• Un temple de la danse: Le Mariinsky...

     

    L'Art et la danse

         Le théâtre Mariinsky (côté sud) bordé par le canal Krukov

     

     

        Bien qu'ayant perdu aujourd'hui son titre de capitale, la ville de Saint Pétersbourg, siège du gouvernement des tsars pendant plus de deux cents ans, n'a cessé de s'imposer depuis lors comme centre culturel, reflet de ce que l'art de l'époque a pu offrir de mieux dans tous les domaines.
        Parmi les témoins de ce fastueux passé, le théâtre Mariinsky représente à travers ses légendes et les artistes célèbres qui fleurirent sur sa scène, un lieu mythique de l'histoire du ballet dont les débuts en Russie remontent au règne de la tsarine Anna Ivanovna (1613-1740), lorsqu'il fut décidé que l'enseignement de la danse serait inclu au programme de l'Académie Miltaire.

     

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    Anna Ivanovna (1693-1740)

     

         Le français Jean Baptiste Landé (? - 1748) fut alors nommé professeur au Corps des Cadets et, artiste apprécié, se vit chargé par la Cour d'organiser, en 1738, au Palais d'Hiver l'Ecole de Danse de sa Majesté: 12 garçons et 12 filles, tous enfants des domestiques du palais qui furent les premiers élèves de ce qui deviendra par la suite l'Ecole de Danse Impériale d'où sera issue la majorité des plus célèbres danseurs de l'histoire.

     

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    Le Palais d'Hiver, aujourd'hui musée de l'Ermitage

     

        Le théâtre de l'Ermitage, près du Palais d'Hiver étant réservé à l'usage exclusif de la famille impériale et à ses invités, opéras et ballets étaient à l'époque représentés pour le commun des mortels dans le théâtre de bois Karl Knipper, un ancien manège aux dimensions relativement modestes. En protectrice des Arts, l'impératrice Catherine II ordonna en 1783 la construction d'un vaste lieu de spectacle plus digne de sa fonction et réalisé cette fois en matériau durable.

     

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    Catherine II   La Grande Catherine (1729-1796)   

     

         Afin de se distinguer de son prédécesseur, le théâtre conçu par l'architecte Antonio Rinaldi (1710-1794) et édifié sur l'espace devenu aujourd'hui la Place du Théâtre, reçut alors le nom de Théâtre Impérial Bolchoï Kamenny,  "bolchoï" et "kamenny" signifiant respectivement en russe "grand" et "pierre".

     

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    Le théâtre Bolchoï Kamenny

     

         Ce "Grand Théâtre de Pierre" fut rénové en 1836 par Alberto Cavos (1800-1863) et accueillit un voisin le 29 Janvier 1849 avec l'inauguration d'un établissement dessiné par le même architecte et destiné au cirque équestre Guerra. Le bâtiment, une structure dans le style néo-byzantin à la mode de l'époque, ne conserva cependant que peu de temps sa destination première, et déserté par le cirque dès 1854 fut alors réaménagé pour l'opéra:
        La piste fut transformée en parterre et une partie des gradins et des loges supprimée pour construire une scène qui se retrouva de ce fait d'une largeur considérable (Aucune scène au monde n'avait alors de telles dimensions). Gravement endommagés par un incendie en 1859 les lieux furent reconstruits par leur concepteur qui profita de l'occasion pour agrandir et embellir le bâtiment, y ajoutant foyers et cages d'escaliers.
         Inauguré le 2 Octobre 1860, le théâtre reçut alors le nom de Théâtre Mariinsky en hommage à l'épouse du tsar Alexandre II, Maria Alexandrovna,

     

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    Maria Alexandrovna (1824-1880)

     

        et, après avoir été l'objet de travaux à deux reprises dans le courant du XIXème siècle, acquit en 1886 sa façade verte caractéristique.

     

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         L'une des plus belles du monde, la salle du Mariinsky aux sièges de velours bleu, absolument somptueuse, est pratiquement restée inchangée jusqu'à aujourd'hui et arbore de vrais chefs d'oeuvres, parmi lesquels se comptent les Atlantes et les Cariatides qui soutiennent la Loge du Tsar.

     

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        Colonnes torsadées, têtes de femmes, masques et autres ornements de stuc côtoient les lambris et les lustres de cristaux dans une harmonie raffinée de bleu, blanc et or, que vient couronner au plafond la ronde des Amours d'Enrico Francioli (1814-1886) entourée par les portraits en médaillons des auteurs dramatiques les plus célèbres.

