•  Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Costumes de Barbara Karinska pour Bugaku (1963)

     

        "Il y a Shakespeare pour la littérature, et pour le costume Madame Karinska".
             George Balanchine (1904-1983)

     

     

        Lorsqu'en 1963 la Fondation Ford accorde une subvention de plusieurs millions de dollars au New-York City Ballet et s'enquiert auprès de George Balanchine de ce qui lui est indispensable celui-ci répond:

                                               Karinska...

                   Compliment suprême d'un artiste à un autre artiste.... 

        Barbara Karinska est alors âgée de 77 ans, et les 14 années qui vont suivre pendant lesquelles elle va régner sur cet Atelier des Costumes du New-York City Ballet dont elle sera la fondatrice, marqueront son ascension finale au firmament de ce monde mystérieux qui transforme les rêves en réalité.

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

     

         Varvara Andryevna Zhmovdsky naquit à Kharkov le 3 Octobre 1886, troisième enfant et première fille d'une famille de dix, dont le père était un riche négociant en étoffes. Les Zhmovdsky menaient la vie privilégiée des membres de la haute société et Varvara fut initiée dès son jeune âge à la broderie et aux travaux d'aiguille, un fleuron de la culture artistique russe dans lequel elle excellait, et qu'elle ne cessera d'exploiter avec talent tout au long des 50 années d'une carrière assez exceptionnelle, car si elle réalise seulement son premier costume à l'âge de 40 ans elle en a 90 lorsqu'elle crée en 1977 les somptueuses toilettes pour Valses de Vienne...


    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Valses de Vienne   (G. Balanchine)   Costumes de Barbara Karinska


        Rien ne semblait présager d'un pareil avenir lorsque Varvara Zhmovdsky s'inscrivit à l'Université de Kharkov afin d'y poursuivre des études de Droit. Mais son esprit d'entreprise se fera déjà sentir lorsque, mariée en 1908 à un éditeur de journal Alexander Moïssenko dont elle eut une fille, Irina, elle n'hésitera pas à remplacer quelques temps dans ses fonctions son mari mort du typhus, du jamais vu pour une femme à l'époque...  
        Elle se rend ensuite à Moscou où elle épouse en 1915 l'avocat Nicolas Karinsky et, se passionnant pour l'art, tient salon chez elle tous les soirs après le théâtre ou le ballet et crée des tableaux originaux faits de morceaux de soie de couleur collés sur des photos et des dessins: Ses premiers sujets seront des scènes de ballet, et après avoir gaché beaucoup de papier et coupé beaucoup de tissus elle expose finalement 12 de ses oeuvres dans une galerie célèbre de Moscou, rencontrant un large succès tant dans le domaine de la critique que du point de vue financier.

        Mais les bouleversement de la Révolution et la Guerre Civile viendront perturber cette carrière naissante lorsque son mari qui s'était vu attribuer un poste officiel au gouvernement est forcé en 1921 de quitter le pays quand les bolchéviques prennent le pouvoir. Varvara qui préfère rester dans cette "Nouvelle Russie" n'ira pas le rejoindre et après avoir signé un de ces formulaires simplifiés de divorce, démarche banale dans ces années mouvementées, ouvre alors un salon de thé qui devint à Moscou le lieu de rencontre à la mode où se réunissaient chaque après-midi à 5 heures artistes, intellectuels ou officiels du gouvernement.
        Remariée au riche héritier Vladimir Mamontov, elle laissera parler encore une fois son goût pour les arts en créant un atelier de couture et de modisterie (pour habiller les épouses des élites soviétiques), ainsi qu'une école de broderie où elle enseignait les travaux d'aiguille au prolétariat. 

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Détail d'un costume de Barbara Karinska pour Le songe d'une nuit d'été (1962)


        C'est la mort de Lénine qui vint cette fois, en 1924, mettre un terme à cette entreprise, car le nouveau régime nationalisa son école et en fit une fabrique de drapeaux. 
        Son époux fortuné, symbole de la bourgeoisie décadente, risquant à tout moment d'être arrêté, Karinska imagina alors un plan pour quitter l'Union Soviétique et proposa aux autorités d'exposer dans les villes d'Europe de l'Ouest les meilleurs travaux de ses élèves afin de servir de propagande au régime... Certains crurent à l'authenticité de l'initiative, d'autres moins... Mais les visas furent cependant accordés et Vladimir Mamontov s'enfuit le premier en Allemagne, suivi quelques semaines plus tard par son épouse accompagnée d'Irina qui pleurnichait sous le poids d'un énorme chapeau dans lequel sa mère avait dissimulé les précieux bijoux de famille... (celle-ci n'avait pas oublié non plus d'ajouter dans les bagages de sa fille une pleine valise de livres de classe entre les pages desquels étaient glissés des billets de 100 dollars achetés au marché noir!)

        La famille se retrouva à Berlin, et vécut quelques temps à Bruxelles où s'étaient installés le père et plusieurs frères et soeurs de Varvara, puis ils partirent pour Paris où, les richesses ramenées de Russie n'étant pas éternelles, la nécessité de trouver un travail se fit cruellement sentir.
        Karinska chercha tout naturellement à utiliser ses compétences dans le domaine de la couture et de la broderie et grâce à son aplomb arriva à approcher les personnes qu'elle souhaitait rencontrer. Après avoir crocheté des châles ou conçu des coiffures, elle reçut bientôt sa toute première commande de costume: une robe pour un film de 1926.
        D'autres travaux similaires la firent connaitre peu à peu et elle fut contactée par une nouvelle compagnie qui venait de se créer, les Ballets Russes de Monte Carlo, qui l'engagea pour sa première production, Cotillon (1931), une chorégraphie signée par l'un de ses compatriote, George Balanchine, dont elle habilla par la suite les six ballets qu'il donna à Paris.

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Tamara Toumanova dans Cotillon    Costume réalisé par Barbara Karinska
      

         Karinska devint bientôt grâce à son talent la costumière la plus en vogue de la capitale, et collabora entre autres pour le théâtre avec Jean Cocteau (1889-1963) et Louis Jouvet (1887-1951). Sa renommée la fit ensuite engager à Londres où elle se rendit en 1936 et travailla avec le même succès pour la comédie musicale, le ballet, l'opéra et le cinéma jusqu'à ce que la menace de la seconde Guerre Mondiale devenue imminente la fasse décider en deux jours d'embarquer sur le Queen Mary pour les Etats-Unis.

        Destinée à la Foire Internationale de New-York, sa première commande Outre-Atlantique, un serpent si long qu'il fallut deux taxis pour le transporter, ne fut qu'une brève parenthèse car elle retrouva bientôt la scène lorsque, pour les Ballets Russes de Monte Carlo chassés eux aussi par la guerre, elle réussit à l'occasion de la première de Bacchanale le tour de force de refaire en une semaine, d'après de simples copies des dessins de Dali, les 60 costumes qu'ils avaient abandonnés en Europe. 
        Agnes de Mille (1905-1993) pour qui elle réalisa en 1942 les costumes de Rodéo dira "Dans son domaine elle est sans égale!.." Une réputation qui ne pouvait laisser insensible Holywood où Karinska fut engagée pour participer à de nombreux films, créant des costumes pour Gary Cooper, Ingrid Bergman, Judy Garland ou encore Ginger Rogers, et obtint un Oscar pour ses réalisations dans le film de Victor Fleming Jeanne d'Arc (1948).


    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Ingrid Bergman dans l'un des costumes que Barbara Karinska réalisa pour le film Jeanne d'Arc (1948)  Est-ce une coïncidence? Barbara Karinska posséda à Domremy (Vosges), village natal de Jeanne d'Arc, une maison où elle se rendit très souvent.

     

        En dépit de ses succès dans le monde du cinéma, Karinska délaissera cependant la Californie pour New-York où elle retrouve l'opéra, le théâtre et le ballet lorsque George Balanchine lui demande en 1949 de dessiner les costumes pour La Bourrée Fantasque.

         Elle n'avait jusque là travaillé que d'après les croquis des autres, et la possibilité de concevoir elle-même le projet lui accordera alors à partir de ce moment là une totale liberté qui lui permit de créer ses plus beaux chefs d'oeuvre comme Symphonie en Ut (dont la première avait eu lieu en 1947 mais qui fut remonté en 1950), ou encore Casse-Noisette (1954).


    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Costume de Barbara Karinska pour La Valse (1951)

         

         Si l'association de Karinska avec Balanchine fut de loin pour elle la plus longue et la plus satisfaisante (Ils travaillerons ensemble sur 65 ballets) ce dernier ne fut cependant pas le seul chorégraphe dont elle habilla les visions. Au cours des 50 années sur lesquelles s'étendit sa carrière Barbara Karinska réalisa également les costumes de ballets signés Michel Fokine, Léonide Massine, Frederick Ashton, Antony Tudor, Bronislava Nijinska, Agnés de Mille ou encore Jerome Robbins. Mais elle déclarera elle-même cependant:

                    "J'ai donné mon coeur au New-York City Ballet" 

    (Agnes de Mille ira même jusqu'à affirmer qu'elle même et les autres compagnies soupçonnaient Karinska de leur réclamer des honoraires exorbitants afin de pouvoir faire des prix à Balanchine...)

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Barbara Karinska  (1949)

     

        Alors que le chorégraphe du New-York City Ballet donnait à la danse américaine sa ligne, son élégance raffinée, son éclat unique et sa propre tradition classique, Karinska était à ses côtés, épurant cette ligne, accentuant cette élégance, ajoutant de la couleur à cet éclat et offrant à cette tradition un écrin de satin et de soie importés de France.

