•  

    L'Art et la danse

    Danseuse (1874)  National Gallery of Art  Washington

     

     

        "Ce dessin m'a pris cinq minutes, mais j'ai mis soixante ans pour y arriver"
                                                                                          A. Renoir

     

        Pierre Auguste Renoir naquit à Limoges le 25 Février 1841, sixième enfant d'un père tailleur et d'une mère couturière. La famille qui vit chichement quitte en 1844 la province pour Paris dans l'espoir d'une vie meilleure, et le jeune Pierre-Auguste effectuera toute sa scolarité dans la capitale où sa vocation pour le dessin s'éveille très tôt, comme en témoigne l'abondance des illustration dont il décore ses cahiers. Mais les siens n'y attachent guère d'importance, plus sensibles qu'ils sont à ses dons musicaux encouragés par Charles Gounod, alors maitre de choeurs de l'église Saint Eustache, qui n'a pas été sans y remarquer ce garçon intelligent et doué.
        Cependant l'argent se faisant trop souvent rare dans la boutique du quartier du Louvre, Pierre-Auguste sera retiré de l'école dès l'âge de 13 ans et mis en apprentissage dans l'atelier de porcelaine des frères Lévy. Dix heures par jour il est chargé de peindre à la chaine des fleurs sur de la vaisselle, un travail soigneux qui lui fera acquérir un coup de pinceau sûr et rapide et le goût du travail bien fait:
        "C'est là que j'ai appris la rigueur de mon métier" aimait-il à faire remarquer.
    Ce passage par l'artisanat lui inculquera également un respect profond pour l'aspect manuel de la création artistique et il dira encore bien des années plus tard:
        "La peinture n'est pas de la rêvasserie. C'est d'abord un métier manuel et il faut le faire en bon ouvrier".

        L'industrialisation croissante en ce XIXème siècle amène bientôt la disparition des petits ateliers et Pierre-Auguste Renoir se retrouve en 1858 sans travail. Il a 17 ans, et après diverses expériences, notamment chez son frère graveur en héraldique où il colorie des armoiries, il est finalement engagé par un fabriquant de stores pour qui il peint des scènes mythiques avec un talent et une minutie qui n'échappent pas à l'employeur qui lui proposera de s'associer avec lui...
        Mais le jeune homme, bien que consciencieux dans son travail, ne rêve que d'une chose: devenir peintre... Car son activité artistique ne se borne pas à la décoration de supports divers... Il peint aussi pour son plaisir et suit les cours du soir de l'Ecole de Dessin et d'Arts Décoratifs et, en 1861, ses deniers, économisés sou par sou, lui permettent d'abandonner son travail, et de s'inscrire alors dans l'atelier de Charles Gleyre (1808-1876) qui n'eut sans doute pas une très haute opinion de son élève lorsqu'il demanda au jeune peintre assis devant son chevalet:
        "C'est sans doute pour vous amuser que vous faites de le peinture?"
        "Mais certainement" répondit Renoir avec la bonne humeur qui le caractérisait, "et si ça ne m'amusait pas je vous prie de croire que je n'en ferais pas!".

    L'Art et la danse

        
        Abandonné à lui même assez dédaigneusement par l'enseignant, Renoir en profitera alors pour se former à sa guise en copiant les grands maitres du musée du Louvre où dès 1860 il a obtenu la permission de travailler.
        Il passe alors ensuite avec succès le concours d'entrée à l'Ecole des Beaux Arts l'année suivante, et admis 68ème sur 80, s'y révélera, selon les dires de ses professeurs, un élève très attentif et consciencieux.

         Les temps sont plus que durs pour le jeune peintre qui se retrouve parfois dans une misère telle qu'il ne peut plus acheter ni toiles ni couleurs... Il va nouer par contre une solide amitié avec ces compagnons des jours difficiles que seront pour lui Claude Monet, Frédéric Bazille et Alfred Sisley, rencontrés dans l'atelier de Charles Gleyre. Les quatre jeunes gens se viennent mutuellement en aide, et lorsque leur professeur les quitte ils décident de continuer à travailler ensemble, mettant en commun leurs connaissances techniques au cours de séances de travail mémorables où se succèdent les découvertes qui vont engendrer les plus grands chefs d'oeuvres de l'Art...

