• Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) - Le peintre du bonheur

     

    L'Art et la danse

    Danseuse (1874)  National Gallery of Art  Washington

     

     

        "Ce dessin m'a pris cinq minutes, mais j'ai mis soixante ans pour y arriver"
                                                                                          A. Renoir

     

        Pierre Auguste Renoir naquit à Limoges le 25 Février 1841, sixième enfant d'un père tailleur et d'une mère couturière. La famille qui vit chichement quitte en 1844 la province pour Paris dans l'espoir d'une vie meilleure, et le jeune Pierre-Auguste effectuera toute sa scolarité dans la capitale où sa vocation pour le dessin s'éveille très tôt, comme en témoigne l'abondance des illustration dont il décore ses cahiers. Mais les siens n'y attachent guère d'importance, plus sensibles qu'ils sont à ses dons musicaux encouragés par Charles Gounod, alors maitre de choeurs de l'église Saint Eustache, qui n'a pas été sans y remarquer ce garçon intelligent et doué.
        Cependant l'argent se faisant trop souvent rare dans la boutique du quartier du Louvre, Pierre-Auguste sera retiré de l'école dès l'âge de 13 ans et mis en apprentissage dans l'atelier de porcelaine des frères Lévy. Dix heures par jour il est chargé de peindre à la chaine des fleurs sur de la vaisselle, un travail soigneux qui lui fera acquérir un coup de pinceau sûr et rapide et le goût du travail bien fait:
        "C'est là que j'ai appris la rigueur de mon métier" aimait-il à faire remarquer.
    Ce passage par l'artisanat lui inculquera également un respect profond pour l'aspect manuel de la création artistique et il dira encore bien des années plus tard:
        "La peinture n'est pas de la rêvasserie. C'est d'abord un métier manuel et il faut le faire en bon ouvrier".

        L'industrialisation croissante en ce XIXème siècle amène bientôt la disparition des petits ateliers et Pierre-Auguste Renoir se retrouve en 1858 sans travail. Il a 17 ans, et après diverses expériences, notamment chez son frère graveur en héraldique où il colorie des armoiries, il est finalement engagé par un fabriquant de stores pour qui il peint des scènes mythiques avec un talent et une minutie qui n'échappent pas à l'employeur qui lui proposera de s'associer avec lui...
        Mais le jeune homme, bien que consciencieux dans son travail, ne rêve que d'une chose: devenir peintre... Car son activité artistique ne se borne pas à la décoration de supports divers... Il peint aussi pour son plaisir et suit les cours du soir de l'Ecole de Dessin et d'Arts Décoratifs et, en 1861, ses deniers, économisés sou par sou, lui permettent d'abandonner son travail, et de s'inscrire alors dans l'atelier de Charles Gleyre (1808-1876) qui n'eut sans doute pas une très haute opinion de son élève lorsqu'il demanda au jeune peintre assis devant son chevalet:
        "C'est sans doute pour vous amuser que vous faites de le peinture?"
        "Mais certainement" répondit Renoir avec la bonne humeur qui le caractérisait, "et si ça ne m'amusait pas je vous prie de croire que je n'en ferais pas!".

    L'Art et la danse

        
        Abandonné à lui même assez dédaigneusement par l'enseignant, Renoir en profitera alors pour se former à sa guise en copiant les grands maitres du musée du Louvre où dès 1860 il a obtenu la permission de travailler.
        Il passe alors ensuite avec succès le concours d'entrée à l'Ecole des Beaux Arts l'année suivante, et admis 68ème sur 80, s'y révélera, selon les dires de ses professeurs, un élève très attentif et consciencieux.