       

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    George Balanchine et la Princesse Grace de Monaco après une représentation de Joyaux (1967).


        Le Prix Capezio, accordé pour une contribution exceptionnelle au monde de la danse, fut remis à Barbara Karinska en 1962 avec ce commentaire:
        "Les costumes de Barbara Karinska sont devenus depuis longtemps un gage de beauté complète pour le spectateur, et de plaisir total pour le danseur, qu'il soit étoile, premier danseur ou membre du corps de ballet".
        Dans son atelier où, selon ses propres paroles, elle régnait "avec le courage d'un homme et le coeur d'une femme", Karinska créa en effet des costumes qui étaient non seulement étonnement beaux, mais réalisés également avec astuce et intelligence, prenant en compte les impératifs de la danse et les besoins des danseurs.

        " Personne ne savait faire un bustier comme elle, ni même ne savait pourquoi il fallait le faire comme ça" écrira Patricia Zippodt, "jusqu'à ce qu'arrive Karinska ils étaient tous mal faits avec des coutures, des coutures et encore des coutures... Ses costumes étaient des vêtements dans lesquels on pouvait danser et chanter".

        Les bustiers des tutus, traditionnellement taillés sur un modèle de corset, étaient en effet parfois composés de 15 morceaux différents tirés dans le droit fil et assemblés par des coutures avec pour résultat une mobilité très restreinte de la cage thoracique. Afin de créer l'élasticité nécessaire à un meilleur confort Karinska eut l'idée de découper les panneaux latéraux dans le biais, une innovation qui peut sembler anodine aux contemporains du Lycra, mais qui permit au danseur et au chanteur de respirer enfin librement...
        (La haute couture parisienne, notamment Coco Chanel et Madeleine Vionnet, avaient utilisé largement le travail du biais dans les années 30, et c'est très vraisemblablement ce qui inspira Karinska)

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Costume de Barbara Karinska pour Coppélia (1974)

     

        Lorsque pour Symphonie en Ut elle eut à relever le défi de faire se côtoyer sur scène 40 tutus courts sans qu'ils n'oscillent au moindre frôlement Barbara Karinska s'illustra une nouvelle fois avec, sans doute, la plus célèbre de ses trouvailles: le tutu "houppette"...
        La méthode utilisée à l'époque pour relever un tutu à l'horizontale était un cercle métallique qui rendait l'ensemble de la structure sensible à la plus légère contrainte, un désagréable inconvénient auquel remédia Barbara Karinska en imaginant le tutu autoportant, composé de 6 ou 7 volants de tulle, légèrement décalés les uns par rapport aux autres, chacun plus long de quelques centimètres que le précédent: l'effet produit était le même que celui du tutu à cerclette, mais avec en prime une impression accrue de légèreté qui lui valut son nom imagé de "tutu houppette".

     

    Costumes de Barbara Karinska pour Joyaux  (Diamants)

     

        Autre grand classique du costume de ballet, la robe en voile verra le jour sous les doigts de la costumière de génie en 1956 pour Allegro Brillante, et elle utilisera dans de multiples occasions la beauté de la coupe en biais des jupes amples dans lesquelles la diagonale crée son propre mouvement.

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Costumes de Barbara Karinska pour Tchaïkovsky Piano Concerto (1973)


         Mais Karinska laissa particulièrement parler son talent jusque dans les moindres détails invisibles aux yeux des spectateurs, ajoutant sur ses costumes des touches à la seule intention des danseurs, une rose sur un jupon ou une fine broderie sur un pourpoint, une attention à laquelle les artistes étaient particulièrement sensibles: "Avec elle on se sent beau" disait Sterling Hyltin...

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Détail d'un costume de Barbara Karinska pour Bugaku (1963)

     

        L'influence de Barbara Karinska sur le monde du ballet fut immense et ce n'est pas un hasard si de nombreuses oeuvres du XXème siècle sont encore représentées dans ses costumes.
        Des vêtements reconnaissables au premier coup d'oeil a de nombreux détails... Bien qu'elle ait un faible pour le rose, sa couleur fétiche, elle osa le choix des couleurs inhabituelles et, très attentive aux effets de lumière utilisait sur un tutu différentes nuances d'une même teinte de tulle pour donner de la profondeur, mais elle ornait surtout son travail de détails recherchés, utilisant la technique de la broderie russe pour produire des costumes que le New-York Times décrivit comme de la "musique visuelle".

     

    Barbara Karinska (1886-1983) - La Dame aux doigts de fée

    Costumes de Barbara Karinska pour Stars and Stripes (1959)

     

        Peu avant la Première de Valses de Vienne (1977), Barbara Karinska fut victime d'un accident vasculaire cérébral et pendant les six années qui suivirent s'accrocha à la vie sans jamais retrouver ni la mémoire ni la parole.
         Celle qui rendit en trois dimensions, fonctionnelles et portables, les visions imaginaires d'artistes comme André Derain, Salvator Dali, Balthus, Marc Chagall, Picasso ou Miro s'éteignit à New-York le 18 Octobre 1983 suivant de 6 mois dans la tombe George Balanchine. Cependant grâce au New-York City Ballet et quelques autres compagnies, ses créations enchantent toujours aujourd'hui les scènes du monde entier par cette capacité unique à saisir le mouvement des danseurs qui fut la sienne et lui permit, selon les termes de W.Terry "de faire passer la mélodie du corps à l'espace".

         


     "Je lui attribue 50% du succès des ballets dont elle a fait les costumes..."

    George Balanchine (1904-1983) 

     

     


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  • L'Art et la danse

    Retour du Bal (1886)   Alfred Roll (1846-1919)

     

    "La harpe tremble encore et la flûte soupire
     Car la valse bondit dans son sphérique empire,
     Des couples passagers éblouissent le yeux,
     Volent entrelacés en cercle gracieux".
                                       Le Bal    Alfred de Vigny (1797-1863)

     

        Bal musette, bal populaire, bal du 14 Juillet, mais aussi bal de Cour, bal des débutantes ou bal courtois, ce ne sont pas les déclinaisons qui manquent pour évoquer cette forme de divertissement qui, entre ordre et désordre, possède ses codes et ses rites selon les lieux et les époques et dont l'histoire remonte à la plus haute Antiquité lorsque jeunes gens et jeunes filles se réunissaient dans un cadre champêtre pour danser au son de la flûte en honorant le dieu Pan.
        Les premiers bals en tant que réunion mondaine furent ce que les anciens appelaient la "danse des festins" qui, comme le laisse supposer son nom, réunissait les convives après les repas (Philostrate en attribue l'origine au dieu Comus) et, cette pratique qui pousse des individus à se regrouper pour partager les plaisirs de la danse traversa les siècles, reflet chaque fois de la société du temps.

       Le mot "Bal" désignait au début du Moyen-Age une danse provençale, et ce n'est qu'un peu plus tard qu'il fut employé plus largement pour décrire une scène dansée par plusieurs personne puis une réunion dansante et, beaucoup plus tard encore, les lieux où celles-ci se tiendront.
        De l'époque médiévale à la Renaissance la danse est associée aux fêtes de toutes sortes et nobles et paysans pratiquent les mêmes danses, mais dans des lieux différents: caroles, branles, courantes, passe-pieds (danses collectives en rondes ou en farandoles) ou gaillardes, voltes (danses en couple) participent aux noces et autres réjouissances "hors du château", tout comme "au château", et à côté de l'humble bal de village les petites cours du sud de la France mettront au XIIème et XIIIème siècle la danse au coeur de l'art courtois (L'art de faire la cour).

        Le premier bal dont l'Histoire fait mention, le Bal des Ardents, de tragique mémoire, fut donné à Paris le 28 Janvier 1393 à la Cour de Charles VI à l'occasion des noces d'une demoiselle d'honneur de la reine Isabeau de Bavière. Participant au rituel "charivari", le roi et cinq de ses amis s'étaient déguisés en sauvages, enduisant pour cela leur corps de poix recouverte de plumes et de poils d'étoupe. Ils étaient liés les uns aux autres avec des chaines et venaient de se mêler aux autres danseurs lorsque le duc d'Orléans, frère du roi, arrivant avec ses gens qui portaient des torches et voulant voir de plus près qui se cachait sous les masques, s'approcha de l'un des sauvages qui s'enflamma immédiatement propageant le feu aux autres. Trois d'entre eux furent brulés vifs et le roi fut sauvé de justesse par sa tante, la duchesse de Berry qui le roula dans son manteau. Entrainé hors de la salle, mais semblant plus émerveillé qu'effrayé celui-ci murmura en souriant: "Les jolies flammes... elles couraient sur le bal tout à l'heure... Où sont-elles?" Les chroniqueurs affirment que le souverain, dont la raison qui chavirait alternait entre période de démence et de rémission, conserva de cette soirée un excellent souvenir.

     

    L'Art et la danse

     Le Bal des Ardents  (Miniature du XVème siècle)


        Au siècle suivant, sous le règne d'Henri III, la Cour de France reste la première Cour d'Europe, la vie au Louvre n'est qu'une succession de bals et de mascarades, et la danse devient alors l'instrument privilégié des fêtes à la gloire des princes et des rois. Demeuré lui aussi dans les annales et célébré avec un faste qui n'aura pas d'équivalent à l'époque, le mariage du duc de Joyeuse, favori du roi, avec la soeur de la reine, Marguerite de Lorraine, donna lieu parmi les nombreuses réjouissances (dont Le Ballet Comique de la Reine) à un bal somptueux.

