complet des danses de bal pratiquées au XVIème siècle et surtout, le premier du genre indiquant avec précision les pas à exécuter en regard de la partition musicale:
                 L'Orchésographie  "Traité en forme de dialogue par lequel toutes personnes peuvent facilement apprendre et practiquer l'honneste exercice des danses".
        Traduit en allemand, anglais, espagnol, et japonais, l'ouvrage encore réimprimé en 1988 offre un panorama complet des danses de l'époque.

        On y découvre "la basse danse" représentative de la danse terre à terre, lente et majestueuse, dont font partie Pavane, Branle, Gavotte, Cavole ou Gay qui passèrent très vite de mode avec l'arrivée des maitres à danser italiens et l'introduction  de leurs pirouettes, tours sautés et cabrioles.



        Plus enlevées et moins ancrées dans le sol, "les hautes danses", auxquelles appartiennent  Gaillarde, Volte, Chaconne, Sarabande,  Passacaille ou  Passepied devenues très en vogue, exigeaient cette fois une plus grande virtuosité de la part de leurs exécutants en faisant un large appel aux pas sautés.



        Enfin, loin des ors des salons et de leurs danses "nobles" la France des terroirs se divertissait avec les danses "champètres": Rigaudon,  Tambourin,  Musette,  Bouffon, Canarie et surtout le Menuet qui obtiendra un immense succés lorsqu'il passera au siècle suivant du bal campagnard au cérémonial de la Cour. 



        Une Cour qui, lorsque le XVIème siècle se termine s'apprète à célèbrer le mariage de Marguerite de Lorraine, soeur de la reine Louise épouse d'Henri III... Un événement  important non seulement pour la grande histoire mais aussi pour celle de la danse... Car sous l'égide de la reine mère, la florentine Catherine de Médicis  se préparait une soirée exceptionelle donnée le 15 Octobre 1581 au palais du Louvre dans la grande salle du Petit Bourbon, en l'honneur des jeunes époux, et qui grâce aux talents de chorégraphe de Balthasar de Beaujoyeux (Baldassarino Belgiojoso) allait établir Paris comme la capitale du ballet dans le monde.

      
     

    " Ephémère, immortelle, versatile, la danse est le seul art qui, ne laissant aucun déchet sur la terre, hante certaines mémoires de souvenirs merveilleux"  
                         Jean Babilée.    

     

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