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    L'Art et la danse

    Lord Byron en costume albanais (1835)  Thomas Phillips (1770-1845)

     

    "Les épines que j'ai recueillies viennent de l'arbre que j'ai planté"
                                  George Gordon-Byron (1788-1824) 

     

        Le jour même de sa parution le poème de George Gordon-Byron (Lord Byron), The Corsair (1814) est vendu à 10.000 exemplaires, et les aventures de son personnage principal, l'archétype de ce "maudit" qu'est le héros byronien, inspireront par la suite rien moins que six chorégraphies plus ou moins fidèles, il faut le dire, au texte original.

        Bien que la première ligne de l'ouvrage entraine d'emblée le lecteur "O'er the glad waters of the dark blue sea" (Sur les flots joyeux du bleu profond de la mer), The Corsair est en réalité une tragédie que résume ce vers de Dante mis en exergue par l'auteur:
        "Nessun maggior dolore che ricordarsi del tempo felice nella miseria"
                                           La Divine Comédie, L'Enfer Chant V
    (Il n'y a pas de plus grande souffrance que de se souvenir des jours heureux dans le malheur)

        Divisé en Chants comme La Divine Comédie, le poème semi-autobiographique de Byron raconte l'histoire du capitaine Conrad qui, animé par une révolte de jeunesse (dont l'origine reste inconnue du lecteur) abandonne son foyer et une épouse qu'il aime (Médora) pour s'en aller courir les océans. Il est bientôt capturé par le Pacha Seyd qui l'emprisonne, et confronté dans sa géole à une mort certaine ne devra son salut qu'à Gulnare, la jolie concubine de Seyd. Cette dernière qui est tombée amoureuse du séduisant pirate va en effet tuer le Pacha pour rendre sa liberté au prisonnier, mais perdra malheureusement elle-même la vie dans cette entreprise. Quand à Conrad, il constatera à son retour avec accablement que Médora est morte pendant son absence.

     

    L'Art et la danse

    Gulmare retrouve Conrad dans sa cellule   Eugène Delacroix (1798-1863)

     

        Un récit héroïque riche en rebondissements qui avec son cadre exotique ne pouvait que séduire, outre les peintres, les librettistes de l'époque...
        Le premier à s'y intéresser fut le chorégraphe italien Giovanni Galzerani (1780-1865) qui en 1826 en donne une première version à la Scala de Milan, et le 12 Août 1835 un second ballet est monté à la salle Le Peletier sous le titre L'Ile des Pirates. La légendaire Fanny Elssler y tenait le rôle principal, coiffée d'une petite toque en velours qui devint la folie des parisiennes... Mais le ballet qui eut, lui, beaucoup moins de succès que le couvre chef, disparut du répertoire après 24 représentations.
        Une troisième chorégraphie, The Corsair, voit le jour en 1837, oeuvre de Ferdinand Albert Decombe pour le King's Theatre de Londres, suivie à Berlin l'année suivante par la version de Filippo Taglioni, et le thème sera repris à St Petersbourg par Joseph Mazillier qui met en scène L'Ecumeur des Mers pour Marie Taglioni alors artiste invitée du Ballet Impérial:
        Le ballet de Mazilier composé sur une musique d'Adolphe Adam, qui à l'époque séjourne lui aussi en Russie, est présenté au Bolchoï Kamenny le 10 Mai 1840 et séduit le public. Un succès qui se renouvellera lorsque de retour en France, le chorégraphe passé maitre dans l'art de créer des oeuvres aux sujets très dramatiques, remettra en scène pour l'Opéra de Paris cet épisode mouvementé de la vie du capitaine Conrad, avec cette fois quelques transformations et arrangements divers...

        Car Le Corsaire présenté à l'Opéra de Paris le 23 Janvier 1856 le sera, en fait, à la demande de son directeur François Crosnier et surtout de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, grande amatrice de ballets, qui fit elle même de nombreuses suggestions concernant le scénario...
        Et Jules Henry Vernoy de Saint Georges, à qui avait été confiée la rédaction du livret fut en conséquence prié d'y apporter tellement de modifications que le surcroit de travail engendré lui valut de toucher pour l'occasion la coquette somme de 3000 francs supplémentaires... 

        Cette version du ballet, chorégraphié sur la musique d'Adolphe Adam, était destinée à mettre en valeur les talents conjugués de danseuse et d'actrice de l'étoile du moment, Carolina Rosati, dans le rôle de Médora qui pour les besoins de la cause devint le personnage féminin principal. Les cartes seront carrément redistribuées, exit l'épouse délaissée, Médora est maintenant une séduisante esclave au secours de laquelle volera le corsaire amoureux quand à Gulnare, oubliés la passion et le meurtre, elle sera reléguée au statut de simple amie.

     

    L'Art et la danse

    Carolina Rosati   Médora (1856)


        Aux côtés de Rosati évoluait un partenaire non moins talentueux, l'italien Domenico Segarelli qui, bien qu'il fut un danseur accompli, s'était vu confier l'emploi du vaillant sauveur grâce à ses dons de mime exceptionnels car l'interprétation du personnage de Conrad ne comportait à l'époque aucun passage chorégraphié, un état de choses qui subsistera de nombreuses années encore avant que Marius Petipa ne donne au rôle une autre dimension.
    (Il faut également ajouter que le ballet contrairement à l'oeuvre littéraire aura une fin heureuse et que l'amour triomphera finalement de naufrages et autres péripéties diverses...)

        La Première fut un véritable triomphe et l'interprétation de Carolina Rosati aliée à la chorégraphie et la mise en scène de Mazillier suscitèrent des louanges dithyrambiques de la part de la critique et du tout Paris. Tout comme le firent d'ailleurs les effets spéciaux et plus particulièrement le tour de force des machinistes qui, lors d'un final incroyablement réaliste, en recréant une scène de naufrage avaient subjugué un public admiratif et inspirèrent à Gustave Doré l'un de ses impressionants dessins gravé pour un journal illustré de l'époque.

     

    L'Art et la danse

    Le Corsaire (Acte III)  Gravure de Gustave Doré 


         Le couple impérial assista aux trois premières représentations et l'impératrice fut à ce point conquise qu'elle déclara à l'entourage avec un enthousiasme débordant:
         "De toute ma vie, je n'ai jamais vu et je ne reverrai probablement jamais quelque chose d'aussi beau et d'aussi émouvant".

        Très largement appréciée elle aussi, et louangée pour son caractère mélodieux et son intensité dramatique, la partition d'Adolphe Adam qui reçut son lot de compliments fut très malheureusement la dernière oeuvre que le compositeur consacra au ballet car il mourut d'une crise cardiaque le 3 Mai 1856, quelques 4 mois après la Première du Corsaire. Le soir de sa disparition, le ballet est donné à l'Opéra devant Napoléon III et l'impératrice, accompagnés d'un invité d'honneur, le roi Guillaume Ier de Wurtemberg et, à la demande de l'empereur, la recette sera versée à la veuve du compositeur.

     

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    Adolphe Adam (1803-1856) 

     

        Pendant les deux années durant lesquelles Le Corsaire demeura à l'affiche aucune autre danseuse que Carolina Rosati n'interpréta le rôle de Médora, la qualité de la prestation de la ballerine italienne restant, de l'avis unanime, inégalable, et lorsque cette dernière quitte l'Opéra en 1859, le ballet disparait purement et simplement du répertoire. Il fut seulement repris en 1867 lors de l'Exposition Universelle pour Adèle Grantzov, en l'honneur de laquelle s'ajouta le Pas des Fleurs, sur une musique commandée à Léo Delibes, mais ne sera par la suite jamais plus remonté à Paris.

        Sa carrière se poursuit heureusement en Russie lorsque le 24 Janvier 1858, Jules Perrot (1810-1892) monte l'oeuvre de Mazillier au Bolchoï Kamenny de St. Petersbourg. Marius Petipa y participe en tant qu'interprète, mais également comme assistant chorégraphe, et ce dernier assurera plus tard lui-même toutes les reprises ultérieures jusqu'à l'aube du XXème siècle, la toute première ayant été conçue en 1863 pour sa femme, la danseuse Maria Surovschchikova- Petipa (1836-1882) dans le rôle de Médora, avec pour partenaire Christian Johansson (Conrad).

     

    L'Art et la danse

    Maria Surovschchikova- Petipa   Médora (1863) 

     

        En un peu plus de trente ans Marius Petipa remontera quatre fois son ballet (1863, 1867, 1880, 1899) élaborant à chaque occasion de nouveaux passages chorégraphiques qui engendreront autant d'additions à la partition devenue un amalgame de morceaux qui réunit aujourd'hui une dizaine de compositeurs avec, aux côtés d'Adolphe Adam, Cesare Pugni, Léo Delibes, Riccardo Drigo, Ludwig Minkus ou le prince Oldenbourg... (Tous ne sont pas crédités sur les programmes dont la plupart ne mentionnent que Delibes et Adam, alors que le plus important contributeur après le créateur de Giselle est en réalité Cesare Pugni).