     

    L'Art et la danse

    Le Bal des Noces du Duc de Joyeuse (Van der Mast Herman-1581)


        Si la danse anime bien évidement aussi les fêtes populaires, le bal est fortement lié au développement des élites et restera une pratique identitaire de la noblesse et de la haute bourgeoisie: on y danse entre soi, c'est à dire au sein d'une société éduquée avec un cérémonial particulier et il faut se montrer si possible dans ses plus beaux atours pour exister...
        Louis XIV s'y donne en spectacle et Versailles au XVIIème siècle ne bruisse que de bals somptueux qui fâchent certains esprits économes en raison de leur coût, mais réjouissent la grande majorité de la noblesse. Et ce bal, qui devient alors un spectacle en lui-même, chorégraphié par des maitres à danser, va influencer largement les autres Cours européennes.
        L'engouement est alors très grand pour les bals masqués, comme en témoigne une célèbre soirée donnée par Fouquet en 1661 dans son hôtel parisien d'Emery, et la mode s'en répand dans toute la haute société. 
        Historiquement parlant, celui-ci existe depuis le Moyen-Age, époque où les nobles s'ingéniaient à donner un sens allégorique à leur costume, toutefois il a revêtu tout son éclat pendant la Renaissance, se développant en particulier en Italie (Le mot "mascarade" vient de l'italien "maschera"), et, occasion d'un surcroit de toilettes et de diners somptueux, un tel luxe ne pourra que séduire également la Cour de Louis XV où parmi ces rendez-vous prestigieux figurera "le bal des ifs" donné dans la Galerie des Glaces  à Versailles en Février 1745 à l'occasion du mariage du Dauphin avec Marie Thérèse d'Espagne et qui verra paraitre sa Majesté le roi et six de ses courtisans tous transformés en ifs.
         Les invités étant, lors de ces réunions festives, supposés être suffisamment déguisés pour ne pas être identifiables, un jeu de devinettes accompagnait le divertissement et consistait alors à découvrir l'identité de chacun. Célébration de l'inconnu, le port du masque trompeur procurait un anonymat qui ajoutait à ces soirées une ambiance de libertinage et de sensualité, particularité incontournable du bal masqué qui lui valut un certain nombre d'opposants (dont l'écrivain anglais Henry Fielding) et fut à l'origine de pamphlets contre cette supposée immoralité.

     

    L'Art et la danse

    Le Bal des Ifs (détail)   Charles Nicolas Cochin (1715-1790)

     

        Il eut été tout à fait vain de chercher à cette époque un moyen-terme entre ces fêtes privées somptueuses où se réunissait l'aristocratie et l'humble bal de village, et c'est une ordonnance du Régent qui, en 1715, fit évoluer les choses, avec la création du Bal de l'Opéra, le premier bal public (et payant), l'un des principaux évènements du Carnaval de Paris.
        En autorisant la tenue de bals masqués publics à l'Opéra pendant la période du Carnaval, à raison de deux bals par semaine à partir de minuit, le Régent lança une mode qui y dura près de deux siècles. Cahusac raconte que les directeurs de l'Opéra "firent faire une machine avec laquelle on élevait le parterre et l'orchestre au niveau de la scène. La salle fut ornée de lustres, d'un cabinet de glaces dans le fond, de deux orchestres aux deux bouts et d'un buffet de rafraichissements dans le milieu".
       L'année suivante la Comédie Française obtint l'autorisation d'organiser une semblable manifestation et les bals publics se multiplièrent:
        " Les jours gras se sont passés avec beaucoup de joie dans le peuple. Il y a eu beaucoup de bals publics au Palais-Royal. A l'ordinaire on en donnait à cent sols par personne. Le Régent, les princes et leurs maitresses y ont paru. Il faisait très froid et il gelait bien fort de partout. On croyait n'avoir point d'hiver et il y en a un assez rude. Il y avait 1200 personnes au dernier bal".
          ( 21 Février 1721 -Journal et Mémoires de Mathieu Marais, avocat au Parlement de Paris sous la Régence et le règne de Louis XV) 

        Cette dernière soirée, Le Grand Bal, appelé aussi de son nom italien Veglione (substantif augmentatif de veglia qui signifie veille), moment fort du Carnaval de Paris et véritable féérie multicolore où les toilettes des participants rivalisaient d'excentricité, attirait effectivement un très grand nombre de participants et sa popularité ne cessa de s'accroitre avec le temps.

     

    L'Art et la danse

    Le Bal Masqué à l'Opéra (1873-74)    Manet (1832-1883)


        Ces bals publics restaient cependant réservés en majorité aux habitants de la capitale et il fallut attendre la révolution pour que s'accélère leur développement et les voir apparaitre dans les provinces: On a alors la possibilité  de danser à la campagne tout comme à la ville et il suffit de payer "une entrée, une consommation ou une danse" selon les termes employés par la préfecture de police en 1830.

        Les foules vont ainsi occuper les jardins pour laisser libre cours à leur envie de bal et parmi les plus célèbres établissements parisiens Le Directoire verra la création de Tivoli, Le Jardin Bourbon, Idalie... Sous la Restauration s'ouvrirent La Closerie des Lilas, le Bal Mabille, sous le Second Empire ce furent Le Pré Catelan, Frascati et au début de la IIIème République Le Bal Bullier et le célèbre Moulin Rouge.
        Afin de séduire la clientèle, ces établissements rivalisaient d'originalité dans la décoration, le Bal Mabille était agrémenté d'un kiosque à la chinoise, de palmiers factices et d'un manège de chevaux de bois:
        "Tout y est doré de haut en bas, les arbres, les bancs, les vases, les fleurs. Imaginez une nature brillante en or, argent et pierres précieuses" (Charles Monselet).
        Quand au Bal Bullier, qui s'est appelé La Grande Chaumière, puis La Closerie des Lilas après que 1000 pieds de cet arbuste aux fleures odorantes y aient été planté, sa décoration s'inspirait de l'Orient, et l'endroit proposait des animations, jeu de billard, jeu de quilles, tir à l'arc ou au pistolet et balançoires et l'on y dansa le quadrille et la valse, puis la mazurka et la scottish, la polka et le fameux chahut-cancan.


    L'Art et la danse

    Affiche pour le Bal Bullier


        Un objet mythique, le carnet de bal, fait son apparition dans les bals publics aux alentours de 1820. Aide mémoire de la danseuse, il contient l'ordre des danses qui sont au programme de la soirée en regard desquelles elle inscrit le nom du partenaire qui s'est proposé (ou celui qu'elle a sollicité), et simple petit carnet au départ, les fabricants en feront un véritable objet d'art utilisant des matières précieuses, argent, ivoire ou nacre.
        Un autre incontournable de l'époque, le jeton de bal, se vendait à l'entrée de chaque établissement. De forme particulière (cercle, losange, octogone etc..) et avec des découpes différentes afin de pouvoir être identifié dans l'obscurité au simple toucher, il portait au recto le nom du Bal et au verso l'inscription "Bon pour une danse", et devait être remis par les clients lorsque vers la moitié de la danse le patron du bal passait entre les couples avec une sacoche en annonçant "Passez la monnaie!".


    L'Art et la danse

    Carnet de Bal de Gladys Ewing (1912)


        Si le bal est un lieu de sociabilité, ce n'est pas un lieu de mixité sociale, car chaque bal a sa spécialité et sa clientèle et lorsqu'il s'agit de bal privé ou sur invitation la restriction est encore plus importante. Cénacle des élites ou rendez-vous populaire, il s'imposera toutefois au XIXème siècle comme un loisir pratiqué par tous: l'étudiant qui va guincher avec une grisette dans un bal de quartier, le fonctionnaire que sa carrière oblige à se rendre avec son épouse au bal de la Sous-Préfecture (cf. la nouvelle de Maupassant La Parure), ou la jeune fille qui fait ses débuts lors de l'un de ces bals réservés à la haute société donnés en automne et en hiver pendant la saison mondaine et dont la fonction la plus importante était la préparation des alliances matrimoniales et fera dire à Léon Gozian: "Toute mère au bal est un notaire déguisé"...
        Mais le siècle verra la décadence des bals publics parisien avec l'essor des guinguettes le long de la Seine et de la Marne, et ces buvettes dansantes (comme la maison Fournaise à Chatou immortalisée par Renoir) accueillent alors une clientèle de parisiens venus goûter aux joies  de la nature plus ou moins factice.

     

    L'Art et la danse

    La Danse à Bougival     Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)

     

        Après 1900 on assiste à un renouveau avec l'arrivée de danses venues de l'étranger: boston, matchiche, cake-walk et les bals musette se multiplieront alors dans les salles de café ou de restaurant, puis sous forme de bastringues (planchers couverts).
        C'est par un effet de boomerang que cette modernité originaire des Etats Unis a atteint le vieux monde, car le bal fut d'abord une invention européenne et c'est avec le développement des colonies, puis la migration des populations que ces types de danse en couple fermé inconnus dans la plupart des autres sociétés ont gagné d'autres continents comme en témoigne la description d'un bal donné au château Saint-Louis de Québec le 18 Janvier 1787 par Lord Dorchester, gouverneur du Canada:
        "Les invités s'y rendent à 18h30 et le bal s'ouvre vers 19h. On y voit des officiers de haut rang et des connétables de Québec, avec leurs épouses ainsi que leurs enfants en âge de les accompagner. Les dames sont assises sur les bancs qui s'élèvent en amphithéâtre sur trois rangées tandis que les hommes se tiennent debout autour de Lord Dorchester.
        Le bal commence par un menuet dédié au gouverneur, cette danse ne dure que cinq minutes, ensuite viennent les contredanses qui durent environ une heure. Les domestiques offrent des rafraîchissements qui consistent en vin de Madère avec de l'eau chaude et du sucre et l'on sert également des bonbons. A 23h30 le souper est annoncé et les cavaliers conduisent alors leurs partenaires dans une autre salle où Lord Dorchester se tient à la tête de la table avec à ses côtés ses officiers généraux. Artistiquement arrangé avec des plats décorés et des pyramides de fruits succulents, le repas dure une heure et demie, puis le gouverneur se retire, ce qui n'empêche pas le bal de continuer jusqu'à 5h du matin". (Mémoires de Nicolas-Gaspard Boisseau)

        En raison de leur caractère jugé subversif les bals seront interdits en France pendant les deux guerres mondiales, contrairement au music-hall ou au cinéma, interdiction qui n'empêchera pas de danser lors des mariages notamment, car la transgression c'est aussi ce qui a toujours fait le succès du bal, et à chaque époque le rapprochement des corps qu'il s'opère sous la magie de la volte, du quadrille, de la polka, de la valse, du tango ou du rock a heurté l'aristocratie, la bourgeoisie et l'Eglise, en témoigne la gravure du journal L'Illustration représentant deux jeunes gens de l'aristocratie pontificale qui esquissent devant SS.Pie X les pas du tango pour lui permettre de décider si cette danse va être jugée morale ou non par l'Eglise...