         Les temps sont plus que durs pour le jeune peintre qui se retrouve parfois dans une misère telle qu'il ne peut plus acheter ni toiles ni couleurs... Il va nouer par contre une solide amitié avec ces compagnons des jours difficiles que seront pour lui Claude Monet, Frédéric Bazille et Alfred Sisley, rencontrés dans l'atelier de Charles Gleyre. Les quatre jeunes gens se viennent mutuellement en aide, et lorsque leur professeur les quitte ils décident de continuer à travailler ensemble, mettant en commun leurs connaissances techniques au cours de séances de travail mémorables où se succèdent les découvertes qui vont engendrer les plus grands chefs d'oeuvres de l'Art...

        Bien que le groupe se rende souvent pour peindre à l'extérieur en forêt de Fontainebleau c'est le séjour que Renoir fit avec Monet en 1869 à La Grenouillère, un établissement de bains de Croissy-sur-Seine, qui sera décisif:
        Amenés à travailler avec les reflets de l'eau c'est là "qu'ils découvrirent que les ombres ne sont pas marron ou noires, mais colorées par leur environnement, et que la couleur "locale" d'un objet est modifiée par la qualité de la lumière qu'il reçoit, ainsi que par le reflet des objets qui l'entourent et le contraste des couleurs qui lui sont juxtaposées" (Phoebe Pool)

     

    L'Art et la danse

    La Grenouillère (1869)  Rijksmuseum  Amsterdam

     

         La "bande à Monet" aime se retrouver au cabaret de la mère Antony et survit dans la bohème en essayant de se faire connaitre et apprécier... Pour cela une seule solution: Les Salons... où leurs toiles sont chaque fois refusées obstinément... Aussi après avoir essuyé plusieurs échecs ils décident en 1874 d'organiser leur propre exposition... 

        L'évènement n'attira que 3500 visiteurs, alors que le salon officiel en drainait 400.000... et la critique se déchaina:
        "Cinq ou six aliénés se sont donné rendez-vous pour exposer leurs oeuvres" écrira-t-on...
        (Ce sera à cette occasion que la toile de Monet, Impression, soleil levant, inspirera à ses détracteurs ironiques le qualificatif d'impressionnistes)

        Renoir a pour son compte présenté six toiles, dont La Loge, témoin de l'intérêt que les artistes portaient dans le spectacle de la vie moderne et la société parisienne de l'époque. La toile ne trouva évidement pas d'acheteur et le peintre l'abandonna pour 425 francs au père Martin, l'un des seuls marchands d'Art à s'intéresser a ce courant naissant (Renoir ne consentit à aucun rabais sur la somme qui représentait celle de son loyer impayé...)

     

    L'Art et la danse

    La Loge (1874) - Courtauld Institute of Art  Londres 

     

         Les Salons des Impressionnistes vont se suivre, toujours aussi largement ridiculisés et brocardés, et Renoir y présentera sans succès, en 1877, son chef d'oeuvre: Le Bal du Moulin de la Galette, caractéristique de son style durant cette décennie (ombres colorées, jeux de lumière, touches fluides...) ainsi que de son goût pour les scènes heureuses de la vie parisienne.

     

    L'Art et la danse

    Le Bal du Moulin de la Galette  (1876)  Musée d'Orsay  Paris

     

         Seuls quelques amateurs et marchands d'Art éclairés pressentent alors l'avenir et grâce au soutien de l'un d'eux, Durand-Ruel, Renoir obtient plusieurs commandes de portraits, mais découragé par les échecs consécutifs du Salon des Impressionnistes et leurs conséquences financières, l'artiste prend alors la décision de revenir au Salon officiel où il présentera cette fois le Portrait de madame Charpentier et ses enfants.

     

    L'Art et la danse

    Madame Charpentier et ses enfants (1876-77)
    Metropolitan Museum of Art   New York 

     

         Le tableau est extrêmement bien accueilli par le public, "Renoir a eu un grand succès au Salon. Je crois qu'il est lancé, tant mieux. C'est si dur la misère!" écrira Camille Pissaro.