     

    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina   Médora (1899) 

     

        En trois actes, un prologue et un épilogue, les amours de Conrad et Médora sont, à quelques détails prés, généralement contées de la manière suivante, les relectures qu'en ont fait le Bolchoï ou le Kirov restant toutes, dans une certaine mesure et malgré leurs variantes ou leur découpage, assez proches de la version de Petipa. (La version de l'American Ballet Theatre propose une entrée en matière différente faisant de Médora non plus une esclave, mais la "pupille" de Lankedem)

     

     Prologue et Acte I:  Des corsaires méditerranéens menés par Conrad, Birbanto et l'esclave Ali ont fait naufrage près des côtes ioniennes et sont ramenés par les flots vers le rivage où de jeunes grecques, Médora et Gulnare accompagnées de leurs amies, les découvrent. Ces dernières ont à peine le temps de cacher les pirates dans une grotte qu'arrivent des turcs, chasseurs d'esclaves qui capturent les demoiselles et les livrent à l'infâme marchand Lankedem... Conrad, qui a assisté incognito à la scène avec ses compagnons, jure de les sauver et part à leur recherche.
        Il les retrouve sur la place du marché où Lankedem présente sa "marchandise" au Pacha Seyd lequel après s'être tout d'abord porté acquéreur de Gulnare, est également séduit par Médora et entame avec le marchand les transactions d'usage... Mais la jolie captive vient de reconnaitre parmi les clients attroupés le chef pirate, et dans leurs regards qui se croisent nait dans l'instant un amour fou... Enflammé par la passion Conrad surgit alors de la foule et, suivi de ses hommes, enlève l'objet de sa ferveur ainsi que toutes ses consoeurs à la barbe de Seyd, emmenant avec lui Lankedem dans la confusion (étourderie stupide, mais essentielle à la poursuite de l'intrigue)...

     

    Le Corsaire (Acte I) Le Marché aux esclaves   Interprété par Tatiana Tkachenko (Gulnare) Mikhaïl Lobukhin (Lankedem) et le corps de ballet du Kirov. Chorégraphie de Piotr Gusev d'après Marius Petipa. Musique d'Adolphe Adam et Riccardo Drigo.

      

    Acte II: Trouvant refuge dans une grotte Conrad, fidèle à sa parole, libère toutes les consoeurs de Médora, à la grande colère du clan des pirates privés de leur butin... Cependant Lankedem tout aussi furieux d'avoir vu s'envoler son gagne-pain imagine avec les mécontents un complot pour se débarrasser de leur chef et récupérer Médora. Cet homme prévoyant ne voyageant apparemment jamais sans une fiole de narcotique puissant dans sa poche, prépare alors une potion que celle-ci (à son insu) va faire boire à son amoureux (une variante fait déposer le poison sur des fleurs dont la victime respire le parfum) et, le résultat restant dans tous les cas le même, l'infortuné Conrad tombe dans un profond sommeil que les conspirés mettent à profit pour enlever sa belle, tout en ne parvenant pas cependant à assassiner leur maitre qui à son réveil se précipite à la recherche de sa bien-aimée.

     

    Le Corsaire (Acte II) Interprété par Altinaï Asilmouratova (Médora), Faruk Ruzimatov (Ali) et Evgueni Neff (Conrad). Chorégraphie de Piotr Gusev d'après Marius Petipa. Musique d'Adolphe Adam.

     

     Acte III et Epilogue:  Dans le sérail du Pacha Seyd, Lankedem est reçu avec tout l'apparat que l'on imagine lorsqu'il vient livrer Médora. Celle-ci retrouve au milieu des favorites son amie Gulnare et tandis que l'Orient déroule somptueusement ses fastes on annonce soudain l'arrivée de pélerins qui ne sont autres que Conrad et ses acolytes sans foi ni loi, sans doute maintenant ralliés à leur chef... Alors que le Pacha leur fait les honneurs de son palais ceux-ci tentent encore une fois d'enlever Médora mais sans succès et Conrad, fait prisonnier, est condamné à être exécuté.

     

    Le Corsaire (Acte III)  Pas de trois des Odalisques.  Chorégraphie originale de Marius Petipa interprétée par les solistes du Bavarian StaatsOperaballet. Musique de Cesare Pugni et Adolphe Adam.

     

       Face à cette nouvelle adversité, Médora implore avec véhémence la grâce du captif et le Pacha consent à exaucer sa prière à condition qu'elle accepte de l'épouser le soir même. Cette dernière qui a plus d'un tour dans son sac feint alors de céder et, grâce à l'aide de Gulnare qui prend sa place pendant la cérémonie, réussit finalement à s'enfuir du palais avec son beau corsaire. L'histoire ne s'arrête cependant pas là, car une fois fêtées les retrouvailles sur le bâteau des pirates, une tempête venue d'on ne sait où se déchaine et engloutit le vaisseau, mais les amoureux ont miraculeusement échappé au naufrage et trouveront refuge sur un rivage hospitalier où les attend enfin le bonheur.

     

    L'Art et la danse

    Le Corsaire (Acte III)  Décor pour la scène du naufrage (1899)

     

        Si Le Corsaire ne figure dans son intégralité qu'au répertoire de quelques compagnies, et n'est de ce fait que relativement peu connu, le ballet comporte malgré tout quelques passages célèbres, dont la scène du Jardin Animé de l'Acte III ou encore plus certainement le Pas de deux qui est l'un des morceaux les plus dansés au monde, interprété par toutes les troupes. Ce fut l'un des premiers succès de Rudolf Noureev qui, alors qu'il terminait sa troisième année à l'école de ballet du Kirov présenta, lors du concours de Moscou en 1958, trois variations, et remporta avec celle du Corsaire une véritable ovation... (Un enthousiasme qu'il ne cessera de déclencher partout où il l'interprétera par la suite).

     

    Le Corsaire (Acte III) Le Jardin Animé   Interprété par le corps de ballet du Kirov  Soliste: Altynaï Asilmouratova (Médora). Chorégraphie de Piotr Gusev d'après Marius Petipa. Musique de Léo Delibes.

     

        Fleuron du répertoire russe, repris par l'American Ballet Theatre ou encore le Bavarian StaatsOperaballet, mais grand absent de l'Opéra de Paris, Le Corsaire, avec son exotisme flamboyant et son sens des péripéties pour le moins rocambolesques où des héros dignes d'une BD mènent des aventures invraisemblables au coeur d'un Orient d'opérette, n'en reste pas moins un ballet dont la musique et la chorégraphie en font une oeuvre magnifique qui s'est maintenue sur scène dans des versions qui, il faut l'avouer, n'ont plus, si ce n'est le titre et le nom des personnages, qu'un rapport très éloigné avec le poème de Byron.
        Mais toutes, cependant, en mettant en scène cette vision de la faiblesse humaine qui cède à toutes les tentations, continuent en ce sens de porter la voix de celui qui enthousiasma l'Europe et rendent hommage à ce génie tourmenté qui fit des poèmes de sa vie et de sa vie une légende.
     

        "But I have lived, and have not lived in vain
         My mind may lose its force, my blood its fire,
         And my frame perish even in conquering pain,
         But there is that within me which shall tire
         Torture and Time, and breathe when I expire"
                             George Gordon-Byron    Childe Harold- IV (1812-1816) 

     

    Le Corsaire  Pas de deux   Interprété par Margot Fonteyn et Rudolf Noureev  (Chorégraphie de Rudolf Noureev d'après Marius Petipa, Musique de Riccardo Drigo)


        "Mais j'ai vécu et je n'ai pas vécu en vain.  
         Mon esprit peut perdre sa force, mon âme peut perdre son feu,
         Mon corps peut périr dans la douleur: 
         Il y a en moi quelque chose qui fatiguera
         La Torture et le Temps, et qui respirera encore quand j'aurai expiré"

                                        George Gordon-Byron (1788-1824)

         
             ... Des vers auxquels la prestation de Noureev et Fonteyn ajoute un accent très particulier...  

     

        


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    L'Art et la danse

    Danseuse (1928)  André Derain 

     

    "Les idées ne suffisent pas, il faut le miracle"

                                                 André Derain

     

        L'un des peintres les plus controversés de la première moitié du XXème siècle, André Derain, naquit à Chatou le 10 Juin 1880. Son père, crémier-glacier prospère, est conseiller municipal de la bourgade et souhaite une vie bourgeoise pour ce fils intelligent qui excelle dans ses études et entamera après son baccalauréat un cursus d'ingénieur, tout en ne cachant pas son goût prononcé pour l'art.
        Ses premières leçons de peinture il les a reçues de son ami La Noé à l'âge de 15 ans, et tandis qu'il poursuit ses études d'ingénieur à Paris, il est inscrit à l'Académie Carrière qu'il fréquente de 1898 à 1900 et où il fait la connaissance de Matisse puis rencontre Vlaminck avec lequel il partage un atelier, une partie d'un ancien restaurant qu'ils louent en commun et que, désargentés, ils chauffent en faisant brûler les chaises et les tables inutilisées:
        "Il faut peindre avec du cobalt pur, des vermillons purs, du véronèse pur!" lui répétera son co-locataire qui se flatte d'avoir "dessalé l'ami Derain" l'initiant "à la couleur sortie du tube comme aux plaisirs populaires"...

       Trois années de service militaire vont interrompre études et activités artistiques que Derain reprendra à son retour en s'inscrivant à l'Académie Julian, après que Matisse ait réussi à convaincre ses parents de lui laisser abandonner sa carrière d'ingénieur pour se consacrer entièrement à la peinture. 
        Les deux amis travaillent alors ensemble pendant l'été 1905 qu'ils passent à Collioure, où Derain, dira-t-il, "se laisse aller à la couleur pour la couleur" et où sa peinture va une première fois frôler le génie.

     

    L'Art et la danse

    Le Phare de Collioure (1905) 

     

        Exposées au Salon d'Automne de cette année là leurs toiles, aux côtés de celles de Vlaminck et quelques acolytes, leur vaudront le surnom fameux de "fauves" et déclencheront le célèbre scandale...
        "J'avais fait chaud" dira Derain, "très, très chaud. Le fauvisme a été pour nous l'épreuve du feu. Les couleurs devenaient des cartouches de dynamite. Elles devaient décharger la lumière".