        Bien que le groupe se rende souvent pour peindre à l'extérieur en forêt de Fontainebleau c'est le séjour que Renoir fit avec Monet en 1869 à La Grenouillère, un établissement de bains de Croissy-sur-Seine, qui sera décisif:
        Amenés à travailler avec les reflets de l'eau c'est là "qu'ils découvrirent que les ombres ne sont pas marron ou noires, mais colorées par leur environnement, et que la couleur "locale" d'un objet est modifiée par la qualité de la lumière qu'il reçoit, ainsi que par le reflet des objets qui l'entourent et le contraste des couleurs qui lui sont juxtaposées" (Phoebe Pool)

     

    L'Art et la danse

    La Grenouillère (1869)  Rijksmuseum  Amsterdam

     

         La "bande à Monet" aime se retrouver au cabaret de la mère Antony et survit dans la bohème en essayant de se faire connaitre et apprécier... Pour cela une seule solution: Les Salons... où leurs toiles sont chaque fois refusées obstinément... Aussi après avoir essuyé plusieurs échecs ils décident en 1874 d'organiser leur propre exposition... 

        L'évènement n'attira que 3500 visiteurs, alors que le salon officiel en drainait 400.000... et la critique se déchaina:
        "Cinq ou six aliénés se sont donné rendez-vous pour exposer leurs oeuvres" écrira-t-on...
        (Ce sera à cette occasion que la toile de Monet, Impression, soleil levant, inspirera à ses détracteurs ironiques le qualificatif d'impressionnistes)

        Renoir a pour son compte présenté six toiles, dont La Loge, témoin de l'intérêt que les artistes portaient dans le spectacle de la vie moderne et la société parisienne de l'époque. La toile ne trouva évidement pas d'acheteur et le peintre l'abandonna pour 425 francs au père Martin, l'un des seuls marchands d'Art à s'intéresser a ce courant naissant (Renoir ne consentit à aucun rabais sur la somme qui représentait celle de son loyer impayé...)

     

    L'Art et la danse

    La Loge (1874) - Courtauld Institute of Art  Londres 

     

         Les Salons des Impressionnistes vont se suivre, toujours aussi largement ridiculisés et brocardés, et Renoir y présentera sans succès, en 1877, son chef d'oeuvre: Le Bal du Moulin de la Galette, caractéristique de son style durant cette décennie (ombres colorées, jeux de lumière, touches fluides...) ainsi que de son goût pour les scènes heureuses de la vie parisienne.

     

    L'Art et la danse

    Le Bal du Moulin de la Galette  (1876)  Musée d'Orsay  Paris

     

         Seuls quelques amateurs et marchands d'Art éclairés pressentent alors l'avenir et grâce au soutien de l'un d'eux, Durand-Ruel, Renoir obtient plusieurs commandes de portraits, mais découragé par les échecs consécutifs du Salon des Impressionnistes et leurs conséquences financières, l'artiste prend alors la décision de revenir au Salon officiel où il présentera cette fois le Portrait de madame Charpentier et ses enfants.

     

    L'Art et la danse

    Madame Charpentier et ses enfants (1876-77)
    Metropolitan Museum of Art   New York 

     

         Le tableau est extrêmement bien accueilli par le public, "Renoir a eu un grand succès au Salon. Je crois qu'il est lancé, tant mieux. C'est si dur la misère!" écrira Camille Pissaro.

        Si le peintre a cherché à prendre ses distances avec la "bande à Monet" c'est aussi parcequ'il est lui-même de moins en moins satisfait de la façon dont le nouveau style a évolué entre ses mains:
        "Il s'est fait comme une cassure dans mon oeuvre. J'étais allé jusqu'au bout de l'impressionnisme et j'arrivais à cette constatation que je ne savais ni peindre ni dessiner. En un mot j'étais dans une impasse"
        et il ajoutera:
        "Aujourd'hui nous avons tous du génie, c'est entendu, mais ce qui est sûr c'est que nous ne savons plus dessiner une main, et que nous ignorons tout de notre métier". 

        A partir de ce moment là, Renoir va remettre son oeuvre en question et s'éloigne de l'impressionisme en cherchant l'inspiration dans le passé:
        "En réalité nous ne savons plus rien, nous ne sommes sûrs de rien. Lorsqu'on regarde les oeuvres des anciens, on n'a vraiment pas à faire les malins" et il écrit à son marchand Durand-Durel:
        "Je suis encore dans la maladie des recherches. Je ne suis pas content et j'efface, j'efface encore..."

