• Alexandre Benois (1870-1960) - Un talent héréditaire

     

    L'Art et la danse

    Alexandre Benois  par Léon Bakst (1866-1924)

     

     

     "Il a su tirer profit de tous les âges de l'existence, les respectant tous lorsqu'il les traversa, il ouvrit largement ses oreilles, ses yeux et son esprit à la vie et lui rendit perpétuellement hommage avec la ferveur d'un homme amoureux".
                  Peter Ustinov (1921-2004)  (petit-neveu d'Alexandre Benois).

     

        Peintre, illustrateur, décorateur, librettiste, metteur en scène et historien d'art, Alexandre Benois fait partie d'une famille d'artistes et d'intellectuels, descendants d'émigrés français et membres de l'intelligentsia de la fin du XIXème.
        Fils de Nicholas Benois (1813-1898), architecte à la cour du tsar, et de Camille Cavos, passionnée de théâtre, d'opéra et de ballet (et dont le père conçut le Marriinski), l'acteur déterminant de la création des Ballets Russes naquit à Saint Petersbourg le 4 Mai 1870 dans ce milieu prédestiné qui ne cessera d'être associé à des noms célèbres au fil des générations:


         Son frère Albert (1852-1936), de 18 ans son ainé, devint un aquarelliste renommé dont la fille, Maria, épousa le compositeur Nikolaï Tcherepnin (1873-1945).

     

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    Hêtres argentée  (1908)   Albert Benois


        Sa soeur, mariée à un sculpteur réputé, Evgueny Alexandrovitch Lanceray, sera la mère de Zinaïda Serebriakova (1884-1967) qui fut la première femme peintre russe à connaitre la notoriété. 

     

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    Autoportrait (1909)    Zinaïda Serebriakova


        Quand à son second frère, Léon, (1856-1928) au talent duquel Saint-Petersbourg doit de nombreux édifices, il est le père de Nadia  Benoit (1896-1975), artiste peintre elle aussi, qui s'établit à Londres et fut la décoratrice du Ballet Rambert et du Sadler's Wells Ballet, et la mère de l'acteur Peter Ustinov (1921-2004).


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    Cathédrale Notre-Dame   Saint- Petersbourg    (Oeuvre de Léon Benois)


        Plongé dès l'enfance dans le monde de l'art, Alexandre, sans aucun doute le plus célèbre de la fratrie, tiendra brillamment sa place dans cette famille hors du commun... Après avoir reçu ses premières leçons de dessin de son frère Albert il fréquente brièvement l'Académie d'Art de Saint-Petersbourg, et une fois ses études secondaires terminées s'inscrit en 1890 à la faculté de droit où il côtoie Sergueï de Diaghilev. Son diplôme en poche (1894) il séjourne ensuite à Paris où il prend des cours de peinture et s'intéresse tout particulièrement à l'art de l'époque du "Roi Soleil".
        Ce sera pour lui l'occasion de peindre à Versailles une série d'aquarelles originales, Les Dernières Promenades de Louis XIV, qui lors de leur exposition en 1897 sont particulièrement appréciées de Diaghilev et Léon Bakst dont il partage les idées et qu'il retrouve au cercle des "Pickwickiens".


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    Les Dernières Promenades de Louis XIV     Alexandre Benois


        En réaction contre le positivisme dans l'art russe qu'ils estiment décadent, les trois amis vont fonder ensemble l'année suivante l'association Mir Iskousstva (Le Monde de l'Art), prônant un renouveau pictural tourné vers l'Europe et marqué par le culte de la beauté, un mouvement auquel viendront se joindre Konstantin Somov, Dmitry Filosofov et Evgueny Evguenievitch Lanceray, neveu de Benois et peintre lui aussi.

        Les "miriskuniki" se voulaient les partisans de l'art populaire traditionnel, ainsi que du "rococo" du XVIIIème, et grands admirateurs d'Antoine Watteau (1684-1721) fascinés par les masques, le carnaval, le rêve et les contes de fées, ces héritiers des pré-raphaélites feront de Venise leur ville favorite où Diaghilev et Stravinsky seront enterrés.

     

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     Venise - Le Pont des Soupirs    Alexandre Benois

     

        En 1899 le groupe édite son magazine, auquel Alexandre Benois collabore très activement. Cependant il ne bornera pas là ses travaux d'écriture, car pendant la première décennie du XXème siècle il publie plusieurs monographies sur l'Art, dont l'une d'entre elles sera consacrée à la résidence impériale de Tsarkoïe Selo, le "Versailles Russe" non loin de Saint-Petersbourg, apparemment selon lui sans rivale:
        "Aucun Versailles ne peut se comparer avec Tsarkoïe Selo..." avait-il déclaré à son retour de Paris."