        L'année suivante le marchand d'art Ambroise Vollard lui achète la totalité de son atelier (89 peintures et des aquarelles dont le montant lui assurent désormais la stabilité financière...) et l'envoie à Londres sur les traces de Monet.


    L'Art et la danse

     Londres   Tower Bridge  (1906)

     

        En 30 peintures, Derain va donner avec des couleurs éclatantes et des compositions inhabituelles une image magique de la ville à travers des toiles qui resteront parmi ses oeuvres les plus célèbres.

      Le critique d'art T.G. Rosenthal écrira à son propos:
        "Depuis Monet, personne n'avait su donner de Londres une vision aussi originale et en même temps si profondément anglaise".

     

    L'Art et la danse

    Londres  Big Ben (1906)


        A la même époque, l'artiste illustre les oeuvres de Guillaume Apollinaire et André Breton, et alors qu'il n'a pas 30 ans figure en bonne place dans toutes les expositions ou dans les publications consacrées à la peinture française d'avant-garde.
        "La couleur est la matérialisation de la lumière. C'est donc une matérialisation de l'esprit. La couleur fixe la lumière. Où il y a lumière il y a l'esprit" écrira-t-il.

        Ce novateur extrêmement hardi est cependant en même temps un homme délibérément tourné avec une sorte de passion vers la tradition et, dès 1911, son oeuvre revient à une vision plus objective de la nature.
        "Je me sens m'orienter vers quelque chose de meilleur où le pittoresque compterait moins pour ne soigner que la question peinture" écrit-t-il à Vlaminck, et il exprime également son envie de "faire des choses plus raffinées, moins primitives", désirant "faire du stable, du fixe, du précis".

        Sous l'influence du cubisme et de Cézanne sa palette colorée commence à glisser vers des tons plus doux et dès cette époque ses tableaux reflètent déjà son étude des anciens Maitres, les formes deviennent austères et les années 1911-1914 seront parfois appelées sa "période gothique".


    L'Art et la danse

     Nature Morte (1913)


        Mobilisé pendant la guerre qui interrompt sa carrière, il se fait cette fois à son retour le chef du renouveau classique, s'intéresse à partir de 1920 à Raphaël et au Quattrocento italien, et dans une époque où la forme se dissout dans les brumes de l'impressionnisme ou se brise dans le cubisme, Derain tente de la saisir de la façon la plus simple et la plus directe, se faisant l'avocat de l'ordre, la sobriété et la raison, la nature devenant son inspiration et les vieux Maitres des musées ses modèles.
        Certains critiques le traitèrent d'apostat, d'autres au contraire le reconnurent comme le plus grand artiste de l'époque. Apollinaire dira de lui en 1916:
        "Derain a étudié les Maitres avec passion. Les copies qu'il a faites montrent comme il était désireux de les connaitre. En même temps avec un courage inégalé, ignorant toutes les audaces de l'art contemporain, il a trouvé dans la fraicheur et la simplicité les principes et les règles de l'art".
      

    L'Art et la danse

     Paysage près de Barbizon (1922)

     

        L'entre deux guerres est pour l'ingénieur manqué une période de consécration où sa célébrité ne cesse de s'accroitre. A l'apogée du succès il reçoit en 1920 le prix Carnegie et expose à l'étranger, Londres, Berlin, Francfort, Düsseldorf, New-York, Cincinnati... Il collectionne les Bugatti (il en possédera successivement 14 dit-on...), pilote des machines volantes, conduit des bateaux ou achète des châteaux... Tour à tour vénitien, flamand, florentin, inspiré par l'Extrême Orient ou l'art nègre, Renoir, Modigliani, le Douanier Rousseau, il ne cesse de changer de manière, reniant toutes les avant garde:
         Il dénonce tour à tour l'impressionnisme "une peinture de petites jeunes filles un peu artistes", l'art non figuratif "plus c'est abstrait plus c'est bête", le fauvisme "une histoire de teinturiers" ou encore le cubisme "une chose vraiment idiote qui me révolte de plus en plus".


    L'Art et la danse

     Fleurs dans un vase (1932)


        Aucun peintre n'a montré à la fois autant de doute et de maitrise et donné cette impression de dominer son siècle tout en le rejetant en même temps, et en véritable virtuose Derain passera sa vie à la recherche des secrets perdus, refaisant sans trêve le parcours des anciens, multipliant les techniques, maitrisant avec brio les lumières et les contrastes, jusqu'à ce que lui, le "fauve", au soir de sa vie abandonne la couleur pour produire des Paysages tristes (1946) ou des natures mortes sur fond noir ou marron, à l'image de son environnement car, ostracisé après la seconde guerre mondiale pour avoir effectué un voyage officiel en Allemagne en 1941, l'artiste mourra dans la plus complète solitude.

     

    L'Art et la danse

    Nature Morte (1946) 

     

        Pleines de fantaisie, ses créations consacrée aux arts de le scène se distinguent très nettement de son oeuvre picturale, et comprennent quelques 13 ballets, 20 opéras et 2 pièces de théâtre pour lesquels entre 1919 et 1953 il a créé décors et costumes.
        Cette longue série de collaboration avec le monde du spectacle débute en 1919, lorsque Serge Diaghilev qui jusque là a eu recours à des décorateurs russes comme Bakst, Benois ou Roerich (puis en 1917 à Picasso pour Parade), sollicite Derain pour La Boutique Fantasque, un début qui amènera celui-ci à travailler ensuite avec les plus prestigieuses compagnies, les Ballets Russes de Monte Carlo (La Concurrence 1932), les ballets de George Balanchine (Les Songes 1933), l'Opéra de Paris (Salade 1935) ou encore les Ballets de Paris de Roland Petit (Que le Diable l'Emporte 1948).

     

    L'Art et la danse

    Esquisse pour le rideau de fond de La Boutique Fantasque (1919)

     

        Toujours éclectique il n'hésitera jamais à mêler époques et genres présentant indifféremment des personnages arborant des masques d'influence africaine et d'autres d'influence grecque, ou s'inspirant de peintures étrusques tout en puisant en même temps des idées sur une carte postale du Tyrol...
        Ne laissant rien au hasard il participe aux essayages des costumes, choisit lui-même les tissus et accroche dans les loges le dessin des maquillages à appliquer aux danseurs... 

     

    L'Art et la danse

     Costume pour la danseuse de can-can de La Boutique Fantasque (1919)

     

        Passionné de ballet, André Derain fut en fait plus qu'un décorateur, car, véritable créateur il imagina des arguments, choisissant les musiques et intervenant dans la mise en scène. Il rédigea ainsi plusieurs livrets pour des ballets dont il avait dessiné les décors et les costumes, entre autres La Concurrence, Les Songes, Fastes, et Que le Diable l'Emporte.
        A propos de ce dernier ballet Roland Petit écrira:
    "Derain, lui, a tout fait! Il a choisi la musique et l'orchestrateur. Il a écrit le sujet du ballet pour finir par faire ce pour quoi il avait du génie, c'est à dire les costumes et les décors". 
        (L'artiste qui avait aussi également quelques idées sur l'art de la chorégraphie ira même jusqu'à élaborer un projet "relatif à la composition d'un ballet entièrement créé par monsieur Erik Satie musicien insigne et monsieur Derain peintre idoine", ballet qui présente "les instruments avec lesquels un maitre de ballet peut composer des ballets à l'infini).


    L'Art et la danse

    Alexandra Danilova et Léonide Massine dans La Boutique Fantasque

     

        Collaborateur des plus grands, André Derain reste toutefois très méconnu dans ce domaine de la production scénique. Une activité qu'il n'abandonna cependant jamais, et un an avant sa mort dessinait les décors et les costumes de l'opéra de Rossini, Le Barbier de Séville. Il se remettait à l'époque d'une maladie infectieuse qui diminua sa vision de façon importante, peut-être est-ce la raison pour laquelle il ne voit pas arriver le véhicule qui le renverse en Juillet 1954, et atteint très gravement par le choc il sera conduit à l'hôpital de Garches où il décède le 8 Septembre à l'âge de 74 ans.

     

    L'Art et la danse

    Pierrot (1923)

     

         L'artiste repose au cimetière de Chambourcy (Yvelines) où il possédait une vaste propriété "La Roseraie" (aujourd'hui transformée en musée) dans laquelle il vécut et travailla les vingt dernières années de sa vie, s'isolant volontairement après l'épisode de la guerre, et refusant même la direction de l'Ecoles des Beaux Arts de Paris.

        Sans jamais vraiment choisir son camp, Derain fut à sa façon tous les peintres à la fois, les anciens comme les modernes, épousant tous les styles avant de les renier. Si son retour à l'ordre déconcerta les partisans d'un art nouveau, d'autres comme Giacometti ont exprimé leur admiration et leur compréhension devant cette quête fondamentale avec ses incertitudes, ses retours en arrière et aussi ses découragements.
        L'artiste laisse à la postérité, une oeuvre exigeante et honnête, pleine d'interrogations mais aussi de réussites, accomplie par un homme qui, tout en semblant vivre dans son époque, vivait avec l'Histoire, et auquel Modigliani rendit un jour ce juste hommage en lui accordant le titre mérité de "fabriquant de chefs d'oeuvre".