     

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        Car les premières représentations du Mariinsky furent principalement consacrées au théâtre, et le ballet et l'opéra qui se partageaient toujours la scène du théâtre Bolchoï Kamenny voisin, n'y furent officiellement transférés qu'en 1886 (et encore à la demande pressante du directeur, Ivan Vsevolozhsky (1835-1909), lorsque les lieux n'offrirent plus les conditions de sécurité suffisantes) Un détail qui invite à reconsidérer la théorie selon laquelle les dimensions exceptionnelles de la scène du Mariinsky seraient à l'origine du ballet russe à grand spectacle... Car les premiers du genre et non les moindres, La Fille du Pharaon (1862), La Bayadère (1877) etc... furent tous créés sur la scène du théâtre Bolchoï Kamenny...

     

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    Théâtre Mariinsky   Le Hall

     

         A l'époque les deux personnages importants du Mariinsky sont le chef d'orchestre Eduard Napravnik (1839-1916) qui occupa le poste pendant 47 ans, et le chorégraphe et maitre de ballet Marius Petipa (1822-1910) qui va faire entrer le théâtre dans la légende en y créant quelques uns de ses plus grands chef d'oeuvres: La Belle au Bois Dormant (1890), Casse Noisettes (1892) ou Le Lac des Cygnes (1895). Dans ce nouvel écrin le ballet n'en gagnera que plus de prestige, car aucun sacrifice n'y est consenti pour ce que l'on appelle désormais "l'Art des tsars"... 

     

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      Le rideau de scène, oeuvre d'Aleksandr Golovin (1863-1930)

     

         Financé comme les autres théâtres impériaux de Saint Petersbourg par le tsar et la tsarine, le Mariinsky reçoit de ces derniers une subside annuelle de 2 millions de roubles or... La famille impériale et la noblesse comblent d'attention les danseurs, les loges des étoiles débordent de fleurs avant les spectacles, et les messieurs jettent leurs manteaux sous les pieds des ballerines lorsqu'elle quittent le théâtre...

     

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    L'antichambre des loges impériales

     

        Invitées à se produire à la Cour, les danseuses sont retenues à souper et se voient fréquemment offrir de somptueux bijoux, car tel le tsarévitch Nicolas II qui s'éprit de Mathilde Kschessinskaïa (surnommée "la petite K"), les ducs et les princes Romanov choisissaient leurs maitresses dans le monde du ballet et du théâtre.

     

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    Mathilde Kschessinskaïa (1872-1971)

     

        A la fin du XIXème siècle, alors que l'art du ballet traverse en Europe de l'Ouest une période de déclin, considéré comme un simple ajout à l'opéra ou un étalage futile de danseuses (les danseurs masculins condamnés au rôle de porteurs ont quasiment disparu), il connait au contraire un essor croissant en Russie où lui est accordée une importance primordiale.... Les soirées somptueuses au Mariinsky durent plusieurs heures et l'on s'y dispute les places... En 1889 le Ballet Impérial devient la compagnie résidente du Mariinsky et la qualité de ses danseurs fera sa renommée dans le monde.

        Composée à l'époque de 180 exécutants répartis selon les divers échelons: corps de ballet, coryphée, sujet, prima ballerina et prima ballerina assoluta (pour un homme "soliste du Tsar"), la troupe était issue de l'Ecole Impériale (aujourd'hui Académie Vaganova) dont la rigueur de l'enseignement explique le nombre élevé de danseurs exceptionnels qui en sortirent ( Des résultats attribués également à la tradition du Mariinsky de garder les meilleurs danseurs comme professeurs).

     

    Académie Vaganova   Elèves de Seconde division


        Choisis pour leur physique, leur énergie et leurs connaissances musicales, dès la première année les élèves de l'Ecole Impériale paraissaient dans des spectacles, et après leurs études étaient assurés d'une place dans le corps de ballet où ils signaient un contrat de 20 ans, après quoi recevaient une pension à vie. C'est l'époque de Lev Ivanov (1834-1901) considéré comme "l'âme de la danse russe", Pavel Gerdt (1844-1917) ou encore Ekaterina Vazem (1848-1937).
          Anna Pavlova (1882-1931), Tamara Karsavina (1885-1978), Vaslav Nijinski (1890-1950), firent partie de la génération suivante, et pendant que ces jeunes danseurs devenaient des étoiles un évènement important eut lieu au MariinskyMikhaïl Fokine (1880-1942) prit le poste vacant de Marius Petipa...