     

    L'Art et la danse

    Journal L'Illustration - 7 Février 1914

     

        A la Libération où l'on dansa dans les rues, les bals retrouvèrent une glorieuse décennie, mais le glissement vers des danses individuelles ainsi que les nouvelles modalités des rencontres et des rapports entre les sexes ont amené  à la fin des années 1960 une disparition du bal traditionnel jugé comme "ringard" par les jeunes adultes qui portèrent alors un regard le plus souvent négatif vis à vis de cette forme de divertissement et de sociabilité et la remplaceront par les surboums et autres surprise-parties, mais surtout les boites de nuit, dancings et night-clubs.
        Le seul lieu de résistance se trouve aujourd'hui au sein des structures associatives qui n'ont pas cessé de perpétuer la convivialité du bal: Bal de l'X, bal de l'Internat, bal des débutantes ou encore bal de Vienne, et si celui-ci reste bien ancré dans les mémoires collectives il le doit entre autres également à la littérature et au cinéma:
        Le bal, lieu de rencontre, est un passage obligé dans les romans du XIXème siècle et le monde de Balzac en particulier et, du Guépard écrit par Giuseppe Tomasi et filmé par Visconti à Madame de, film de Max Ophuls, en passant par Le Bal du Comte d'Orgel de Marc Allégret, les représentations sur grand écran sont légions.
        Fictives ou réelles, il a vu se nouer et se dénouer au fil du temps d'innombrables intrigues et, véritable drame classique de par son unité de temps de lieu et d'action, ce fidèle miroir de la société est resté à toutes les époques une véritable fenêtre sur le monde.

        "Le monde est un grand bal où chacun est masqué"
                                                  
     Vauvenargue


                                                         

     Extrait du film d'Ernst Marischka  Sissi Impératrice (1956), avec Romy Schneider et Karl-Heinz Böhm.

     

     


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  • L'Art et la danse

    Arthur Saint-Léon dans Le Violon du Diable 

     

        Charles Victor Arthur Michel naquit à Paris le 17 Septembre 1821, fils de Léon Michel assistant de Pierre Gardel (1758-1840) à l'Opéra. Encouragé par son père il étudie très tôt la musique et la danse, deux disciplines dans lesquelles il fait preuve de dons surprenants et, lorsque Léon Michel est nommé maitre de ballet à la Cour des ducs de Würtemberg, la famille s'installe à Stuttgart où Arthur passera la plus grande partie de son enfance et de son adolescence.
        Si la danse demeure sa première ambition ce dernier n'en cultive pas moins cependant très sérieusement ses talents pour le violon sous la direction de Joseph Mayseder (1789-1863) puis de Niccolo Paganini (1782-1840), et à peine âgé de 13 ans donne son premier concert à Stuttgart. Ses débuts de danseur il les fera en 1835, l'année suivante, à Munich dans un ballet de Joseph Schneider, Die Reisende Ballet-Gesellschaft (La Compagnie de Ballet Itinérante), adoptant pour l'occasion le patronyme de Saint-Léon et, aussi bon danseur qu'excellent musicien, le jeune artiste ira ensuite parfaire sa formation à Paris où, tout en continuant à étudier la danse, il donne des récitals de violon...

        Elève de François Descombe dit François Albert (1789-1865), ancien danseur de l'Opéra de Paris réputé pour développer la virtuosité chez ses élèves, Arthur Saint-Léon est engagé dès 1838 comme premier danseur au théâtre de la Monnaie à Bruxelles où son professeur s'est vu lui-même offrir la fonction de maitre de ballet. Il se produit alors sur les plus grandes scènes européennes et de Milan à Vienne et de Londres à Paris sa virtuosité lui vaut un succès immédiat: 
        "Sa danse rappelle les ébats d'un jeune Hercule... Il a été tellement impressionnant dans ses prouesses que le public, un public qui n'éprouve le plus souvent que détestation ou indifférence pour les danseurs masculins, l'a acclamé aussitôt... On ne peut avoir qu'une idée imprécise du nombre de tours qu'il est capable d'exécuter en une seule fois" écrira le Times.
      ( Il faut insister tout particulièrement sur le caractère exceptionnel de cette reconnaissance qui mérite que l'on s'y attarde car, à une époque où seules les femmes étaient vraiment appréciées sur la scène, Arthur Saint-Léon, admiré pour son ballon et ses pirouettes, réussit à se faire apprécier du public grâce à un incomparable talent)

        C'est au cours d'une tournée à Milan que le danseur fit la connaissance de la ballerine italienne Fanny Cerrito (1817-1909) mais l'occasion de danser ensemble ne leur fut offerte que quelques temps plus tard à Vienne: Le couple d'interprètes devint alors très vite inséparable, à la scène comme à la ville, se produisant à travers toute l'Europe où leur popularité ne cesse de grandir, et ils seront à Londres les créateurs des premiers rôles des ballets de Jules Perrot (1810-1892)Ondine et La Esmeralda.

        Sans doute inspiré par celle qui est devenue sa "muse", Saint-Léon va laisser parler à son tour ses talents de chorégraphe et créer dans la capitale anglaise le 23 Mai 1843 au Her Majesty Theatre, La Vivandière, dont il sera également l'interprète dans le rôle de Hans tandis que Fanny Cerrito sera Kathi la vivandière, ballet dont il avait donné une première version à Rome l'année précédente: La Vivandiera ed il postiglione. Le public anglais débordant d'enthousiasme lui fera un véritable triomphe, et tournées et créations nouvelles vont alors s'enchainer, mais laisseront cependant au couple le temps de séjourner assez longuement à Paris pour s'y marier le 17 Avril 1845 à l'église des Batignoles.

     

    L'Art et la danse

    Fanny Cerrito et Arthur Saint-Léon dans le Pas de la Redowa de La Vivandière 

    Le ballet dut en partie sa notoriété à 4 Pas rendus célèbre par le couple: Le Pas de la Vivandière, le Pas de l'Inconstance, le Pas de Six et le Pas de la Redowa (une danse bohémienne à 3 temps, très gaie, qui ressemblait à la mazurka et fit fureur à Londres avant d'être mise à la mode dans les bals français aux alentours de 1850)


        Considérés comme un inséparable tandem Cerrito et Saint-Léon sont alors engagés ensemble à l'Opéra de Paris en 1847 et y débutent avec des reprises de succès éprouvés : La Fille de Marbre (adaptation d'Alma créé à Londres en 1842 par Jules Perrot), puis La Vivandière remarquée tout particulièrement pour l'étincelante danse de caractère la "redowa", ou encore Le Violon du Diable dans lequel la prestation de Saint-Léon faisait doublement sensation:
        "Une des principales curiosités de ce ballet c'est d'entendre Saint-Léon jouer du violon non comme un maitre à danser qui agace sa pochette, mais comme un virtuose consommé. Un instrument magique n'a rien d'invraisemblable entre ses mains. Ce double talent ne peut manquer de produire un effet sur les recettes, car Le Violon du Diable a l'attrait d'un concert et d'un ballet, les morceaux et les pas se valent, Saint-Léon a les doigts aussi agiles que les jambes" écrira Théophile Gautier.
        "Il commande ses jambes aussi bien que les cordes" renchérira un autre critique dans un article tout à l'éloge de l'artiste dont la virtuosité avait considérablement impressionné Adolphe Adam (1803-1856).

     

    L'Art et la danse

     Fanny Cerrito et Arthur Saint-Léon dans La Fille de Marbre

     

        Au cours de ces années le chorégraphe composera quelques 16 ballets ou divertissements pour l'Opéra de Paris parmi lesquels figureront Stella ou encore Les Contrebandiers. Mais les prétentions chorégraphiques de Saint-Léon étaient à l'époque relativement modestes car toutes ses créations étaient en réalité destinés à mettre en valeur Fanny Cerrito, bien que quelques traits distinctifs de ses ouvrages ultérieurs y apparaissent déjà, en particulier son intérêt pour les danses nationales.
        Nommé maitre de ballet et professeur de la classe de perfectionnement, il quitte cependant l'Opéra en 1852 avant la fin de son contrat, après qu'il se soit séparé de son épouse à qui, en galant homme, il ne voulut pas imposer sa présence sur leur lieu de travail...  Demeuré cependant un temps à Paris il chorégraphie et compose alors de la musique pour le Théâtre Lyrique où il donnera en 1853 Le Lutin de la Vallée, y démontrant une nouvelle fois, si besoin était, ses talents conjugués de danseur et de violoniste.