        
         "Derain ne voulait peut-être que fixer un peu l'apparence des choses, l'apparence merveilleuse, attrayante et inconnue de tout ce qui l'entourait. Derain est le peintre qui me passionne le plus, qui m'a le plus apporté et le plus appris depuis Cézanne, il est pour moi le plus audacieux".

                                                                
                                                                      Alberto Giacometti 



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     "Quand j'y entrai, un peu d'émotion de plus m'aurait fait trouver mal et fondre en larmes".
                       Stendhal   Journal- 8 Septembre 1811

     

      

       Certainement le théâtre lyrique le plus célèbre au monde, la Scala de Milan est en fait le troisième opéra que connut la ville. Le premier, Il Salone Margherita, la "salle Marguerite", ainsi baptisé en l'honneur de Marguerite d'Autriche (1522-1586), duchesse de Parme et de Plaisance, n'était qu'un simple bâtiment en bois construit dans les jardins du Palais Ducal, le Palazzo Ducale plus tard Palazzo Reale.
        Sous ses allures modestes, le lieu subventionné par les riches aristocrates de la ville fut cependant d'une extrême importance, car il permit la diffusion de l'opéra alors importé de Venise, et cela d'autant plus largement que l'entrée y était totalement libre.

        Détruit en 1695 par un incendie, le bâtiment fut alors reconstruit en pierre, constituant une aile du Palazzo Reale, et prit cette fois le nom de Teatro Regio Ducale.
        L'anglais Charles Burney, grand voyageur, en donne cette description:
    "Le théâtre est immense et tout à fait splendide... Avec 5 étages de loges, et 100 loges à chaque étage, chacune d'elles accueillant 6 personnes qui sont assises en vis à vis le long des parois latérales. Une large galerie court derrière ces loges, face auxquelles leurs propriétaire jouissent également d'une pièce privée avec une cheminée et toutes facilités pour cuisiner, se restaurer, se rafraichir ou jouer aux cartes. Aux deux extrémités du quatrième étage il y a une table de jeu de "faro" que l'on utilise pendant les représentations".
        Une description qui illustre admirablement bien ce que pouvait être une soirée à l'Opéra aux siècles passés... le spectacle n'étant  finalement qu'un simple prétexte à une réunion mondaine...
        Les fameuses loges, les "palchi", ainsi que la pièce qui complétait l'ensemble, étaient entièrement privées, richement décorées et meublées par leurs propriétaires et, alors que le spectacle ne commençait pas le plus souvent avant minuit, ceux-ci arrivaient au théâtre vers six heures du soir avec leurs domestiques qui se mettaient en devoir de préparer le dîner...

        Après une de ces soirées mémorables donnée à l'occasion du Carnaval, le 25 Février 1776, les lieux furent ravagés par un violent incendie et le bâtiment qui ne résista pas aux flammes fut entièrement détruit. 
        Un groupe de 90 riches milanais, propriétaires de "palchi", écrivirent alors à l'archiduc Ferdinand d'Autriche afin de lui réclamer la construction d'un nouveau théâtre, et le projet fut attribué à l'architecte néo-classique Giuseppe Piermarini (1734-1808).

     

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    Projet de Giuseppe Piermarini pour le Teatro alla Scala 


      

        Très impatiemment attendue, l'inauguration de l'édifice édifié en deux ans eut lieu le 3 Août 1778 en présence de l'archiduc, une soirée qui fit date dans le calendrier des festivités mondaines, avec au programme du fastueux gala Europa Riconosciuta, l'opéra d'Antonio Salieri, accompagné de deux ballets dont Apollo Placato de Giuseppe Canzani.

        La construction du nouveau théâtre avait été financée par les propriétaires des "palchi", qui en échange de leur participation redevenaient possesseurs des loges ainsi que du terrain sur lequel avait été bâti l'édifice, à savoir, l'ancien emplacement de l'église Santa Maria della Scala, élevée en 1381 par Beatrice Regina della Scala, membre d'une dynastie qui gouverna la cité de Verone de 1262 à 1387.

     

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    L'église Santa Maria della Scala

     


        L'église qui occupait un site idéalement central fut effectivement détruite afin de laisser place au théâtre, mais le nom de la famille della Scala subsista et devint celui de la place et du nouvel Opéra (Piazza della Scala, Teatro alla Scala).

     

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    Armoiries parlantes de la famille della Scala : "De gueule à une échelle d'argent posée en pal".

      

        Le théâtre disposait alors de 3000 places réparties sur 6 étages, et devint rapidement le lieu le plus huppé de Milan, où toute l'Europe mondaine venait assister aux représentations, impressionnant au plus haut point les visiteurs étrangers de l'époque dont Stendhal.
        Lorsque le 2 Septembre 1816 ce dernier qui est alors en poste à Berlin apprend qu'il lui est accordé un congé de quatre mois, il est fou de joie à l'idée qu'il va pouvoir parcourir à nouveau l'Italie. Vingt jours plus tard il arrive à Milan et court immédiatement à la Scala où il se rendra presque chaque soir, car c'est pour lui le premier théâtre du monde où les habitudes surprennent le français qu'il est.
        Il décrit largement dans son Journal les prix des abonnements et l'organisation de ces soirées très conviviales durant lesquelles l'on s'invite et l'on se reçoit de loge en loge et dans lesquelles finalement les discussions tiennent plus de place que la musique...
        "A Paris je ne connais rien de comparable à cette loge où chaque soir, l'on voit aborder successivement 15 ou 20 hommes distingués, et l'on écoute la musique quand la conversation cesses d'intéresser... Si je ne pars pas d'ici dans trois jours je ne ferai pas mon voyage en Italie, non pas que je sois retenu par une aventure galante, mais je commence à avoir quatre ou cinq loges où je suis reçu comme si l'on m'y voyait depuis dix ans", et il écrira plus tard:
        "Ce célèbre théâtre milanais a eu une grande influence sur mon caractère. Si jamais je m'amuse à décrire comme quoi celui-ci a été formé par les évènements de ma jeunesse, le théâtre de la Scala sera au premier rang".
        (Nombre de scènes romantiques dans l'oeuvre de Stendhal se déroulent en effet dans les loges de l'Opéra milanais où ses héros se font l'écho de la violence des émotions portées par la musique).

     

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    La Scala au XIXème siècle, dont la décoration à l'époque était bleu et or

     

         Toujours aussi richement ornés par leurs propriétaires, les "palchi" étaient effectivement au centre de cette vie sociale, surplombant "la platea", le parterre qui, à l'époque, servait de salle de bal et ne comportait aucuns sièges que les domestiques allaient chercher ensuite, avant le spectacle, dans le vestiaire où ils étaient rangés et installaient derrière les musiciens, la fosse d'orchestre, il golfo mistico, n'existant pas encore (Si le programme comprenait une bataille navale "la platea" était par contre remplie d'eau). Quand aux tables de jeu, celles-ci n'avaient pas été oubliées, le théâtre servant toujours de Casino, et elles étaient installées en bonne place dans les Foyers où se réunissaient les riches parieurs.
        Située au dessus des loges, la galerie supérieure, "il loggione", était réservée aux spectateurs les moins fortunés et attirait de vrais aficionados de l'art lyrique qui s'y entassaient et savaient se montrer, par leurs réactions, aussi enthousiastes que sans pitié envers les chanteurs... Une coutume qui n'a rien perdu de sa vigueur avec le temps car "Il loggione" est encore considéré aujourd'hui dans les esprits comme le baptême du feu dans le monde de l'opéra, certains fiascos restant gravés dans les esprits...

       (L'un des plus récents survint en 2006 lorsque le ténor Roberto Alagna fut hué et forcé à quitter la scène pendant une représentation d'Aïda, obligeant sa doublure, Antonello Palombi à le remplacer au pied levé en jean et tee-shirt sans avoir eu le temps de changer de costume). 

     

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    Le Teatro alla Scala au XIXème siècle

     

         L'aspect extérieur très simple du théâtre (s'ornant en façade d'un long porche où s'arrêtaient à l'abri les véhicules pour que les chaussures et les robes des dames ne soient pas salies ou mouillées) contraste encore aujourd'hui avec la splendeur de la grande salle dont le raffinement du sobre plafond gris à motifs géométriques fait ressortir encore davantage le superbe lustre en cristal soufflé réalisé par les artisans de Venise (La coupole qui l'applique au plafond abrite la "poursuite", le projecteur qui suit sur scène les évolutions des artistes, ainsi que le technicien qui le manoeuvre, un détail qui donne une idée des dimensions de l'ensemble).

     

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         Le 7 Décembre de chaque année, jour de la St. Ambroise patron de la ville de Milan, s'ouvre traditionnellement la saison de la Scala qui présida au fil des années à l'évolution de l'Opéra italien; et c'est l'un des plus grands Maitres du genre, Giuseppe Verdi, qui en y donnant ses premières grandes oeuvres permit à la salle d'acquérir son prestige actuel.

        Nabucco, qu'il y présenta le 9 Mars 1842 eut un retentissement tout à fait particulier avec son "choeur des esclaves" qui, symbolisant la libération de toutes les occupations, devint aussitôt dans l'Italie entière alors sous domination autrichienne, le chant de la liberté:
        A l'occasion d'une visite à Milan l'empereur François Joseph et l'impératrice Elisabeth, devront faire face à l'hostilité générale lors de la soirée donnée en leur honneur à la Scala lorsque, après les premières notes de l'hymne officiel, l'orchestre attaque le "choeur des esclaves" dont l'assemblée reprend les paroles... Et les clameurs de "Viva Verdi"! que scanderons la foule sur leur passage et qui fleurissent sur les murs cachent en fait un message qui n'a rien de musical: Vittorio Emanuele Re D'Italia...