        Sa nouvelle manière dite "sèche" ou "ingresque" est caractérisée par un dessin plus précis et des a-plats comme dans Les Parapluies (où les petites filles dans le flou rappellent encore cependant sa période impressionniste)

     

    L'Art et la danse

    Les Parapluies (1883)  National Gallery  Londres

     

        Les trois danses, Danse à Bougival, Danse à la Ville et Danse à la Campagne témoignent de cette évolution où son art devient plus affirmé, il recherche davantage les effets de ligne, les contrastes marqués et les contours soulignés. 

     

    L'Art et la danse

                               Danse à la Ville (1883)  Musée d'Orsay  Paris  
    (On y reconnait le peintre Suzanne Valadon, que Renoir représenta à plusieurs reprises)

    L'Art et la danse

    Danse à la campagne (1883)   Musée d'Orsay  Paris  

     

        Les deux toiles, une commande de Durand-Durel pour orner son appartement ne furent jamais séparées. C'est Aline Charigot, une jeune modiste, qui prête ses traits rieurs à la danseuse campagnarde. Elle deviendra la femme du peintre et lui donnera trois fils, Pierre, Jean (le cinéaste) et Claude, et on la retrouvera dans de nombreuses toiles dont Le Déjeuner des Canotiers exécuté à la même période à Chatou sur la terrasse de la Maison Fournaise qui existe toujours aujourd'hui (Aline y apparait à gauche au premier plan et en face d'elle se trouve le peintre Gustave Caillebotte premier mécène des impressionnistes)

     

    L'Art et la danse

    Le Déjeuner des Canotiers  (1881)  Phillips Collection  Washington

     

        En 1881 Renoir se rend en Italie où influencé par Raphaël il opte maintenant pour un art plus intemporel et plus sérieux et un retour au classicisme. Mais lorsqu'il présente ses fameuses Grandes Baigneuses (dont les principaux modèles sont Aline Charigot, la brune, et Suzanne Valadon, la blonde), l'accueil est plus que réservé et l'avant garde trouve cette fois qu'il s'est véritablement égaré.

     

    L'Art et la danse

    Les Grandes Baigneuses  (1887)  Philadelphia Museum of Art

     

         Certainement inconsciemment mal à l'aise lui même dans ce style "sec" en contradiction avec sa chaleur naturelle, de 1890 à 1900 Renoir s'oriente alors vers une voie intermédiaire: Ce n'est plus du pur impressionnisme, ni du style de la période "ingresque", mais un mélange des deux: Il conserve les sujets "Ingres", mais reprend la fluidité des traits en adoptant une facture plus souple avec des effets de transparence, c'est ce que l'on appellera "la période nacrée".
        La première oeuvre de cette époque sera Les Jeunes Filles au Piano, la première aussi qui fut achetée par l'Etat, et dont l'une des cinq versions existantes est conservée au musée d'Orsay.

     

    L'Art et la danse

    Les Jeunes Filles au Piano (1892)  Musée d'Orsay  Paris

     

        Cette décennie, celle de la maturité, sera pour Renoir celle de la consécration, ses tableaux se vendent bien et la critique apprécie maintenant unanimement son travail.
        Fuyant les mondanités, le peintre mène une vie de famille discrète et heureuse que reflètent toutes ses toiles. Il se plait à la campagne, et lors d'une mauvaise chute à bicyclette en 1897 près d'Essoyes le village d'origine de son épouse, il se fracture le bras droit. Cet accident est-il responsable de la dégradation ultérieure de sa santé? C'est ce que laissent à penser certains qui y voient l'évolution de la polyarthrite rhumatoïde dont il sera affecté et qui fit de lui un invalide à la fin de sa vie.

        La naissance de ses fils donne un éclat particulier à sa peinture et il représentera Jean à maintes reprises en compagnie de sa nourrice, Gabrielle Renard que l'on retrouve très souvent sur ses toiles, seule ou en compagnie de la famille (Gabrielle Renard épousa en 1921 le peintre américain Conrad Hensler Slade et finit sa vie à Beverly Hills près de son cher Jean pour qui elle avait gardé une tendresse particulière)

     

    L'Art et la danse

    Gabrielle et Jean  (1895-96)   Musée de l'Orangerie   Paris

     

        En 1903 la famille Renoir s'est installée à Cagnes sur Mer dont le climat plus chaud et plus sec était censé convenir davantage à l'artiste qui y a fait l'acquisition du domaine des Collettes où il vivra dorénavant au milieu des vénérables oliviers. Malgré ses rhumatismes déformants il continue à y peindre régulièrement sans relâche et ses toiles de l'époque, pleines de soleil sont de plus en plus chatoyantes.