     

    L'Art et la danse

    Arthur Saint-Léon dans Le Lutin de la Vallée

     

          Après une saison à Londres, ses pas le conduisent ensuite au Portugal où il est engagé en 1855 par le Thêatre Sao Carlos de Lisbonne qui, en raison de difficultés financières, sera dans l'obligation trois ans plus tard de mettre fin prématurément à son contrat. C'est alors qu'ayant repris à cette époque le chemin des tournées à travers l'Europe, Arthur Saint-Léon se voit offrir à 38 ans le poste qui vient couronner sa carrière: Succédant à Jules Perrot il va en effet occuper la fonction prestigieuse de Maitre de ballet au théâtre Bolchoï Kamenny de Saint-Petersbourg, et ce jusqu'à sa mort.

        Saltarello ou la Passion de la Danse y marque ses débuts en Octobre 1859 et démontre immédiatement ses talents multiples: librettiste, chorégraphe, interprète du rôle principal, compositeur et musicien professionnel, car il est cette fois l'auteur de la partition et s'illustre sur scène avec deux solos de violon.
        Parmi les oeuvres qui vont suivre figurent Graziella (1860), Paquerette (1860), La Perle de Séville (1862) et, certainement la plus connue, Le Petit Cheval Bossu (1864) au sujet de laquelle il est intéressant de remarquer que le premier ballet basé sur une légende russe est l'oeuvre d'un français...

     

    L'Art et la danse

    Le Petit Cheval Bossu (repris par Marius Petipa pour le Mariinski en 1895)

     

        Parce que la saison de ballet en Russie ne durait que six mois Saint-Léon mettait à profit ses longues "vacances" pour travailler avec d'autres compagnies comme chorégraphe invité. Aussi fut-il en mesure huit ans durant de 1863 à 1870 de consacrer son activité des mois d'été à l'Opéra de Paris, réalisant ainsi cette prouesse de rêgner simultanément sur l'art du ballet en Russie et en France.
        Il présenta tout d'abord au public français Diavolina (1863), suivi de Néméa (1864) dont la partition était l'oeuvre de l'un de ses amis intimes, Ludwig Minkus (1826-1917), mais Saint-Léon découvrit bientôt à Paris un jeune compositeur avec lequel il se sentait à même de travailler dans un climat de sympathie: Léo Delibes (1836-1891), et avec la collaboration de Charles Nuitter (1828-1899) pour le livret il va créer La Source (1866) qui devait être la première apparition à Paris d'Adèle Grantzow, (1845-1877) une danseuse allemande rencontrée à Hanovre en 1858 et qu'il avait recommandée comme prima ballerina au Bolchoï de Moscou (et dont il avait fait sa muse en Russie).

     

    L'Art et la danse

    Mademoiselle Fiocre dans La Source par Edgar Degas (1834-1917)

     

        Malheureusement, rappelée par le Bolchoï, Adèle Grantzow fut privée de l'occasion de créer le rôle de Naïla et, poursuivie par la malchance, ne put tenir, cette fois pour des raisons de santé, le rôle principal de la nouvelle création de Saint-Léon, Delibes et Nutter qui allait devenir le ballet le plus souvent dansé de toute l'histoire de l'Opéra de Paris: Coppélia (1870).

        Dès sa première représentation l'histoire de "la fille aux yeux d'émail" fut un immense succès aussi bien pour ses auteurs que pour ses interprètes. Malheureusement des évènements tragiques se préparaient: ce même été la guerre éclata entre la France et la Prusse, l'Opéra fut fermé, et le 2 Septembre, juste trois mois après la gloire de Coppélia, Saint-Léon décéda d'une crise cardiaque. (Pour clore cette série noire, en Novembre, Giuseppina Bozzachi (1853-1870) qui avait été la première Coppélia fut emportée par la petite vérole le jour de son dix-septième anniversaire).

     

    L'Art et la danse

     

        Violoniste respecté dans le milieu des salons musicaux en dehors de ses succès chorégraphiques, Arthur Saint-Léon laissait derrière lui outre ses nombreux ballets, plus de 170 oeuvres musicales principalement destinées a son instrument de prédilection (dont un concerto), et dans un autre domaine deux ouvrages consacrés à la danse: De l'Etat Actuel de la Danse, paru en 1856, lequel avait été précédé quatre ans plus tôt par La Sténochorégraphie ou Art d'Ecrire Promptement la Danse.
        Car plus qu'aucun de ses confrères, celui-ci était préoccupé par la nature éphémère de l'oeuvre du chorégraphe dont la survie dépendait entièrement à l'époque de la mémoire humaine. Pour y remédier il inventa une méthode de notation, la sténochorégraphie, et rédigea un manuel qu'il dédia au tsar Nicolas II de Russie.
        Cet ouvrage publié en 1852 représente le premier système d'écriture qui documentait non seulement les pieds, mais aussi les mouvements de la tête, des bras et du buste:
         Superposée à la portée musicale, une portée de 5 lignes renseigne la position des jambes, tandis que sur une ligne supplémentaire placée au dessus apparaissent en pictogrammes les indications relatives au reste du corps.

    L'Art et la danse

         Sans doute trop occupé à créer pour s'astreindre à noter, Saint-Léon n'a laissé que quelques rares exemples de son système d'écriture, entre autres une partie du Pas de Deux des paysans de Giselle, et surtout le Pas de Six de La Vivandière qu'il mit comme exemple dans son livre et qui représente aujourd'hui la seule de ses chorégraphies à avoir survécu intacte.

         En 1975 l'expert en notation de ballet Ann Hutchinson-Guest (1918- ) et Pierre Lacotte (1932- ) ont reconstruit la chorégraphie de Saint-Léon et la musique de Cesare Pugni (1802-1870) pour le Joffrey Ballet d'après les documents préservés dans les archives de l'Opéra de Paris. Le Pas de Six a été ensuite remonté en 1978 par Pierre Lacotte pour le Kirov-Mariinski qui l'a inscrit à son répertoire sous son titre russe de Markitenka, et l'oeuvre a été reprise par la suite par plusieurs compagnies de ballet dans le monde.

     

    L'Art et la danse

    Arthur Saint-Léon (1821-1870)

     

        "Auteur brillant de variations qui pourraient être considérées comme un modèle de beauté pour leur dessin chorégraphique et leur musicalité" (Yekaterina Vazem), Arthur Saint-Léon avait comme principal souci de plaire au public, et chaque fois parait-il qu'il introduisait quelque idée d'avant garde en composant un ballet il la supprimait finalement pour ne pas choquer le spectateur...
        Il fut cependant le premier à introduire des danses nationales dans les ballets (plus de 50 différentes, dit-on) et, ouvrant la voie d'une ère nouvelle dans laquelle s'illustrera son successeur Marius Petipa (1818-1910), s'inscrit assurément dans l'histoire de la danse comme le dernier des grands chorégraphes du XIXème siècle.


         

      Coppélia (Mazurka) Interprété par Leanne Benjamin, Carlos Acosta et le Royal Ballet. Chorégraphie de Ninette de Valois d'après Lev Ivanov et Enrico Cecchetti.

     

     

     


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  • L'Art et la danse

    L'Oiseau de Feu -  Marc Chagall   (détail du plafond de l'Opéra de Paris)

     

     

    "Au plus fort de l'orage il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'Oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler"
                                                               René Char (1907-1988)

     

        Après l'immense succès remporté à Paris par sa première saison de ballets, Sergueï Diaghilev décide de renouveler l'expérience l'année suivante avec une oeuvre totalement inédite, et souhaite exporter cette fois une création totalement russe dans son esprit et dans sa forme, encouragé en cela par l'enthousiasme du public français pour cet art slave qu'ils découvrent.

         Le thème du livret sera donc inspiré des légendes russes, et pas moins de quatre compositeurs se verront contactés pour la partition:
        Tcherepnine (1873-1945) tout d'abord, lequel commença effectivement à travailler pour le ballet mais se retira du projet à la suite d'une brouille avec l'irascible impresario (Il publia par la suite sa musique sous le titre Le Royaume Enchanté), puis c'est Liadov (1855-1914) qui se vit ensuite proposer l'offre et la déclina tout simplement, l'idée très répandue selon laquelle il aurait accepté la commande sans pouvoir l'honorer du fait de sa lenteur à composer étant entièrement fausse. Ce ne sera qu'après les refus respectifs de Glazounov ( 1865-1936) et Sokolov (1859-1922) qu'en désespoir de cause Diaghilev se tourne vers le jeune Igor Stravinsky qui était en quelques sortes le suivant sur sa liste, car il s'était adressé par ordre de préférence aux compositeurs qui avaient arrangé les oeuvres de Chopin pour Les Sylphides, le grand succès de la saison 1909 à Paris (Stravinsky avait orchestré le Nocturne en la bémol majeur et la Valse Brillante en mi bémol majeur).