     

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    Tsarkoïe Selo

     

        A ce talent d'écrivain il ajoute très naturellement celui d'illustrateur et opère à l'époque une véritable révolution dans le monde du livre avec ses gravures pour le poème de Pouchkine (1799-1837) Le Cavalier de Bronze (inspiré par la célèbre statue équestre du tsar Pierre le Grand à Saint-Petersbourg) ou encore La Reine de Pique et Le Cavalier d'Airain, et donnera libre cours à son inspiration dans un abécédaire qui reste encore aujourd'hui un chef d'oeuvre du genre, L'Alphabet en Images.


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    Illustration pour Le Cavalier de Bronze (1904)  Alexandre Benois

      

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    Illustration pour L'Alphabet en Images     Alexandre Benois


         Sans abandonner pour autant son activité de peintre, l'infatigable  Alexandre Benois collabore pendant la même période à de nombreuses manifestations dont en 1904 la plus grande exposition de portraits organisée par Diaghilev qui réunit plus de 7000 toiles venues de toute la Russie.

        Mais c'est sa nomination au poste de metteur en scène au Mariinski en 1901 qui imprime véritablement un tournant décisif à sa carrière: il crée alors les décors et les costumes pour le Ballet Impérial et participe entre autres à la production des Sylphides et du Pavillon d'Armide dont il co-écrit le livret avec Fokine, une expérience qui fera de lui un passionné de cet "art total" que représente la danse.
        "Le ballet est la plus importante forme d'art qui par miracle a survécu en Russie, alors qu'elle a disparu partout ailleurs" écrit-il.

     

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    Karsavina et Nijinsky   Les Sylphides    Costumes d'Alexandre Benois


        Porté par cet enthousiasme, c'est lui qui va convaincre Diaghilev de se tourner vers la danse lorsque celui-ci ne peut renouveler l'année suivante la tournée triomphale de concerts d'opéras russes qu'il a montée à Paris en 1908 car le tsar lui a coupé les vivres, et le célèbre décorateur écrira très justement bien des années plus tard "sans moi les Ballets Russes n'auraient jamais existé".

        La tournée parisienne de 1909 sera un triomphe et Benois s'y illustre avec la reprise des Sylphides et du Pavillon d'Armide, deux réalisations emblématiques que le public découvre dans les décors et les costumes déjà présentés au Mariinski.

     

    Le Pavillon d'Armide  Musique de Nikolaï Tcherepnine (Neveu d'Alexandre Benois) Chorégraphie de Mikhaïl Fokine. Livret de Benois et Fokine. Décors et costumes d'Alexandre Benois. Interprété par Nijinski et Anna Pavlova.  Théâtre du Châtelet- Paris   18 Mai 1909 

     

        "Ceux qui étaient habitués à la fadeur maladive adoptée invariablement par les théâtres parisiens pour caractériser l'époque Rococo trouvèrent nos couleurs trop vives et la grâce de nos danseurs trop apprêtée. Mais pour ceux qui comprenaient réellement Versailles, les porcelaines chinoises de Sèvres, les tapisseries, les appartements dorés des châteaux et l'architecture des parcs, notre Pavillon d'Armide fut une révélation. Parmi nos amis les plus enthousiastes figuraient Robert de Montesquiou et Henri de Régnier lui-même".
                                      Alexandre Benois    Souvenirs des Ballets Russes

     

    Le Pavillon d'Armide   Musique de Nikolaï Tcherepnine, chorégraphie de Nikita Dolgushin d'après Mikhaïl Fokine. Livret de Fokine et Alexandre Benois.
    Enregistré dans la salle d'Opéra du Conservatoire Rimsky-Korsakov de Saint-Petersbourg et au palais de Tsarkoïe Selo.

     

         Le succès ira encore grandissant les années suivantes et se poursuivra entre autres avec Giselle (1910) et Petrouchka (1911) considéré comme son chef d'oeuvre et dont il a rédigé le livret avec Stravinsky (Il réécrira également entièrement celui du Coq d'Or en 1914).