     

     Extrait du film d'Ernst Marischka  Sissi face à son destin (1957), avec Romy Schneider et Karlheinz Böhm. (Comme on le constate sur le montage vidéo, où apparait même un drapeau écossais, le "choeur des esclaves" est encore aujourd'hui le chant de ralliement des minorités qui se sentent opprimées)

     

        Le théâtre de la Scala fut bombardé pendant la seconde guerre mondiale dans la nuit du 15 au 16 Août 1943, subissant de très graves dommages qui nécessitèrent sa reconstruction, et l'opération effectuée à la hâte n'ayant pas permis de retrouver les matériaux identiques à ceux d'origine, les nouveaux composants, le béton en particulier, modifièrent légèrement l'accoustique de la salle qui rouvrit le 11 Mai 1946 avec un mémorable concert d'Arturo Toscanini, un "scaligero" célèbre (La famille della Scala est appelée également en italien "famiglia scaligera", et "scaligero" est le titre symbolique que portent tous les chefs d'orchestre de l'Opéra de Milan, titre que Toscanini légua à son successeur Herbert Von Karajan).

     

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        Traditionnellement dédié à l'Opéra, la Scala fut également un lieu majeur de l'art chorégraphique et l'histoire illustre de sa compagnie résidente, née officiellement en 1778 avec la création du théâtre, remonte en fait à celle du ballet lui-même lequel prit un large essor en Italie dans les Cours de la Renaissance, dont faisait partie le splendide palais de la famille Sforza à Milan où le chorégraphe Gasparo Angiolini (1731-1803) amena le premier noyau de danseurs.
        La troupe connut un développement notable sous la direction de Salvatore Vigano (1769-1821) qui expérimenta son interprétation personnelle du ballet d'action qu'il appelait "choréodrame" avec Il noce di Benvenuto (1812) ou La Vestale (1818) des oeuvres qui eurent une influence importante sur des créateurs comme Gaetano Gioja ou des danseurs comme Carlo Blasis dont le nom est lié aux gloires de l'école de la Scala fondée en 1813 par l'impresario Benedetto Ricci.

     

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    Carlo Blasis (1795-1878)


        L'enseignement s'y étalait sur une période de huit années et les cours étaient accompagnés par un violoniste. Carlo Blasis y eut pour élèves les étoiles de la première moitié du XIXème siècle, de Carlotta Grisi à Fanny Cerrito et de Lucile Grahan à Amelia Boschetti: Des danseuses renommées pour leur virtuosité et leur maitrise technique qui toutes contribuèrent à la gloire du ballet à travers l'Europe, créatrices des chefs d'oeuvres de Petipa et Tchaïkovski: Carlotta Brianza fut la première Princesse Aurore de La Belle au Bois Dormant (1890- St. Petersbourg) et Pierina Legnani la première Odette/Odile du Lac des Cygnes (1895- St Petersbourg). La dernière représentante de cette école milanaise du XIXème siècle, qui fournit des ballerines à la plupart des Opéras, fut Carlotta Zambelli, élève d'Enrico Cecchetti lui-même directeur de 1926 jusqu'à sa mort en 1928 et dont la pédagogie répandit la technique italienne dans le monde entier.

        Après une interruption en 1917 causée par la Première Guerre Mondiale, l'école rouvrit en 1921 grâce à Arturo Toscanini, et c'est la célèbre danseuse russe Olga Preobrajenska qui en prit alors la direction. Sur les traces de leurs prédécesseurs de grands danseurs ont continué d'éclore, contribuant à la réputation de la compagnie où s'illustrèrent à leur tour Carla Fracci, Paolo Borotluzzi, Luciana Savignano, et plus près de nous Alessandra Ferrari, Marta Romagna, Massimo Murru ou Roberto Bolle. 

     

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     Marta Romagna et Roberto Bolle    Roméo et Juliette  Acte II


       L'oeuvre la plus mémorable inscrite au répertoire de la Scala, et celle qui a très certainement le plus marqué son histoire, est sans aucun doute Excelsior, le plus célèbre des ballets à grand spectacle de Luigi Manzotti (1835-1905), régulièrement programmé à la demande du public:

        Représenté pour la première fois à la Scala le 11 Janvier 1881, celui-ci fait partie d'une trilogie avec Amor (1886) et Sport (1897) et défend les idéaux de la nouvelle bourgeoisie industrielle italienne de l'époque qui aspirait alors à l'unité du pays. Composé à la gloire des découvertes scientifiques et des avancées technologiques sur une musique de Romualdo Marenco, le ballet obtint un succès international et fut présenté en 1900 à Paris lors de l'inauguration de l'exposition universelle.

     

    Présentation d'Excelsior à la Scala de Milan et à l'exposition universelle de Paris en Avril 1900. 

        

        Le théâtre qui ne cesse de se moderniser a subi des rénovations importantes de 2002 à 2004, avec en particulier l'addition de nouveaux édifices accolés à l'arrière de la vieille Scala et dessinés par Mario Botta:
        "On ne reconnait plus la vieille Scala" se plaignent certains milanais, et les travaux diversement accueillis furent très controversés par les amoureux du passé.

     

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    La Piazza della Scala avec au centre la statue de Léonard de Vinci et à l'arrière le Teatro alla Scala et ses nouveaux bâtiments.

     

         La réouverture eut lieu le 7 Décembre 2004, avec au programme le même opéra de Saliéri que le jour de l'inauguration quelques 226 ans auparavant...

         L'Opéra de Milan est aujourd'hui fin prêt à affronter les défis du XXIème siècle et si les livrets électroniques ont maintenant investi les lieux, le vent de la modernité n'en a certes pas chassé Verdi, Toscanini, La Callas ou encore Pierina Legnani, dont on ressent toujours avec la même émotion la présence autour de cette scène qu'ils ont auréolée de gloire, et qui figure au palmarés des plus prestigieux théâtres lyriques.
     

    Excelsior  Musique de Romualdo Marenco, chorégraphie d'Ugo dell'Ara d'après Luigi Manzotti avec Marta Romagna, Riccardo Massimi, Isabel Seabra, Roberto Bolle et le corps de ballet du théâtre de la Scala.

     


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    "La plupart des hommes ont un moment dans leur vie où ils peuvent faire de grandes choses, c'est celui où rien ne leur semble impossible".
                                                                         Stendhal
                                                                         

     

         Il avait l'esprit d'Oscar Wilde et le charme de Cecil Beaton, et alors que rien ne prédisposait à un pareil avenir ce fils de diplomate, c'est de cette empreinte originale qu'il signa les plus célèbres ballets britanniques du XXème siècle.
        Frederick William Mallandain Ashton naquit à Guayaquil (Equateur) le 17 Septembre 1904, et passa son enfance au Pérou où son père avait été nommé consul. Un horizon en tous points très éloigné du monde de la danse jusqu'à ce que celle-ci l'atteigne en la personne d'Anna Pavlova venue en tournée à Lima... Frederick qui n'a que 13 ans et qui découvre cet univers est subjugué, et dira encore bien des années plus tard:

        "Elle m'a inoculé son poison... c'en était fini de moi..."

     

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    Anna Pavlova (1881-1931) 


        Il décida en effet ce jour qu'il deviendrait danseur... Mais pas n'importe lequel:

    "le plus grand danseur du monde"...


        Sa famille est farouchement opposée à ce projet, et il n'existe de toutes façons à l'époque aucune école de danse classique en Amérique du Sud : Aussi déterminé qu'il le soit le jeune Frederick se verra donc condamné à attendre...

        Pensionnaire d'un collège anglais (Dover College) où il passe trois malheureuses années de 1919 à 1922, il trouve à sa sortie un emploi de traducteur qui ne le satisfait guère davantage...
        Cependant il est maintenant à Londres où, consacrant ses loisirs à des spectacles de danse (Il découvre en 1921 Isadora Duncan), il va suivre tous les Samedi après midi, à partir de 1924, les cours de Léonide Massine (1896-1979):
        Il a 20 ans lorsqu'il assiste à sa première classe et ce sera pour lui une véritable chance d'avoir comme professeur cet élève de Cecchetti (1850-1928) dont la méthode basée sur la puissance musculaire ne transformera pas en affectation son physique délicat et son extrême souplesse (Lorsqu'il se vit confier plus tard des rôles principaux, Frederick Ashton déplorant souvent son manque de force fut littéralement enchanté par cette remarque que lui fit un jour le père d'un ami: "votre danse est délicatement teintée de force...").

        Lorsque Fokine quitte Londres deux ans plus tard, il confie son élève à Marie Rambert (1888-1928, elle aussi élève de Cecchetti), un choix décisif pour la carrière de cet apprenti danseur car c'est elle qui va déceler ses talents de chorégraphe; et aux côtés de cette femme extrêmement cultivée celui-ci va acquérir une éducation complète dans le domaine artistique dont il fera plus tard le fondement de son travail.
        S'immergeant totalement dans la musique, la littérature et les arts visuels, Frederick Ashton s'attachera toujours en effet à cet exercice de recherches préliminaires qu'il appelait avec humour "faire ses devoirs":

        " Quiconque projetant de concevoir un ballet devrait d'abord s'imprégner totalement de l'esprit de la période et de l'endroit qu'il souhaite mettre en scène, afin que le style coule naturellement et inconsciemment dans son oeuvre guidée par la musique, évitant ainsi les exagérations qui conduisent à de fausses interprétations. Il a alors complète liberté pour s'inspirer de toutes les sources qui se présentent, que ce soit une peinture de Brueghel ou une comédie musicale de province" dira-t-il en 1930 dans une interview au Dancing Times.