     

    L'Art et la danse

    Igor Stravinsky (1882-1971)

     

        "Faites moi l'imprévisible!" avait réclamé impérativement Diaghilev... Pour Igor Stravinsky alors âgé de 28 ans, il s'agit de concevoir une oeuvre en quelques mois et surtout un ballet pour Fokine, et le projet inspira au départ quelques inquiétudes au jeune compositeur:
        "Diaghilev me proposa d'écrire la musique de L'Oiseau de Feu. Quoiqu'effrayé par le fait que c'était là une commande à délai déterminé, et redoutant de ne pouvoir arriver à temps, j'ignorais encore toutes mes forces, j'acceptais".
        Car son envie de rejoindre les Ballets Russes était en effet plus forte que ses craintes:
        "A l'époque où je reçus la commande de Diaghilev le ballet venait de subir une grande transformation grâce à l'apparition d'un jeune maitre de ballet, Fokine, et à l'éclosion de tout un bouquet d'artistes pleins de talent et de fraicheur. Tout cela me tentait énormément, me poussait à sortir du cercle dans lequel je me trouvais confiné et à saisir l'occasion qui s'offrait de m'associer à ce groupe d'artistes avancés et actifs dont Diaghilev était l'âme et par lequel je me sentais attiré depuis longtemps.
        Pendant tout l'hiver je travaillais avec ardeur à mon oeuvre et ce travail me mettait en contact continuel avec Diaghilev et ses collaborateurs. La chorégraphie de L'Oiseau de Feu était réglée par Fokine au fur et à mesure que je livrais les divers fragments de ma musique".
                           (Igor Stravinsky - Chroniques de ma vie)

     

    L'Art et la danse

    Mikhaïl Fokine (1880-1942)

     

        Commencée en Décembre 1909, la partition achevée le 18 Mai 1910 est divisée en 19 morceaux qui par leurs titres rendent assez bien compte de l'argument lequel s'inspire de plusieurs sources car il n'existe pas de conte ou de légende populaire russe dont l'Oiseau de Feu soit le personnage central.
        Emblème de la magie bénéfique et de la beauté pure dans le folklore russe, cet Oiseau de Feu, insaisissable, vif, radieux était la métaphore parfaite de l'art lui-même tel que le concevait le cercle du Monde de l'Art (Mir-Iskousstva), "l'oiseau libre" de l'inspiration "aux ailes légères et bienveillantes" que célébrait le poète Alexandre Blok (1880-1921) et il s'imposa naturellement aux créateurs.

        Fokine élabora le livret à partir d'une idée judicieuse de Piotr Potiomkine, poète mineur et balletomane qui avait fait son entrée dans le cercle de Diaghilev et avait sans aucun doute en tête certains vers de Iakov Polonski (1819-1898) que tout jeune russe apprend encore par coeur aujourd'hui:
        "Et dans mes rêves je me vois chevauchant un loup
         Le long d'un sentier dans une forêt,
         Parti combattre un tsar sorcier
         Dans ce pays où une princesse captive
         Se lamente derrière des murs épais.
         Au milieu d'un jardin merveilleux s'élève un palais de verre,
         Et un oiseau de feu y chante toute la nuit
         Becquetant sur un arbre des fruits dorés".

        L'intrigue, qui réunit quatre thèmes des contes populaires traditionnels: L'oiseau de feu, le sorcier maléfique, la princesse captive et le prince libérateur, est en fait construite sur la base de deux histoires:
        Le Conte d'Ivan Tsarévitch, de l'Oiseau de Feu, et du loup Gris, l'un des nombreux contes publiés par Alexandre Afanassiev (1826-1871) et La Cithare qui joue seule où apparait cette fois le personnage de Kachtcheï l'Immortel. Certains éléments mineurs ont en outre été également empruntés à d'autres contes tels que Vassilissa la belle ou encore Danses nocturnes et le programme rédigé par les Ballets Russes lors de la création du ballet propose le récit suivant:

        " Ivan Tsarevitch voit un jour un oiseau merveilleux, tout d'or et de flammes, il le poursuit sans pouvoir s'en emparer et ne réussit qu'à lui arracher une de ses plumes scintillantes. Sa poursuite l'a amené jusque dans les domaines de Kachtcheï l'Immortel, le redoutable demi-dieu qui veut s'emparer de lui et le changer en pierre, ainsi qu'il le fit déjà avec maint preux chevaliers. Mais les filles de Kachtcheï et les 13 princesses captives intercèdent et s'efforcent de sauver Ivan Tsarevitch. Survient l'Oiseau de Feu qui dissipe les enchantements: Le château de Kachtcheï disparait et les jeunes filles, les princesses, Ivan Tsarevitch et les chevaliers délivrés s'emparent des précieuses pommes d'or de son jardin".


    L'Art et la danse

    Illustration d'Ivan Bilibine (1876-1942) pour Le Conte d'Ivan Tsarévitch, de l'Oiseau de Feu, et du Loup Gris (1899)


        Toutefois Mikhaïl Fokine élaborera davantage le récit et le ballet en I Acte et deux tableaux peut se résumer brièvement de la manière suivante:
       Le prince Ivan Tsarevitch vient de pénétrer au clair de lune dans une forêt mystérieuse où se dresse un arbre chargé de fruits dorés, et apercevant soudain un oiseau magnifique, l'Oiseau de Feu, réussit à le capturer, mais celui-ci échange sa liberté contre l'une de ses plumes qui saura, lui dit-il, le protéger en cas de besoin.
        Après être parvenu au domaine du sorcier Kachtcheï, Ivan Tsarevitch voit soudain s'ouvrir la porte du château d'où sortent 13 princesses prisonnières qui jouent avec les pommes d'or. Celle de la plus belle d'entre elles, la princesse Tsarevna, s'égare, et en la récupérant elle découvre Ivan qui s'était dissimulé pour observer les jeunes filles.

     

    L'Oiseau de Feu est interprété par Nina Ananiashvili (L'oiseau de Feu), Andris Liepa (Ivan Tsarevitch), Ekaterina Liepa (Tsarevna), Sergueï Petukhov (Kachtcheï) et le corps de ballet du Bolchoï.

     

         Tsarevna raconte alors à Ivan comment le sorcier transforme en pierre les voyageurs qu'il capture et le supplie de s'enfuir, mais tombé amoureux de la belle princesse et n'ayant cure de ses conseils, il voit tout à coup surgir une horde de monstres suivis du sorcier qui s'empare de lui. Il est alors placé contre un mur de pierre et Kachtcheï commence l'incantation qui va le transformer lorsque la plume de l'Oiseau lui revient soudain en mémoire... Il l'agite et celui-ci apparait aussitôt, entrainant les démons dans une danse qui les épuise.

     

    L'Oiseau de Feu est interprété par Nina Ananiashvili (l'Oiseau de Feu), Andris Liepa (Ivan Tsarevitch), Ekaterina Liepa (Tsarevna), Sergueï Petukhov (Kachtcheï) et le corps de ballet du Bolchoï.

     

        L'Oiseau a révélé à Ivan l'existence d'un coffre où est caché un oeuf énorme qui renferme l'âme de Kachtcheï, ce dernier tente d'empêcher que l'on s'en empare mais l'oeuf est finalement brisé et tous les sortilèges sont rompus, le sorcier et ses charmes maléfiques sont anéantis et Ivan et Tsarevna sont finalement réunis.

        Le 7 Juin 1910 Stravinsky se rend à Paris pour assister aux dernières répétitions et y est accueilli en triomphe. "Souvenez vous de ce que je vous dis, c'est un homme à la veille de la gloire" fera remarquer Diaghilev à Tamara Karsavina...
        Et le succès pressenti par tous sera effectivement au rendez-vous malgré quelques moments difficiles... Car lors de la Première à l'Opéra de Paris le soir du 25 Juin, si tout le Gotha des grandes soirées parisiennes est dans la salle (voilée pour ne pas être reconnue Sarah Bernhardt est présente dans son fauteuil roulant), en coulisses par contre rien ne va... La révolte gronde depuis quelques jours chez les techniciens et c'est Diaghilev lui-même qui prendra en main la commande des éclairages...
        Mais trois quarts d'heure plus tard les spectateurs, qui ne se sont aperçu de rien, sont debout et applaudissent à tout rompre Tamara Karsavina (l'Oiseau de Feu), Vera Fokina (Tsarevna), Michel Fokine (Ivan Tsarevitch) et Alexeï Boulgakov (Kachtcheï), quand à Stravinsky, le public voit en lui le nouveau musicien de génie.

     

    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina et Mikhaïl Fokine dans L'Oiseau de Feu (1910)

     

        A l'exception des costumes de la princesse Tsarevna et de l'Oiseau de Feu, deux créations éblouissantes de Léon Bakst pleines de couleurs et de pierres précieuses, les décors et les costumes sont d'Alexandre Golovine qui avait conçu à cette occasion avec sa forêt mystérieuse matérialisée par des arabesques multicolores qui semblent répondre à la musique, l'un des plus beaux décors jamais réalisés pour les Ballets Russes, contribuant à donner à l'oeuvre un caractère magique et intemporel. Les critiques seront litéralement en extase et ne cesseront de louer le ballet pour la symbiose entre le décor, la chorégraphie et la musique:
        "Le vieil or du fantastique rideau de fond de scène semble avoir été conçu avec la même formule que celle des miroitements orchestraux" écrira Henri Ghéon dans La Nouvelle Revue Française.

     

    L'Art et la danse

    Décor d'Alexandre Golovine pour L'Oiseau de Feu

     

        Quand au chorégraphe il inaugurait ici la voie du ballet moderne par la dimension expressive de son écriture. Fokine a non seulement cherché à créer dans L'Oiseau de Feu une danse belle, mais aussi dramatique, voire spectaculaire, mettant en évidence les notions de bien et de mal sur lesquelles repose le principe du conte de fée. Et il rompt la tradition en ouvrant ce ballet sur une vision plus réaliste à travers un langage à la fois expressif et moderne:
        "Dans ce ballet j'éliminai totalement la pantomime habituelle et je racontai l'histoire avec l'action et la danse"
                             (M.Fokine- Mémoires d'un maitre de ballet)
        Fokine intègre en effet ici des éléments gestuels du quotidien, et ne craint pas de faire se mouvoir les danseuses allongées au sol lors de la scène finale avec l'Oiseau pour lequel il invente des formes et alterne d'authentiques danses avec leur propre relecture dans une optique moderne.