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    Giselle  (1910)   Décor d'Alexandre Benois

     

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    Petrouchka (1911)    Décor d'Alexandre Benois


       Cependant, Alexandre Benois ne réservera pas ses productions aux seuls Ballets Russes et sera également le principal décorateur du Théâtre d'Art de Moscou, mais lorsqu'en 1917 survient la tourments de la révolution, obligé d'abandonner la scène pour un temps il se tourne alors essentiellement vers ses activités d'historien de l'art et devient un véritable expert de la période de Pierre le Grand, Elisabeth et la Grande Catherine.
        La notoriété que lui valurent ces travaux de recherche le firent nommer, lorsque l'ordre fut rétabli, curateur de la galerie des "Grands Maitres" au musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg, où il s'acquitta de cette charge de 1918 à 1926.
        C'est à cette occasion qu'il permit au musée d'acquérir une madonne de Léonard de Vinci qui faisait partie d'un héritage que son frère Léon détenait de sa belle-famille, et la toile, que l'on estime être le premier travail exécuté par Léonard de Vinci comme peintre indépendant de son maitre Andréa del Verrochio, reçut alors en entrant au musée le nom qu'elle porte encore aujourd'hui: la "Madonne Benois" (1478).

     

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    "La Madonne Benois" (1478)      Léonard de Vinci (1452-1519)

     

        En 1926 l'artiste aux multiples talents décide de quitter la Russie soviétique et se fixe définitivement à Paris où il travaille avec Diaghilev et Stravinsky et collabore de même avec Ida Rubinstein, l'Opéra privé russe de Paris, le ballet de Monte Carlo, la Comédie Française, l'Opéra Comique et la Scala de Milan où son fils Nikolaï (1901-1988) sera plus tard décorateur.
         Cet infatigable créateur continue également à participer avec ses toiles à d'innombrables expositions en Europe, et n'abandonnant pas non plus ses travaux d'écriture, publie en 1941 Souvenirs des Ballets Russes puis rédige ensuite ses Mémoires qui voient le jour en 1955. Mais la mort mettra un terme à cette activité débordante et viendra le surprendre le 9 Février 1960 à Paris où il repose au cimetière des Batignoles.

     

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    Saint- Petersbourg         Alexandre Benois (1870-1960)

     

        Créé en son honneur en 1991 par l'Association internationale de la danse à Moscou, le Prix Benois de la danse est décerné chaque année aux environs de la date anniversaire de la naissance du peintre. Les membres du jury sont choisis parmi les artistes les plus compétents dans le domaine du ballet, et les statuettes qui couronnent le succès des lauréats de chaque discipline: ballerine, danseur, chorégraphe, compositeur et metteur en scène, ont été symboliquement conçues par le sculpteur Igor Ustinov, fils de Peter Ustinov et arrière petit-neveu d'Alexandre Benois.

     

    L'Art et la danse

    Juri Grigorovich remet son prix à Carolyn Carlson (1997)

     (Parmi les nombreux lauréats figurent entre autres, Alicia Alonso, Aurélie Dupont, Natalia Ossipova, Alessandra Ferrari, Mikhaïl Barychnikov, Maurice Béjart, Mathieu Ganio ou Carlos Acosta.)

     

        Artiste dans le vrai sens du terme, Alexandre Benois vécut, créa et célébra l'Art sur et en dehors de la scène, auteur d'une centaine de livres, peintre de talent ou créateur des décors et des costumes de plus de 200 ballets et opéras dans le monde...
        Une carrière auréolée de succès, et lorsqu'il participa au Napoléon d'Abel Gance (1927), l'un des derniers films muets français, dont il fut le chef décorateur, il ne se déclara pas apparemment très satisfait du résultat car il écrivit rageusement au dos de l'un de ses dessins préparatoires:
        " Cette scène a été gâchée par les prétendues exigences du cinéma"...

        Une constatation sans aucun doute très frustrante pour celui qui, avec certainement une grande exigence envers lui-même fit autant de choses et les fit aussi bien...

     

         "L'idéal de la vie n'est pas l'espoir de devenir parfait, c'est la volonté d'être toujours le meilleur"
                           Ralph Waldo Emerson (1803-1882) 

     

     Petrouchka (Scène 1)  Musique d'Igor Stravinsky.  Chorégraphie de Mikhaïl Fokine.  Décors et Costumes d'Alexandre Benois.
    Interprété par Rudolf Noureev (Petrouchka), Denise Jackson (la ballerine), Christian Holder (le Maure) et Gary Chryst (le magicien).

     


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