     

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    Frederick Ashton et Marie Rambert dans A Tragedy of Fashion  Première chorégraphie de Frederick Ashton  Musique d'Eugène Goossens.

     

        Marie Rambert lui confie sa première chorégraphie en 1926, A Tragedy of Fashion, l'histoire d'un couturier désespéré qui se suicide avec une paire de ciseaux après l'échec de sa collection; et en 1928, alors qu'il est engagé à Paris comme danseur par la compagnie d'Ida Rubinstein (1885-1960), c'est une autre rencontre qui marquera cette fois sa carrière: celle de Bronislava Nijinska (1891-1972, la soeur de Vaslav Nijinski) auprès de laquelle, dira-t-il, il a appris son art par l'observation:

        "Ce dont a besoin un chorégraphe, c'est un oeil. Il doit faire son apprentissage à travers son oeil et en cela Nijinska m'a énormément aidé. Lorsque j'étais avec Rubinstein, j'assistais à toutes ses répétitions pour la voir travailler, assis dans un coin toute la journée, simplement pour la regarder. J'étais complètement fasciné par sa personnalité, ainsi que par sa façon de parler et de régler les problèmes".

        Lorsqu'il regagne Londres en 1929, Frederick Ashton poursuit alors avec succès jusqu'en 1935 une carrière d'interprète avec le Ballet Rambert (à l'époque le Ballet Club) sur la petite scène du Mercury Theatre où il a entre autres comme partenaires Tamara Karsavina (1885-1978), Lydia Lopokova (1892-1981) et Alicia Markova (1910-2004).

     

    L'Art et la danse

    Frederick Ashton et Pearl Argyle (2ème couple à droite) et les danseurs du Ballet Club.


       Et toujours attaché à son activité de chorégraphe, il crée en 1930 pour la compagnie Capriol Suite, un ballet très remarqué par Anna Pavlova qui souhaite alors une de ses oeuvres pour ses danseurs... Mais la prestigieuse association ne verra pas le jour car la célèbre créatrice de La Mort du Cygne décède l'année suivante.

     

    L'Art et la danse

    Frederick Ashton (extrême droite) fait répéter les danseurs du Ballet Club


        C'est une autre collaboration par contre qui va s'initier cette même année avec Ninette de Valois (1898-2001) et son Vic-Wells Ballet pour lequel Frederick Ashton conçoit Regatta. Quatre ans plus tard celui-ci quittera en effet le Ballet Rambert et devient alors le chorégraphe attitré du Vic-Wells Ballet qui compte parmi ses membres une jeune ballerine de 15 ans: Margot Fonteyn, dont le style lyrique convient idéalement à ses créations, et il en fait immédiatement sa Muse imaginant pour elle son premier grand rôle dans Le Baiser de la Fée (1935), puis La Femme en Robe de Bal l'année suivante, et la mettra en scène dès lors dans la plupart de ses oeuvres: Nocturne (1936), A Wedding Bouquet (1937) ou encore Horoscope (1937) (il dansera même à ses côtés dans Les Sylphides).

        La guerre qui éclate en 1939 va interrompre un temps la carrière artistique de Frederick Ashton qui choisit alors de s'engager dans la Royal Air Force où il sert son pays jusqu'en 1945.
        A son retour il retrouve la compagnie de Ninette de Valois (devenue le Sadler's Wells Ballet promu compagnie résidente du Royal Opera House) et monte en 1946 La Belle au Bois Dormant de Petipa où il apparait dans le rôle de Carabosse, puis présente son tout nouveau ballet Symphonic Variation, un immense succès qui lui ouvre définitivement cette fois les portes de la célébrité.

        Ses premières chorégraphies, empreintes de légèreté, reflètent l'insouciance du milieu qu'il fréquentait à l'époque, mais après la mort de sa mère (1939) et l'épreuve de la guerre, son oeuvre va acquérir une nouvelle profondeur et trouve sa maturité.
        En 1948 il donne sa version du Cendrillon de Prokofiev dans laquelle, mettant en évidence ses talents de mime et de comédien, il interprète magistralement en travesti le rôle de l'une des deux méchantes soeurs.

     

    L'Art et la danse

    Frederick Ashton dans Cendrillon

     

        Puis à la suite d'un rêve où, selon la légende, Léo Delibes lui serait apparu lui demandant de remonter son ballet précédemment mal accueilli par le public, il crée Sylvia (1952) où en simplifiant l'intrigue à l'origine très compliquée il met une nouvelle fois en valeur le talent de Margot Fonteyn pour qui il va créer en 1958 Ondine

        Succédant à Ninette de Valois, Ashton dirige alors le Royal Ballet de 1963 à 1970, l' "Age d'or", qui verra la naissance de Marguerite et Armand (inspiré du roman d'Alexandre Dumas, La Dame au Camélia), un ballet où brille le couple mythique Fonteyn-Noureyev et dans lequel il démontre si besoin était qu'il est le maitre du Pas de deux avec des compositions d'une grande rigueur technique et d'une rare musicalité.

     

    Marguerite et Armand  chorégraphie de Frederick Ashton, musique de Frantz Litz Interprété par Margot Fonteyn et Rudolf Noureyev.  Interview de Frederick Ashton et de ses danseurs.


        Suivront ensuite entre autres The Dream  (1964-Inspiré du Songe d'Une Nuit d'Eté de Shakespeare) ou encore Enigma Variations (1968), et le directeur du Royal Ballet prendra officiellement sa retraite lors d'un gala donné en son honneur le 24 Juillet 1970.

        Bien qu'il ait annoncé depuis longtemps qu'il quitterait son poste à 65 ans, l'évènement surprit l'entourage et fut assez mal vécu par tous. Selon le danseur Derek Rencher qui créa beaucoup de ses rôles:

        "Sir Fred était quelqu'un qui chaque fois que le public nous rappelait disait Non! Non!, mais en même temps vous tendait la main pour que vous le reconduisiez sur scène... Et je suis absolument certain qu'il s'attendait à ce qu'on lui demande de rester",  ce même Rencher ajoutera en parlant du Royal Ballet après son départ:

        "Nous étions un peu comme un poulet à qui on aurait coupé la tête".

        Ashton lui même se sentit "sur la touche", persuadé qu'il était davantage apprécié aux Etats Unis qu'en Grande Bretagne, mais continua de collaborer avec le Royal Ballet jusqu'à la fin de sa vie. Il donne en 1976 A Month in the Country, puis compose à l'occasion pour des danseurs particuliers ou des évènements spéciaux:
        Verdi Caprici pour l'ouverture de la saison du Royal Ballet au Metropolitan Opera de New York,
        Rhapsody pour Mikhaïl Baryshnikov à l'occasion des 80 ans de la Reine Mère (dont il était très proche, régulièrement invité aux pique-niques à Sandringham),
        ou encore , pour le gala des 60 ans de la reine Elizabeth II en 1988, Nursery Suite qui sera sa dernière oeuvre puisqu'il décède en effet dans son sommeil le 19 Août de la même année, à Eye (Suffolk) dans sa propriété de Chandos Lodge.

        Qualifié de "génie chorégraphique" par Monica Mason, directrice du Royal Ballet, Frederick Ashton est à l'origine de ce "style anglais" où dominent le charme et la musicalité instinctive, combinant la sophistication des modèles russes et français mais ne craignant pas à l'occasion de dédaigner avec cet humour très britannique la haute esthétique: en témoigne le clin d'oeil jubilatoire qu'est la merveilleuse danse des poulets dans La Fille Mal Gardée (I959)...

     

     
    La Fille Mal Gardée  Acte I  (La danse des Poulets)   Chorégraphie de Frederick Ashton  Musique de Ferdinand Hérold    Interprété par le Royal Ballet

      

       "Ashton chorégraphie comme Haydn composait: il prend un motif, ajoute, joue avec, change sa dynamique, l'oppose à son contraire, le retourne, l'étend et le transforme" peut on lire dans une édition du New York Times (Notes on the Fred Step-2004).
        Une chorégraphie marquée par l'empreinte des trois femmes qui ont influencé sa carrière:
        Pavlova d'abord, qui lui légua son amour passionné de la technique classique,
        Nijinska ensuite, avec un style où le haut du corps, tête, épaules, bras et mains sont plus articulés,
        et Isadora Duncan pour qui la simplicité était primordiale. 
     

      

    Ondine   Chorégraphie de Frederick Ashton  Musique de Hans Werner Henze Interprété par Miyako Yoshida et Edward Watson 

     

        L'évocation des chorégraphies de Fréderik Ashton ne serait pas complète sans la mention d'un détail original mais peut-être moins largement connu: Le "Fred Step"... Un pas qu'il trouvait toujours moyen d'inclure dans ses ballets, comme une signature porte bonheur en hommage à celle qu'il n'avait jamais oubliée, Anna Pavlova, qui l'exécutait dans une Gavotte. Michael Somes déclara:
        "Même lorsqu'une nouvelle oeuvre était terminée, il fallait qu'il trouve une place pour son pas de signature..."
        Ashton appelait son pas "Le Pavlova", un enchainement devenu aujourd'hui le "Fred Step":

    Posé arabesque - coupé dessous - petit développé à la seconde - pas de bourrée dessous - saut de chat.