     

    L'Art et la danse

     Cagnes sur Mer (1905)   Rijksmuseum  Amsterdam

     

         Renoir est désormais une personnalité majeure de l'art occidental et expose partout en Europe et aux Etats Unis. Chercheur insatiable, malgré la maladie qui le diminue de plus en plus il essaye de nouvelles techniques, la sculpture en particulier, avec Richard Guino, un élève de Maillol, et alors que ses mains sont déjà à demi paralysées, les deux hommes créeront ensemble plusieurs pièces, dont la Vénus Victrix considérée comme l'un des sommets de la sculpture moderne.

        En 1919 l'Etat achète le portrait de madame George Charpentier et le peintre fait le voyage à Paris pour le voir suspendu au Louvre où il fut dit-il reçu "comme un pape de la peinture".

     

    L'Art et la danse

    Portrait de Madame Charpentier (1876-77) Aujourd'hui au Musée d'Orsay  Paris

     

         Quelques temps après cette ultime grande joie, une congestion pulmonaire oblige Renoir à s'aliter, mais il réclamera encore une toile et des pinceaux pour peindre le bouquet de fleurs qui se trouve sur le rebord de la fenêtre...
        Et lorsqu'il rend pour la dernière fois ses pinceaux à l'infirmière qui le soigne, il déclare, le matin de sa mort, plein de cette grande humilité avec laquelle il appréhendait la peinture et la vie:

        "Je crois que je commence à y comprendre quelque chose..."

        Pierre-Auguste Renoir s'éteignit dans sa propriété de Cagnes sur Mer le 3 Décembre 1919 : Un homme simple et bon, qui laissait derrière lui une oeuvre considérable: plus de 4000 toiles, toutes empreintes de son art à peindre le bonheur d'un instant et à répandre la joie en saisissant les moments les plus chaleureux de la vie.

     

    L'Art et la danse

     

        "Pour moi un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui jolie! Il y a assez de choses embêtantes dans la vie pour que nous n'en fabriquions pas encore d'autres!"
                              Pierre-Auguste Renoir

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    L'Art et la danse

         Le théâtre Mariinsky (côté sud) bordé par le canal Krukov

     

     

        Bien qu'ayant perdu aujourd'hui son titre de capitale, la ville de Saint Pétersbourg, siège du gouvernement des tsars pendant plus de deux cents ans, n'a cessé de s'imposer depuis lors comme centre culturel, reflet de ce que l'art de l'époque a pu offrir de mieux dans tous les domaines.
        Parmi les témoins de ce fastueux passé, le théâtre Mariinsky représente à travers ses légendes et les artistes célèbres qui fleurirent sur sa scène, un lieu mythique de l'histoire du ballet dont les débuts en Russie remontent au règne de la tsarine Anna Ivanovna (1613-1740), lorsqu'il fut décidé que l'enseignement de la danse serait inclu au programme de l'Académie Miltaire.

     

    L'Art et la danse

    Anna Ivanovna (1693-1740)

     

         Le français Jean Baptiste Landé (? - 1748) fut alors nommé professeur au Corps des Cadets et, artiste apprécié, se vit chargé par la Cour d'organiser, en 1738, au Palais d'Hiver l'Ecole de Danse de sa Majesté: 12 garçons et 12 filles, tous enfants des domestiques du palais qui furent les premiers élèves de ce qui deviendra par la suite l'Ecole de Danse Impériale d'où sera issue la majorité des plus célèbres danseurs de l'histoire.

     

    L'Art et la danse

    Le Palais d'Hiver, aujourd'hui musée de l'Ermitage

     

        Le théâtre de l'Ermitage, près du Palais d'Hiver étant réservé à l'usage exclusif de la famille impériale et à ses invités, opéras et ballets étaient à l'époque représentés pour le commun des mortels dans le théâtre de bois Karl Knipper, un ancien manège aux dimensions relativement modestes. En protectrice des Arts, l'impératrice Catherine II ordonna en 1783 la construction d'un vaste lieu de spectacle plus digne de sa fonction et réalisé cette fois en matériau durable.

     

    L'Art et la danse

    Catherine II   La Grande Catherine (1729-1796)   

     

         Afin de se distinguer de son prédécesseur, le théâtre conçu par l'architecte Antonio Rinaldi (1710-1794) et édifié sur l'espace devenu aujourd'hui la Place du Théâtre, reçut alors le nom de Théâtre Impérial Bolchoï Kamenny,  "bolchoï" et "kamenny" signifiant respectivement en russe "grand" et "pierre".