     

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     Costume de Léon Bakst pour Tamara Karsavina dans L'Oiseau de Feu

     

        C'est Anna Pavlova qui au départ avait été pressentie pour le rôle titre, mais celle-ci refusa absolument de danser sur la musique de Stravinsky qu'elle considérait comme une ineptie... Et ce dernier écrira plus tard:
        "Je la rencontrais chez elle à St.Petersbourg. Diaghilev lui avait demandé de m'inviter à une de ses soirées dans l'espoir qu'après m'avoir rencontré elle accepte de danser L'Oiseau de Feu. Je me rappelle que Fokine et Bakst étaient présents. On a bu beaucoup de champagne... Mais quoi que Pavlova ait pensé de moi, elle ne dansa pas L'Oiseau de Feu. Les raisons de son refus étaient, je crois, qu'elle considérait ma musique comme horriblement décadente".
        Et malgré l'opposition de Vaslav Nijinski qui aurait voulu interpréter L'Oiseau de Feu, ce fut alors Tamara Karsavina qui obtint le rôle.

        Dédicacée "A mon cher ami Andreï Rimsky-Korsakov", la musique de Stravinsky a été utilisée par rien moins que 13 chorégraphes. L'oeuvre fut remontée par les Ballets Russes du colonel Basil à Londres en 1934 avec les costumes et les décors originaux, puis par George Balanchine en 1949 pour le New-York City Ballet avec cette fois des décors et des costumes de Marc Chagall. Repris une nouvelle fois en 1970 par Balanchine et Robbins et des costumes de Barbara Karinska, l'Oiseau de Feu a également inspiré entre autres Serge Lifar, Maurice Béjart ou encore Angelin Preljocaj.


    L'Oiseau de Feu est interprété par Dominico Levré et le Béjart Ballet (extrait du DVD "Vous avez dit Béjart")


        "Me renouveler, surprendre, et ne jamais lasser" telle était l'ambition d'Igor Stravinsky au lendemain du triomphe de L'Oiseau de Feu et c'est effectivement ce qu'il fera avec les deux prochains ballets qu'il composera pour la troupe de Diaghilev, Petrouchka (1911) et Le Sacre du Printemps (1913) qui marqueront un changement de direction dans son approche musicale et dont les réactions qu'ils soulevèrent allèrent de l'enthousiasme le plus délirant au complet scandale...
        Cependant le compositeur garda certainement une affection toute particulière pour l'oeuvre qui l'avait rendu célèbre et au soir de sa carrière c'est avec la Suite N°3 tirée de son premier ballet que lors d'un mémorable concert qu'il dirigea au Royal Festival Hall de Londres en 1965 Stravinsky choisit de faire ses adieux au public anglais sur les ailes de son Oiseau de Feu.


     Igor Stravinsky dirige L'Oiseau de Feu  (Extrait du concert d'adieu enregistré au Royal Festival Hall de Londres en 1965)

     

    "J'ai dit quelque part qu'il ne suffisait pas d'entendre la musique mais qu'il fallait encore la voir"
                            Igor  Stravinsky

     

     


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    "Mother of the World"     Nicolas Roerich (1930)


     

    "A travers l'atmosphère terrestre, des rayons transparents devinrent d'un orange vif et passèrent graduellement par tous les tons de l'arc-en-ciel, des couleurs indescriptibles pareilles à celles des toiles du peintre Nicolas Roerich"
    (Extrait du Journal de Bord du cosmonaute russe Yuri Gagarine - 12 Avril  1961)

     

        Une carrière prodigieuse aux multiples facettes, une sphère d'intérêts sans limites et une profonde intelligence de la beauté sous toutes ses formes, ainsi peut se définir celui qui fut par deux fois candidat pour le Prix Nobel de la Paix, a donné son nom à une planète ainsi qu'à un pic dans l'Altaï et reste en dépit de cela relativement peu connu en Occident.
        Nicolas Roerich naquit le 9 Octobre 1874 à une soixantaine de kilomètres de St.Petersbourg dans le domaine familial d'Ivzara où il passa toute son enfance dans le confort de la haute bourgeoisie russe. Fils ainé d'un avocat, Konstantin Roerich, et de sa femme Maria, le jeune garçon eut l'avantage de cotoyer très tôt la société d'écrivains, artistes et scientifiques que fréquentaient ses parents, et manifesta très jeune, outre de multiples talents, une soif immense de savoir :
       Un ami de la famille l'ayant invité un jour à venir explorer les fouilles qu'il dirigeait dans la région, cette expérience éveilla chez l'enfant alors âgé de tout juste 9 ans une véritable passion pour l'archéologie et les civilisations anciennes qu'il conserva tout au long de sa vie. Il se mit alors à collectionner pièces de monnaie, minéraux, et avide de connaissances dans tous les domaines alla même jusqu'à créer ses propres plantations pour étudier les végétaux.


         Mais adolescent c'est vers le dessin pour lequel il se montrait particulièrement doué qu'il songea sérieusement à s'orienter et dut affronter pour cela les réticences de son père qui souhaitait qu'à son exemple il embrasse une carrière juridique. Un compromis sera cependant trouvé et à l'automne 1893 Nicolas s'inscrivit conjointement à l'académie des Beaux Arts et à l'Université de St.Petersbourg où il fait la connaissance d'un étudiant qui le précédait d'un an ou deux à la Faculté de Droit, Sergueï Diaghilev, qui sera parmi les premiers à apprécier ses talents de peintre et d'archéologue (Pendant ses années d'université Roerich était devenu également membre de la Société Archéologique et dirigea de nombreuses fouilles). 
         Diplômé des Beaux Arts en 1897, Nicolas Roerich va collaborer aux côtés de Diaghilev, Alexandre Benois et Léon Bakst à la revue Mir Iskousstva (Le Monde de l'Art), et 16 de ses toiles participeront à l'exposition organisée à Paris en 1906, inaugurant la fabuleuse aventure destinée à faire connaitre aux européens l'art et la musique russes. 
         Le peintre réalisera ensuite les décors et les costumes d'Ivan le Terrible de Rimsky-Korsakov que Diaghilev fera découvrir aux français en 1909 ainsi que ceux des danses polovtsiennes du Prince Igor de Borodine.

     

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    Décor de Nicolas Roerich pour les Danses Polovtsiennes (1909)

     

        Mais le point culminant de la collaboration des deux hommes sera sans nul doute Le Sacre du Printemps (1913). Les Ballets Russes inauguraient une forme d'art qui impliquait la participation du décorateur parmi les "auteurs", et tout comme Alexandre Benois influença la création de Pétrouchka, Roerich participa de la même manière à la création du Sacre aux côtés d'Igor Stravinsky. Bien que ce dernier prétende avoir eu seul l'idée de l'oeuvre, la genèse du ballet n'est certainement pas étrangère cependant à la passion de Roerich pour les civilisations anciennes et, comme il l'écrivit dans une lettre à Diaghilev,dans "la belle cosmogonie de la terre et du ciel".


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    Décor de Nicolas Roerich pour Le Sacre du printemps (1913)

     

        Mettant en scène les rites primitifs des hommes qui, saluant le printemps source de vie, sacrifient une vierge au dieu soleil Yarilo, aucun ballet n'avait jamais raconté une telle histoire, et tout aussi insolites, la musique de Stravinsky et la chorégraphie de Nijinski provoquèrent une controverse qui dura plusieurs années et dont Roerich donna plus tard sa propre interprétation: 
        "Je me rappelle comment les spectateurs à la Première sifflèrent, hurlèrent si fort que l'on n'entendait rien. Qui sait, peut-être à ce moment là exultaient-ils, pris par la même émotion que les peuples primitifs. Mais disons que ce primitivisme sauvage n'avait rien à voir avec le primitivisme raffiné de nos ancêtres pour qui le rythme, le symbole sacré et la subtilité du mouvement étaient des concepts grands et sacrés".


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    Costumes de N.Roerich pour Le Sacre   Théâtre du Châtelet - Paris (1913)


        Peintre de la couleur pure, peintre de la nature et du sacré qui dialogue avec les mondes subtils, qu'il s'agisse d'un vaste décor ou d'une simple toile, Nicolas Roerich créa une oeuvre qui nous entraine aux portes du Ciel et nous révèle la dimension de l'Infini et du Cosmos.
        "Si Phidias fut le créateur de la forme divine et Giotto le peintre de l'âme, on peut dire que Roerich a révélé l'esprit du Cosmos"
     (Barnett D.Coulon -  Nicolas Roerich, A Master of the Mountain- 1938) 

        Entre 1916 et 1919 il composa un recueil de 64 poèmes, Fleurs de Morya (Flame in Chalice), décrivant son voyage intérieur, et affirmant son engagement dans la recherche spirituelle. Ils évoquent des images reprises plus tard dans ses toiles et aident à comprendre ses tableaux peuplés de symboles et d'allégories devenus un trait essentiel de son oeuvre lorsque Roerich "le prophète" sentant venir le cataclysme  de la Première Guerre Mondiale communiqua dans ses tableaux la terrible ampleur du conflit qui menaçait le monde.
        " Il peuple son monde non pas d'acteurs dans un drame ou une comédie éphémère, mais de porte-paroles des idées les plus constantes au sujet de la vérité de la vie, de la lutte millénaire du Bien et du Mal, et du progrès triomphal vers un avenir radieux pour tous" écrira un critique.