        Le pas est rarement exécuté par les premiers rôles, mais au contraire le plus souvent "caché", dévolu à un second rôle ou un membre du corps de ballet. Mais il est facilement reconnaissable à l'Acte I de Cendrillon où le Maitre à danser l'enseigne à l'une des méchantes soeurs tandis que Cendrillon essaie de le copier, ainsi que dans La Fille Mal Gardée où les paysans l'exécutent à la scène 1 de l'Acte I, et le reprennent à la scène 2.

     

    Ursula Hageli, maitresse de ballet au Royal Ballet, explique le "Fred Step" à Romany Pajdak, première danseuse.


        Parmi les quelques 110 ballets créés par Frederick Ashton, 30 sont encore inscrits au répertoire du Royal Ballet, des oeuvres sur lesquelles s'est construite grâce à lui l'une des plus importantes compagnies au monde. Le chorégraphe ne borna pas là cependant ses activités, travaillant également pour les Ballets Russes de Monte Carlo, le New York City Ballet, les Ballets de Paris de Roland Petit, l'English National Ballet et le Ballet Royal Danois et créant avec un égal succès pour le music-hall, l'opéra et le cinéma.
          (L'un de ses derniers film pour lequel il élabora en 1971 à la demande de Reginald Mills la totalité des chorégraphies et dans lequel apparaissent sur une musique de John Lanchbery les personnages des contes de Beatrix PotterThe Tales of Beatrix Potter, reçut du public un accueil des plus chaleureux).

     

    The Tales of Beatrix Potter   Frederick Ashton interprète lui-même le rôle de Mrs Tiggy-Winkle, la blanchisseuse. Musique de John Lanchbery.

     

        Mais qui était cet homme qui, grâce à sa détermination farouche, réussit à vaincre les obstacles et se hissa aux plus hauts sommets d'une carrière couronnée par les plus prestigieuses distinctions? (La reine lui accorde en 1962 le titre envié de "Sir", la France lui décerne la même année la Légion d'honneur, et la liste ne s'arrête pas là...)

     

    L'Art et la danse

     

         Si l'on en croit l'une de ses biographes, Julie Kavannagh (Ashton, Secret Muses 1996):

        "Fred n'était pas un homme heureux, mais le chagrin a sa beauté: et de là sont nés ses ballets".

        ... des accents de lyrisme qui évoquent les plus illustres noms des siècles passés et inscrivent sans aucun doute le chorégraphe au panthéon des poètes éternels...

     

        "Les plus désespérés sont les chants les plus beaux
         Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots"
                                        Musset (1810-1857)- La Nuit de Mai (1835) 
       
         


     Marguerite et Armand   Chorégraphie de Frederick Ashton  Musique de Frantz Litz   Interprété par Margot Fonteyn et Rudolf Noureyev
     


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    Diana Vishneva (Zobeïde)

     

     

    "Le vigilant derviche à la prière appelle
    Du haut des minarets teints des feux du couchant
    Voici l'heure au lion qui poursuit la gazelle
    Une rose au jardin moi je m'en vais cherchant..."
                                            Chateaubriand (1768-1848) - L'Esclave. 

                                                 

         Après "l'itinéraire" pionnier de Chateaubriand et l'Orient hérité des Romantiques, le médecin poète Joseph-Charles Mardrus (1868-1949) donne au tournant du siècle une traduction nouvelle des Contes des Mille et Une Nuits qu'il dédie à Stéphane Mallarmé faisant reparaitre, quelques deux cents ans après la première version française d'Antoine Galland (1646-1715), l'histoire immortelle du sultan Shahryar qui, après avoir été trompé par sa première femme, épouse chaque soir une jeune vierge qu'il fait tuer au matin de la nuit de noces pour se venger...

        Un début de récit barbare qui doit en fait son succès au personnage de Shéhérazade, la fille du Grand Vizir, qui, afin de faire cesser ce massacre, imagine un stratagème: Elle raconte chaque nuit à son époux une aventure captivante dont la suite est reportée au lendemain, et celui-ci ne pouvant se résoudre alors à la faire mourir repousse sans cesse l'exécution jusqu'au jour où après mille et un récits, celle-ci lui déclare qu'elle n'en connait pas d'autres. Mais l'admirable conteuse a peu à peu gagné la confiance de son mari et ce dernier, qui a reconnu au fil du temps ses qualités de coeur et d'esprit, renonce à la faire exécuter et la garde auprès de lui.

       Beaucoup plus fidèle au texte original que son prédécesseur, l'ouvrage de Mardrus parait à Paris en 16 volumes de 1899 à 1904 et fait grand bruit par son érotisme débordant (la Mère de Marcel Proust lui conseillera de s'en tenir à la traduction de Galland), réveillant aussitôt une nouvelle vague d'orientalisme; et le 5 Mars 1899 Camille Chevillard dirige aux Concerts Lamoureux la première audition parisienne de Shéhérazade, poème symphonique de Rimsky-Korsakov (1844-1908), écrit en 1888.
        Le compositeur n'a retenu en fait que quelques épisodes isolés de l'oeuvre littéraire, et dans son "Journal de ma Vie Musicale" il analyse ainsi la genèse de sa partition:
        "Le programme qui me guida pour la composition de Shéhérazade consistait en épisodes séparés des Mille et Une Nuits sans aucun liens entre eux: La mer et le vaisseau de Sinbad, le récit fantastique du prince Kalender, le fils et la fille du roi, la fête à Bagdad et les vaisseaux se brisant sur un rocher. En composant je ne voulais par ces indications qu'orienter quelque peu la fantaisie de l'auditeur du côté où s'était dirigée ma propre fantaisie. Et si ma Suite porte le nom de Shéhérazade c'est seulement parce que ce nom et les Mille et Une Nuits évoquent pour chacun l'Orient et ses contes merveilleux".


    L'Art et la danse

    Portrait de Rimsky-Korsakov par Valentin Serov (1865-1911) 


        Dix ans plus tard vient se superposer le spectacle féérique des Ballets Russes, et le 4 Juin 1910, pour le public parisien habitué aux tons pastels des costumes et des décors ainsi qu'à la chorégraphique romantique, les couleurs éclatantes et la sensualité exotique de Shéhérazade seront un véritable choc.
        Bien qu'annoncé dans les programmes comme "drame chorégraphique en un Acte de Léon Bakst et Michel Fokine", le livret fut conçu en fait par le peintre Alexandre Benois et les programmes des représentations de l'époque résument ainsi l'argument:


        " Quand se lève le rideau, le shah est dans son harem, persuadé par son frère que ses femmes le trompent en son absence. Ils feignent de partir tous les deux pour la chasse, et sitôt qu'ils ont disparu le grand eunnuque est gentiment sollicité par la sultane Zobeïde et les odalisques qui souhaitent voir s'ouvrir les portes qui les séparent du monde.


    Shéhérazade - Chorégraphie de Mikhaïl Fokine, interprétée par Uliana Lopatkiva et Faruk Ruzimatov et le corps de ballet du Mariinski. Décors et costumes réalisés d'après les dessin originaux de Léon Bakst.

     

     Une porte de bronze livre passage à des esclaves aux vêtements cuivrés, puis une porte d'argent laisse entrer d'autres esclaves vêtus d'argent, et enfin s'ouvre une porte d'or d'où sort un esclave vêtu d'or et dont la sultane est éprise.


     

    Au milieu de l'orgie réapparait le shah, et à son signal toutes les coupables sont massacrées. Un instant attendri par les prières de son épouse infidèle Shariar est prêt à lui pardonner, mais il se laisse convaincre par son frère de sa perfidie et redevient intraitable, cependant plutôt que de subir le châtiment humiliant de ses consoeurs Zobéïde se poignarde et meurt dans les bras du souverain".

     


        On reconnait là bien évidemment, résumé à grands traits, le tout début des Milles et Une Nuits, et plus particulièrement l'épisode qui, décidant le sultan Shahriar à mettre désormais à mort chacune de ses maitresses, prépare l'apparition du cycle de contes. Selon Alexandre Benois, ce cruel et voluptueux épisode des Mille et Une Nuits s'était imposé à lui dès la première audition du poème symphonique de Rimsky-Korsakov, et il précise que le ballet utilise une compilation des trois dernières parties musicales, la première étant jouée en Ouverture.

        Laissant dans l'ombre de larges passages de l'oeuvre originale du compositeur, le ballet n'alla pas sans soulever le mécontentement de sa veuve à qui le directeur des Ballets Russes répondit par une lettre ouverte dans un quotidien de Saint Petersbourg en expliquant que sa compagnie n'avait pas pour vocation d'illustrer respectueusement les oeuvres des musiciens disparus:
        " Défendre les droits des auteurs ne devrait pas signifier s'élever contre tout phénomène artistique les concernant, quand la nouveauté de l'idée et la hardiesse de l'exécution sont les seuls reproches qu'on puisse faire à ces phénomènes". (Il faut cependant ajouter de plus que Rimsky-Korsakov ne voulait pas que l'on crée une chorégraphie sur sa musique, et que Diaghilev attendit sa mort pour passer outre...)

        Le public, lui, n'eut que faire de ce genre de querelles, totalement séduit par le spectacle...
         "Lorsque le rideau de l'Opéra de Paris se leva pour la première fois sur les décors et les costumes de Bakst, ce fut un saisissement dans la salle devant cette vision de harem étouffé de vastes tentures, de coussins, de tapis, éclairé de lourdes lampes de métal. Avec Shéhérazade nous ne voyions pas seulement l'Orient, nous le respirions" déclara Jean Louis Vaudoyer, collaborateur des Ballets Russes. Quand à Alexandre Benois, il admira sans réserve le travail de Bakst:
        "La tonalité vert émeraude des tapis, des tentures et du trône, le bleu de la nuit qui coule à flots par les fenêtres grillagées ouvrant sur le jardin du harem, les monceaux de coussins brodés, les danseuses demi-nues divertissant le sultan de leurs gestes souples et rythmés, jamais je n'avais vu sur scène une symphonie de couleurs aussi magnifiquement orchestrée".