     

    L'Art et la danse

    Le théâtre Bolchoï Kamenny

     

         Ce "Grand Théâtre de Pierre" fut rénové en 1836 par Alberto Cavos (1800-1863) et accueillit un voisin le 29 Janvier 1849 avec l'inauguration d'un établissement dessiné par le même architecte et destiné au cirque équestre Guerra. Le bâtiment, une structure dans le style néo-byzantin à la mode de l'époque, ne conserva cependant que peu de temps sa destination première, et déserté par le cirque dès 1854 fut alors réaménagé pour l'opéra:
        La piste fut transformée en parterre et une partie des gradins et des loges supprimée pour construire une scène qui se retrouva de ce fait d'une largeur considérable (Aucune scène au monde n'avait alors de telles dimensions). Gravement endommagés par un incendie en 1859 les lieux furent reconstruits par leur concepteur qui profita de l'occasion pour agrandir et embellir le bâtiment, y ajoutant foyers et cages d'escaliers.
         Inauguré le 2 Octobre 1860, le théâtre reçut alors le nom de Théâtre Mariinsky en hommage à l'épouse du tsar Alexandre II, Maria Alexandrovna,

     

    L'Art et la danse

    Maria Alexandrovna (1824-1880)

     

        et, après avoir été l'objet de travaux à deux reprises dans le courant du XIXème siècle, acquit en 1886 sa façade verte caractéristique.

     

    L'Art et la danse

     

         L'une des plus belles du monde, la salle du Mariinsky aux sièges de velours bleu, absolument somptueuse, est pratiquement restée inchangée jusqu'à aujourd'hui et arbore de vrais chefs d'oeuvres, parmi lesquels se comptent les Atlantes et les Cariatides qui soutiennent la Loge du Tsar.

     

    L'Art et la danse


        Colonnes torsadées, têtes de femmes, masques et autres ornements de stuc côtoient les lambris et les lustres de cristaux dans une harmonie raffinée de bleu, blanc et or, que vient couronner au plafond la ronde des Amours d'Enrico Francioli (1814-1886) entourée par les portraits en médaillons des auteurs dramatiques les plus célèbres.

     

    L'Art et la danse


        Car les premières représentations du Mariinsky furent principalement consacrées au théâtre, et le ballet et l'opéra qui se partageaient toujours la scène du théâtre Bolchoï Kamenny voisin, n'y furent officiellement transférés qu'en 1886 (et encore à la demande pressante du directeur, Ivan Vsevolozhsky (1835-1909), lorsque les lieux n'offrirent plus les conditions de sécurité suffisantes) Un détail qui invite à reconsidérer la théorie selon laquelle les dimensions exceptionnelles de la scène du Mariinsky seraient à l'origine du ballet russe à grand spectacle... Car les premiers du genre et non les moindres, La Fille du Pharaon (1862), La Bayadère (1877) etc... furent tous créés sur la scène du théâtre Bolchoï Kamenny...

     

    L'Art et la danse

    Théâtre Mariinsky   Le Hall

     

         A l'époque les deux personnages importants du Mariinsky sont le chef d'orchestre Eduard Napravnik (1839-1916) qui occupa le poste pendant 47 ans, et le chorégraphe et maitre de ballet Marius Petipa (1822-1910) qui va faire entrer le théâtre dans la légende en y créant quelques uns de ses plus grands chef d'oeuvres: La Belle au Bois Dormant (1890), Casse Noisettes (1892) ou Le Lac des Cygnes (1895). Dans ce nouvel écrin le ballet n'en gagnera que plus de prestige, car aucun sacrifice n'y est consenti pour ce que l'on appelle désormais "l'Art des tsars"... 

     

    L'Art et la danse

      Le rideau de scène, oeuvre d'Aleksandr Golovin (1863-1930)

     

         Financé comme les autres théâtres impériaux de Saint Petersbourg par le tsar et la tsarine, le Mariinsky reçoit de ces derniers une subside annuelle de 2 millions de roubles or... La famille impériale et la noblesse comblent d'attention les danseurs, les loges des étoiles débordent de fleurs avant les spectacles, et les messieurs jettent leurs manteaux sous les pieds des ballerines lorsqu'elle quittent le théâtre...