     

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    "The Last Angel"   Nicolas Roerich (1912)

     

        Au coeur des croyances de Roerich réside le concept hindou d'un univers sans début ni fin, qui se manifeste dans la création et la dissolution de formes matérielles en un cycle constamment renouvelé. Sur le plan humain cela signifie l'essor et la chute des civilisations et sur le plan individuel la réincarnation de l'âme.
        " Frères, abandonnons tout ce qui change rapidement. Autrement nous n'aurons pas le temps de réfléchir à ce qui reste inchangé pour tous: A l'éternel ". (Nicolas Roerich -  A Propos de l'Eternel) 

        Accompagné de son épouse, Helena Ivanova, nièce de Moussorgsky et excellente pianiste, philosophe et écrivain, qu'il épousa en 1901 et qui soutint activement et collabora à toutes ses initiatives, il effectua dans les années qui suivirent la guerre plusieurs séjours en Europe et aux Etats-Unis où ses nombreuses expositions lui acquirent une solide réputation dans le domaine de l'art.
        Après Londres où il participe à une nouvelle production du Prince Igor à Covent Garden, c'est l'Art Institute de Chicago qui sollicite ses talents de décorateur pour son Opéra (Grand amateur de musique et de celle de Wagner en particulier Nicolas Roerich créa des décors et des costumes pour la plupart de ses opéras), suivra ensuite New-York, où le Nicholas Roerich Museum ouvrira ses portes en 1923, et où le peintre présente plus de 400 tableaux et fonde le Master Institute of United Arts qu'il dirige en personne.

     

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    "The Red Mountain"    Nicolas Roerich ( Santa-Fé -1921)

     


        Au cours de ces séjours Roerich eut l'occasion de rencontrer des organisations traditionnelles et d'établir des contacts privilégiés avec des responsables de la Société Théosophique, et le couple maintenant établi à New-York envisagea bientôt un voyage vers ces contrées lointaines qui exerçaient sur eux une attraction de plus en plus forte depuis plusieurs années à travers leurs religions, leurs philosophies et leurs légendes.
         Ils portèrent plus précisément leurs regards vers les régions himalayennes, l'Asie centrale, la Mongolie et le Gobi, et en compagnie de sa famille (Il a deux fils, Youri et Svetoslav), Nicolas Roerich quitte les Etats-Unis en Avril 1923, dans le cadre d'une expédition scientifique et artistique qu'il dirige et dont le but est de rassembler des informations sur les cultures des peuples de ces contrées.

         Ainsi qu'il le décrit dans son livre Au Coeur de l'Asie dans lequel il raconte comment ils durent franchir quelques 35 cols entre 4000 et 6500 mètres d'altitude, les conditions de voyage furent parfois très rudes (Ils seront même attaqués au Tibet où "seule la supériorité de nos armes à feu a empêché l'effusion de sang" écrivit-il). Un long périple au cours duquel Roerich peignit environ 500 tableaux, images de l'Asie qu'aucun artiste avant lui n'avait produites, révélant la beauté inviolée de ces régions et les méditations du peintre sur les cimes.

     

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    "Himalaya"   Nicolas Roerich (1933)


        En 1928 les Roerich s'installèrent définitivement aux pieds de l'Himalaya dans la vallée du Kulu et y établirent le siège principal de l'Institut de Recherches Himalayennes "Urusvati" ("Lumière de l'étoile du matin") où furent rassemblés et étudiés les résultats des analyses (botaniques, archéologiques et ethnolinguistiques) recueillis pendant ces 5 années, tout comme le seront ceux des expéditions ultérieures (En 1934-35 Roerich dirigera une expédition en Mongolie, Mandchourie et en Chine) et l'Institut Urusvati communiquera des données aux plus importantes universités et institutions scientifiques d'Asie, d'Europe et d'Amérique.

      

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    Portrait de Nicolas Roerich par son fils Svetoslav

     

         Depuis très longtemps un sujet préoccupait tout particulièrement  Nicolas Roerich, à savoir la protection des trésors culturels, et en 1929 il mit à profit un séjour à New-York pour l'aborder sérieusement et rédiger un Pacte, proposant que tous les endroits protégés selon ses termes soient identifiés par un drapeau distinctif, la Bannière de la Paix, trois sphères magenta contenues dans un cercle de même couleur sur un fond blanc:
        La Religion, l'Art et la Science réunis dans le cercle de la Culture, ou selon une autre interprétation, les accomplissements passés, présents et futurs de l'humanité entourés du cercle de l'éternité.

     

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    "Pax Cultura"   Nicolas Roerich (1931)
      

         Ce signe et la devise Pax Cultura qui l'accompagne symbolisent la vision pour l'humanité qui animait Roerich:
        "Unissons nous. Vous demandez de quelle façon? Vous serez d'accord avec moi: de la façon la plus simple, par la création d'une langue commune sincère... Peut-être dans la Beauté et la Connaissance."
       Présent dans plusieurs de ses tableaux dont la Madone à l'Oriflamme, ce symbole qui existe depuis des temps immémoriaux se rencontre dans le monde entier et personne en conséquence ne peut prétendre  qu'il appartient à une religion, un peuple ou une tradition particulière. On le retrouve entre autres sur des poteries de l'âge néolithique, sur le sceau de Tamerlan, sur des bijoux tibétains, caucasiens et scandinaves, sur des objets byzantins et romains, sur le blason de la ville de Samarkand ou encore le bouclier des Croisées et la Madone de Strasbourg.

     

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    "La Madone à l'Oriflamme"   Nicolas Roerich (1932)

     

        Les efforts de Nicolas Roerich ne furent pas vains et le 15 Avril 1935, en présence du président Franklin Delano Roosevelt, le traité du Pacte Roerich fut signé à la Maison Blanche par les nations des Amériques et les membres de l'Union Panaméricaine, et de nombreuses associations de par le monde continuent aujourd'hui à attirer l'attention sur le contenu de ce traité toujours en vigueur.
        Premier document international dédié à la protection des valeurs culturelles, celui-ci fut également à l'origine de la décision prise en 1949 par l'UNESCO pour la protection de l'héritage culturel en temps de conflit, et en 1954 le Pacte Roerich fut inclus cette fois littéralement dans la base de la Convention de La Haye pour la Protection des Richesses Culturelles en cas de conflit armé.

     

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        Dans un domaine tout à fait différent, il faut également mentionner l'influence (occultisante et néospiritualiste  cette fois) de Nicolas Roerich qui se serait étendue jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat Américain puisque, selon certaines sources, ses théories auraient pesé auprès du Vice-Président Henry A.Wallace concernant le projet d'inclure le sceau des Etats-Unis au verso du dollar américain (La décision finale fut prise par le President Roosevelt en 1935). 

     

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    Bien que la version officielle dise qu'il n'y a absolument aucun symbole occulte sur ce billet on peut arriver à en doute si on l'observe soigneusement: à commencer, entre autres, par les 72 pierres de la pyramide qui représentent les 72 dieux de l'ancien monde, l'oeil omniscient et l'infinité d'éléments en relation avec le chiffre 13 (qui certes peut représenter les 13 états d'origine, mais évoque aussi les tribus perdues d'Israël et revêt la plus grande importance dans certaines sociétés ésotériques).

     

       A la fois peintre de talent, éminent scientifique, archéologue, écrivain et grand explorateur ayant fait sa religion de la recherche de la beauté et de la culture, Nicolas Roerich mourut à Naggar dans la vallée du Kulu le 13 Décembre 1947. Demeuré toute sa vie un patriote convaincu et un citoyen russe, il n'avait jamais abandonné l'idée de rentrer dans sa patrie et avait, juste après la guerre, fait la demande d'un visa pour regagner l'Union Soviétique, mais il s'éteignit sans savoir que celui-ci lui avait été refusé...

     

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    "Song of Shambala"   Nicolas Roerich (1946)


         A sa demande, son corps fut incinéré et ses cendres enterrées face aux montagnes qu'il aimait et qu'il avait peintes si souvent (La série Himalaya comprend plus de 2000 peintures) et l'endroit où fut dressé le bûcher a été recouvert d'une grande dalle rectangulaire sur laquelle ont été gravés ces mots:
        "Ici fut livré au feu le 15 Décembre 1947 le corps d'un grand ami de l'Inde, le Maharishi Nicholas Roerich. Qu'il repose en paix". 


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    Nehru, Indira Gandhi, Nicolas Roerich et M.Yunus


        Plus d'une centaine d'institutions culturelles, académies ou organismes scientifiques de tous pays ont élu le peintre russes parmi leurs membres honoraires, témoignage de la reconnaissance mondiale de celui qui fut également en deux occasions nominé pour le Prix Nobel de la Paix dont une première fois en 1929 par l'Université de Paris.
       Plus ostensiblement peut-être, mais sans doute tout aussi largement méconnus, une planète mineure du système solaire (la planète 4426), découverte le 15 Octobre 1969 par des astronomes d'un observatoire de Crimée, ainsi qu'un pic dans l'Altaï rappellent également symboliquement au monde aujourd'hui le nom de cet homme de culture qui fut aussi poète, linguiste ou encore directeur d'école d'art, un être dont l'étendue et la richesse du génie créatif et des activités furent exceptionnelles et qui pensait que la survie de la planète dépendrait de la venue de la Paix sur Terre...

     

     

        "J'admire tellement votre Art que je peux dire sincèrement sans exagération que jamais aucun paysage n'a produit sur moi une impression aussi grande"
                    Albert Einstein (Lettre à Roerich -1931)

        "Nicolas Roerich est un des piliers de la culture russe"
                     Mikhaïl Gorbatchev 

     

     


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