    L'Art et la danse

    Décors de Léon Bakst pour Shéhérazade 


        Le décorateur de Shéhérazade utilise d'ailleurs lui-même cette notion d' "orchestration des couleurs" lorsqu'il commente son travail:
        "Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, j'ai juxtaposé un bleu désepéré et un vert plein de tristesse. Il y a des rouges triomphants et des rouges accablants. Il y a des bleus qui évoquent sainte Madeleine et d'autres Messaline. Le peintre qui sait utiliser ces connaissances est pareil à un chef d'orchestre qui, d'un mouvement de sa baguette peut faire surgir tout un univers et obtenir des milliers de sons sans commettre d'erreurs".

        La somptuosité  des costumes et leur raffinement fut également l'un des éléments essentiels du succès du ballet, utilisant avec élégance et fantaisie soies, mousseline, velours, plumes, cuir, fourrures et brocards rebrodés d'or et d'argent et semés de perles et de pierres jetées à profusion.
        Certaines des nombreuses esquisses montrent clairement que le peintre s'inspira de miniatures persanes, réinterprétées avec une audace sensuelle qui subjugua le public parisien habitué à s'émouvoir des sages effets de tutu.

     

    L'Art et la danse

    Costume de Léon Bakst pour une Odalisque 

     

         Dans une lettre à sa femme, Bakst lui rapporte comment l'essayage des costumes lors d'une répétition souleva l'admiration de Vuillard, Bonnard, Blanche et quelques autres peintres présents, et lui écrira également plus tard que "depuis Shéhérazade tout Paris s'habille à l'Orientale".

        Le grand couturier Paul Poiret (1819-1944) fait triompher la jupe sultane et les parfums "Aladin" et "Le Minaret", quand aux aigrettes qui avaient orné nombre de costumes, elles firent aussitôt fureur dans ses collections, immédiatement adoptées par ses clientes, si l'on en croit la chronique narquoise de Marcel Proust:
        " et quand avec l'efflorescence prodigieuse des Ballets Russes, révélatrice coup sur coup de Bakst, de Nijinski, de Benois, et du génie de Stravinski, la princesse Yourbeletieff, jeune marraine de tous ces grands hommes nouveaux apparut portant sur la tête une immense aigrette tremblante, toutes les parisiennes cherchèrent à imiter cette merveilleuse créature que l'on aurait pu croire apportée dans leurs innombrables bagages, et comme leur plus précieux trésor, par les danseurs russes".


    L'Art et la danse

     Modèle de la collection Poiret (1914)


        Le couturier qui organise des fêtes somptueuses donnera d'ailleurs le 24 Juin 1911 une soirée restée célèbre dans les annales de la vie parisienne, la fameuse "Mille et deuxième nuit", où il demanda à ses 300 invités, pour la plupart des artistes et des membres de la haute société, de porter des costumes orientaux. Salons et jardins de son hôtel particulier entièrement recouverts de tapis et de coussins, n'étaient que fontaines lumineuses et feux d'artifice vibrant aux rythmes des musiciens cachés dans les bosquets, et sous une vaste tente décorée par Raoul Dufy, Poiret vêtu en sultan, et que cette réception célèbre fera surnommer à l'instar de Soliman "Poiret le Magnifique", présidait près d'une grande cage dorée renfermant "les concubines" toutes vêtues de ses dernières créations vestimentaires. A ses côtés, coiffée du légendaire turban qui établira l'image de la maison Poiret, la sultane, sa femme Denise, portait la robe "Minaret", avec la fameuse jupe culotte qui fit scandale, brouillant la frontière entre les sexes. 


    L'Art et la danse

     Turban porté par Denise Poiret lors de la légendaire soirée "Mille et deuxième Nuit" (LACMA- Los Angeles County Museum of Art)

     

        Si les costumes de Bakst engendrèrent pareille révolution dans le monde de la mode, il ne faut cependant pas négliger pour autant ceux qui les portèrent et eurent leur part non négligeable dans l'immense succès que fut Shéhérazade.
        Trois rôles principaux dominent ce ballet très court (40 minutes):
    Zobeïde, la sultane infidèle, interprétée lors de la Première par Ida Rubinstein (qui après ce ballet quitta la compagnie et se lança dans ses propres productions pour le meilleur et pour le pire...), avec à ses côtés Alexis Boulgakov (le sultan Shahriar) dont Raynaldo Hahn fit ce portrait dans une lettre à Proust:

        "Le sultan va partir pour la chasse... Quel superbe costume! et comme monsieur Boulgakov le porte bien! Il s'est fait un visage horrible et magnifique de roi méchant, comme on en voit dans les miniatures persanes et aussi dans ces livres chinois où sont figurées grossièrement mais de façon éclatante à la gouache et sur du papier de riz, des scènes violentes qui racontent une histoire interminable et compliquée".

        Le danseur le plus remarqué cependant fut sans conteste Vaslav Nijinski (l'esclave doré), que Fokine mit comme à son habitude admirablement en valeur en révélant par sa chorégraphie flamboyante toutes les facettes de son talent, ainsi que le décrit encore Raynaldo Hahn:
        " Il a le visage aigu d'une antilope, le torse fin et sinueux, il porte un turban de neige et un pantalon d'or, il sourit, tend les lèvres, se cabre, se jette en avant, enroule autour de Zobeïde ses bras maigres et ronds cerclés de bracelets, la soulève, l'emporte... c'est Nijinski". 
    (Le successeur le plus illustre de Nijinski sera très certainement Rudolf Noureev qui donnera une magistrale interprétation de "l'esclave doré", le dernier personnage de Fokine qu'il inscrivit à son répertoire en 1978, et qui fut également l'une de ses dernières apparitions sur la scène).

     

    L'Art et la danse

    Nijinski dans le rôle de "l'esclave doré"

     

         A côté de ces rôles principaux apparaissaient également Flore Revalles, ainsi que Adolf Bolm et Enrico Cecchetti (le Grand Eunnuque) dans une chorégraphie brisant les carcans de l'académisme et où les corps servent des expressions radicalement contemporaines.

        L'Art et la danse

    Enrico Cecchetti et Flore Revalles dans Shéhérazade 


       "Nos Danses, nos décors, nos costumes, tout empoigne le spectateur parce que cela reflète le rythme secret de la vie " écrira Léon Bakst, et il ajoute "Notre troupe apparait comme la synthèse de tous les arts existants".
         Shéhérazade sera en effet le premier exemple révolutionnaire de l'intégration réunissant autour d'un même spectacle un chorégraphe, un musicien et un artiste plasticien, faisant du ballet un spectacle d'Art total.


        Le ballet sera repris, entre autres, par Nina Anisinova pour le Mariinski (1950), Leon Wojcikowski pour le London Festival Ballet (1960), ou encore Maurice Béjart qui en 1990 donne A propos de Shéhérazade avec le Béjart Ballet.
        Plus proche de nous, c'est Jean Christophe Maillot qui propose en 2000 sa propre interprétation: "Shéhérazade est une oeuvre qui a réjoui le monde entier" dira-t-il, "mais dont la sensualité fut à l'époque limitée à cause de l'importance des costumes"  et le chorégraphe, tout en intégrant l'esthétique de Bakst à la sienne, choisit de mettre en scène un décor qui peu à peu se minimalise, et devant lequel il fait évoluer dans son style néo-classique habituel certains danseurs aux costumes très épurés.

     

     Shéhérazade- Chorégraphie de Jean Chrisophe Maillot pour le Ballet de l'Opéra de Monte-Carlo.


        L'une des dernières versions en date est celle de Blanca Li, créée le 19 Décembre 2001 à l'Opéra de Paris avec dans les rôles principaux Agnès Letestu et José Martinez (décors de Thierry Leproust et costumes de Christian Lacroix).
         "Ce Shéhérazade est un ballet en 5 tableaux qui s'achève en Bacchanale" dira cette chorégraphe impétueuse au style contemporain inclassable, "mon univers des Mille et Une Nuits est inspiré de la peinture orientaliste du XIXème siècle et mon style marqué par mon passé de gymnaste, d'élève de Martha Graham, et influencé par le flamenco".
         Une chorégraphie culminant avec une bataille rangée de coussins entre danseurs et qui, bien que faisant partie aujourd'hui du Répertoire n'en reste pas moins cependant diversement appréciée... (Le ballet de Fokine ne figure pas au répertoire de l'Opéra de Paris, l'autre Shéhérazade à y être inscrite est celle de Roland Petit sur la musique de Maurice Ravel)


        Au de là des scènes d'Opéras Shéhérazade version comédie musicale va reparaitre en Décembre 2011 aux Folies Bergères... Nécessaire dose d'imaginaire dans un monde où la grisaille domine...
      

        Et, vieille comme le monde et sans avoir pris une ride, l'histoire sans fin de l'amour éternel dans un univers d'exotisme continuera comme aux siècles passés à faire rêver une nouvelle fois...

     

                "La lune était sereine et jouait sur les flots
                 La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
                 La sultane regarde et la mer qui se brise
                 Là bas d'un flot d'argent brode les noirs ilots..."

                                          Victor Hugo (1802-1885) - Les Orientales.

     

    L'Art et la danse

    Safia (1886)  -  William Clark Wontner (1857-1930) 

      


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