        Si le peintre a cherché à prendre ses distances avec la "bande à Monet" c'est aussi parcequ'il est lui-même de moins en moins satisfait de la façon dont le nouveau style a évolué entre ses mains:
        "Il s'est fait comme une cassure dans mon oeuvre. J'étais allé jusqu'au bout de l'impressionnisme et j'arrivais à cette constatation que je ne savais ni peindre ni dessiner. En un mot j'étais dans une impasse"
        et il ajoutera:
        "Aujourd'hui nous avons tous du génie, c'est entendu, mais ce qui est sûr c'est que nous ne savons plus dessiner une main, et que nous ignorons tout de notre métier". 

        A partir de ce moment là, Renoir va remettre son oeuvre en question et s'éloigne de l'impressionisme en cherchant l'inspiration dans le passé:
        "En réalité nous ne savons plus rien, nous ne sommes sûrs de rien. Lorsqu'on regarde les oeuvres des anciens, on n'a vraiment pas à faire les malins" et il écrit à son marchand Durand-Durel:
        "Je suis encore dans la maladie des recherches. Je ne suis pas content et j'efface, j'efface encore..."

        Sa nouvelle manière dite "sèche" ou "ingresque" est caractérisée par un dessin plus précis et des a-plats comme dans Les Parapluies (où les petites filles dans le flou rappellent encore cependant sa période impressionniste)

     

    L'Art et la danse

    Les Parapluies (1883)  National Gallery  Londres

     

        Les trois danses, Danse à Bougival, Danse à la Ville et Danse à la Campagne témoignent de cette évolution où son art devient plus affirmé, il recherche davantage les effets de ligne, les contrastes marqués et les contours soulignés. 

     

    L'Art et la danse

                               Danse à la Ville (1883)  Musée d'Orsay  Paris  
    (On y reconnait le peintre Suzanne Valadon, que Renoir représenta à plusieurs reprises)

    L'Art et la danse

    Danse à la campagne (1883)   Musée d'Orsay  Paris  

     

        Les deux toiles, une commande de Durand-Durel pour orner son appartement ne furent jamais séparées. C'est Aline Charigot, une jeune modiste, qui prête ses traits rieurs à la danseuse campagnarde. Elle deviendra la femme du peintre et lui donnera trois fils, Pierre, Jean (le cinéaste) et Claude, et on la retrouvera dans de nombreuses toiles dont Le Déjeuner des Canotiers exécuté à la même période à Chatou sur la terrasse de la Maison Fournaise qui existe toujours aujourd'hui (Aline y apparait à gauche au premier plan et en face d'elle se trouve le peintre Gustave Caillebotte premier mécène des impressionnistes)

     

    L'Art et la danse

    Le Déjeuner des Canotiers  (1881)  Phillips Collection  Washington

     

        En 1881 Renoir se rend en Italie où influencé par Raphaël il opte maintenant pour un art plus intemporel et plus sérieux et un retour au classicisme. Mais lorsqu'il présente ses fameuses Grandes Baigneuses (dont les principaux modèles sont Aline Charigot, la brune, et Suzanne Valadon, la blonde), l'accueil est plus que réservé et l'avant garde trouve cette fois qu'il s'est véritablement égaré.

     

    L'Art et la danse

    Les Grandes Baigneuses  (1887)  Philadelphia Museum of Art

     

         Certainement inconsciemment mal à l'aise lui même dans ce style "sec" en contradiction avec sa chaleur naturelle, de 1890 à 1900 Renoir s'oriente alors vers une voie intermédiaire: Ce n'est plus du pur impressionnisme, ni du style de la période "ingresque", mais un mélange des deux: Il conserve les sujets "Ingres", mais reprend la fluidité des traits en adoptant une facture plus souple avec des effets de transparence, c'est ce que l'on appellera "la période nacrée".
        La première oeuvre de cette époque sera Les Jeunes Filles au Piano, la première aussi qui fut achetée par l'Etat, et dont l'une des cinq versions existantes est conservée au musée d'Orsay.