        Bien que le ballet soit toujours resté très populaire pendant toutes ces années, ses décors et ses costumes chargés ainsi que ses musique souvent sans grande imagination l'avaient fait au fil du temps accuser de conventionnalisme. Et Fokine qui aspirait à sortir de ces stéréotypes réussit avec la collaboration d'artistes comme les peintres Alexandre Benois et Léon Bakst ou encore le compositeurs Serge Prokofiev, à réaliser cette évolution sous la houlette de Serge Diaghilev dont les Ballets Russes ne furent rien d'autre que la vitrine des étoiles du Mariinsky dans le monde:
        "La première saison des Ballets Russes de Diaghilev doit être écrite en lettres d'or dans les annales du ballet russe" écrivit son ami Grigoriev.

        Le Mariinsky lui-même connut malheureusement à cette époque une période beaucoup moins faste, car la révolution de 1917 lui ayant fait perdre ses mécènes impériaux plusieurs de ses vedettes pressées par les temps difficiles et l'attrait de l'étranger quittèrent la Compagnie. Renommé alors Théâtre Académique par les nouveaux dirigeants, il dut encore changer de nom à plusieurs reprises avant d'être, en 1935, finalement baptisé Kirov, en hommage à Sergey Mironovich Kirov, un chef révolutionnaire qui n'avait toutefois absolument rien à voir avec la danse... (Le théâtre ne retrouva son nom d'origine qu'en 1991).

        Quoiqu'il en soit le Mariinsky resta pendant toutes ces années le vivier des danseurs russes, et l'éminent professeur que fut Agrippina Vaganova (1879-1951), qui dirigea l'Ecole à partir de 1920 et qui selon ses propres dires "se battit bec et ongles " pour préserver l'héritage de Petipa, fit émerger de nouvelles stars du ballet soviétique, parmi elles Galina Oulanova (1910-1998), Maïa Plissetskaïa (1925- ) ou encore Marina Semenova (décédée le 9 Juin 2010, 3 jours avant son 102 ème anniversaire...)

     

    L'Art et la danse

    Marina Semenova

     

        Bombardé pendant la seconde guerre mondiale et le siège de Léningrad, le théâtre dut être évacué pour un temps et danseurs, costumes et décors se replièrent à Perm. Le bâtiment fut heureusement rapidement remis en état et le public retrouva avec bonheur les lieux dont il avait été privé:
        "Une fois à l'intérieur on se souvient des paroles célèbres de Meyerkhold: Que c'est bon pour l'âme de s'asseoir dans ce temple" écrivit un contemporain.

        Unanimement apprécié pour son ensemble et la pureté de son style, le corps de ballet du Mariinsky, d'une élégance aristocratique, se distingue aujourd'hui par la qualité de ses ports de bras et ses épaulements, quand aux étoiles, si leur technique exceptionnelle leur permet toutes les prouesses, une part très importante est accordée au lyrisme: autant de qualités et de traits distinctifs de la méthode d'enseignement Vaganova qui situent le Mariinsky tout à fait en de ça de ses pairs.

     

    Giselle - Acte I  Interprété par Polina Semionova et le ballet du Mariinsky

     

        "Sanctuaire du classique" diront les uns, "prison" affirmeront certains autres... le Mariinsky qui a le plus beau répertoire historique au monde car toutes les grandes oeuvres y sont nées, se définit en fait par les artistes qui ont jalonné son histoire. Rendu célèbre par ces innombrables danseurs, chorégraphes et compositeurs d'exception, même s'il devait disparaitre demain, le théâtre dont le nom est intimement lié à la danse serait immortalisé pour le reste des temps par Pavlova, Nijinski, Noureev ou Baryshnikov, ainsi que par les accents de Stravinsky, Prokofiev et Tchaîkovski.


     

    Ballerina (2007), documentaire de Bertrand Normand, présente cinq danseuses de la troupe du Kirov/Mariinsky:
    Alina Somova, Euguénya Obraztsova, Svetlana Zakharova, Diana Vishneva et Ulyana Lopatkina. 



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  • Commentaires

    2
    elaidat2000
    Mercredi 4 Février 2015 à 15:30

    j aime la famille imperiale russe

    1
    elaidat2000
    Mardi 3 Février 2015 à 12:51

    j aime nicola ii  alexandra

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