     

    L'Art et la danse

    Les Jeunes Filles au Piano (1892)  Musée d'Orsay  Paris

     

        Cette décennie, celle de la maturité, sera pour Renoir celle de la consécration, ses tableaux se vendent bien et la critique apprécie maintenant unanimement son travail.
        Fuyant les mondanités, le peintre mène une vie de famille discrète et heureuse que reflètent toutes ses toiles. Il se plait à la campagne, et lors d'une mauvaise chute à bicyclette en 1897 près d'Essoyes le village d'origine de son épouse, il se fracture le bras droit. Cet accident est-il responsable de la dégradation ultérieure de sa santé? C'est ce que laissent à penser certains qui y voient l'évolution de la polyarthrite rhumatoïde dont il sera affecté et qui fit de lui un invalide à la fin de sa vie.

        La naissance de ses fils donne un éclat particulier à sa peinture et il représentera Jean à maintes reprises en compagnie de sa nourrice, Gabrielle Renard que l'on retrouve très souvent sur ses toiles, seule ou en compagnie de la famille (Gabrielle Renard épousa en 1921 le peintre américain Conrad Hensler Slade et finit sa vie à Beverly Hills près de son cher Jean pour qui elle avait gardé une tendresse particulière)

     

    L'Art et la danse

    Gabrielle et Jean  (1895-96)   Musée de l'Orangerie   Paris

     

        En 1903 la famille Renoir s'est installée à Cagnes sur Mer dont le climat plus chaud et plus sec était censé convenir davantage à l'artiste qui y a fait l'acquisition du domaine des Collettes où il vivra dorénavant au milieu des vénérables oliviers. Malgré ses rhumatismes déformants il continue à y peindre régulièrement sans relâche et ses toiles de l'époque, pleines de soleil sont de plus en plus chatoyantes.

     

    L'Art et la danse

     Cagnes sur Mer (1905)   Rijksmuseum  Amsterdam

     

         Renoir est désormais une personnalité majeure de l'art occidental et expose partout en Europe et aux Etats Unis. Chercheur insatiable, malgré la maladie qui le diminue de plus en plus il essaye de nouvelles techniques, la sculpture en particulier, avec Richard Guino, un élève de Maillol, et alors que ses mains sont déjà à demi paralysées, les deux hommes créeront ensemble plusieurs pièces, dont la Vénus Victrix considérée comme l'un des sommets de la sculpture moderne.

        En 1919 l'Etat achète le portrait de madame George Charpentier et le peintre fait le voyage à Paris pour le voir suspendu au Louvre où il fut dit-il reçu "comme un pape de la peinture".

     

    L'Art et la danse

    Portrait de Madame Charpentier (1876-77) Aujourd'hui au Musée d'Orsay  Paris

     

         Quelques temps après cette ultime grande joie, une congestion pulmonaire oblige Renoir à s'aliter, mais il réclamera encore une toile et des pinceaux pour peindre le bouquet de fleurs qui se trouve sur le rebord de la fenêtre...
        Et lorsqu'il rend pour la dernière fois ses pinceaux à l'infirmière qui le soigne, il déclare, le matin de sa mort, plein de cette grande humilité avec laquelle il appréhendait la peinture et la vie:

        "Je crois que je commence à y comprendre quelque chose..."

        Pierre-Auguste Renoir s'éteignit dans sa propriété de Cagnes sur Mer le 3 Décembre 1919 : Un homme simple et bon, qui laissait derrière lui une oeuvre considérable: plus de 4000 toiles, toutes empreintes de son art à peindre le bonheur d'un instant et à répandre la joie en saisissant les moments les plus chaleureux de la vie.

     

    L'Art et la danse

     

        "Pour moi un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui jolie! Il y a assez de choses embêtantes dans la vie pour que nous n'en fabriquions pas encore d'autres!"
                              Pierre-Auguste Renoir

     

     

     


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