     

    L'Art et la danse

    L'antichambre des loges impériales

     

        Invitées à se produire à la Cour, les danseuses sont retenues à souper et se voient fréquemment offrir de somptueux bijoux, car tel le tsarévitch Nicolas II qui s'éprit de Mathilde Kschessinskaïa (surnommée "la petite K"), les ducs et les princes Romanov choisissaient leurs maitresses dans le monde du ballet et du théâtre.

     

    L'Art et la danse

    Mathilde Kschessinskaïa (1872-1971)

     

        A la fin du XIXème siècle, alors que l'art du ballet traverse en Europe de l'Ouest une période de déclin, considéré comme un simple ajout à l'opéra ou un étalage futile de danseuses (les danseurs masculins condamnés au rôle de porteurs ont quasiment disparu), il connait au contraire un essor croissant en Russie où lui est accordée une importance primordiale.... Les soirées somptueuses au Mariinsky durent plusieurs heures et l'on s'y dispute les places... En 1889 le Ballet Impérial devient la compagnie résidente du Mariinsky et la qualité de ses danseurs fera sa renommée dans le monde.

        Composée à l'époque de 180 exécutants répartis selon les divers échelons: corps de ballet, coryphée, sujet, prima ballerina et prima ballerina assoluta (pour un homme "soliste du Tsar"), la troupe était issue de l'Ecole Impériale (aujourd'hui Académie Vaganova) dont la rigueur de l'enseignement explique le nombre élevé de danseurs exceptionnels qui en sortirent ( Des résultats attribués également à la tradition du Mariinsky de garder les meilleurs danseurs comme professeurs).

     

    Académie Vaganova   Elèves de Seconde division


        Choisis pour leur physique, leur énergie et leurs connaissances musicales, dès la première année les élèves de l'Ecole Impériale paraissaient dans des spectacles, et après leurs études étaient assurés d'une place dans le corps de ballet où ils signaient un contrat de 20 ans, après quoi recevaient une pension à vie. C'est l'époque de Lev Ivanov (1834-1901) considéré comme "l'âme de la danse russe", Pavel Gerdt (1844-1917) ou encore Ekaterina Vazem (1848-1937).
          Anna Pavlova (1882-1931), Tamara Karsavina (1885-1978), Vaslav Nijinski (1890-1950), firent partie de la génération suivante, et pendant que ces jeunes danseurs devenaient des étoiles un évènement important eut lieu au MariinskyMikhaïl Fokine (1880-1942) prit le poste vacant de Marius Petipa...

        Bien que le ballet soit toujours resté très populaire pendant toutes ces années, ses décors et ses costumes chargés ainsi que ses musique souvent sans grande imagination l'avaient fait au fil du temps accuser de conventionnalisme. Et Fokine qui aspirait à sortir de ces stéréotypes réussit avec la collaboration d'artistes comme les peintres Alexandre Benois et Léon Bakst ou encore le compositeurs Serge Prokofiev, à réaliser cette évolution sous la houlette de Serge Diaghilev dont les Ballets Russes ne furent rien d'autre que la vitrine des étoiles du Mariinsky dans le monde:
        "La première saison des Ballets Russes de Diaghilev doit être écrite en lettres d'or dans les annales du ballet russe" écrivit son ami Grigoriev.

        Le Mariinsky lui-même connut malheureusement à cette époque une période beaucoup moins faste, car la révolution de 1917 lui ayant fait perdre ses mécènes impériaux plusieurs de ses vedettes pressées par les temps difficiles et l'attrait de l'étranger quittèrent la Compagnie. Renommé alors Théâtre Académique par les nouveaux dirigeants, il dut encore changer de nom à plusieurs reprises avant d'être, en 1935, finalement baptisé Kirov, en hommage à Sergey Mironovich Kirov, un chef révolutionnaire qui n'avait toutefois absolument rien à voir avec la danse... (Le théâtre ne retrouva son nom d'origine qu'en 1991).

        Quoiqu'il en soit le Mariinsky resta pendant toutes ces années le vivier des danseurs russes, et l'éminent professeur que fut Agrippina Vaganova (1879-1951), qui dirigea l'Ecole à partir de 1920 et qui selon ses propres dires "se battit bec et ongles " pour préserver l'héritage de Petipa, fit émerger de nouvelles stars du ballet soviétique, parmi elles Galina Oulanova (1910-1998), Maïa Plissetskaïa (1925- ) ou encore Marina Semenova (décédée le 9 Juin 2010, 3 jours avant son 102 ème anniversaire...)

     

    L'Art et la danse

    Marina Semenova

     

        Bombardé pendant la seconde guerre mondiale et le siège de Léningrad, le théâtre dut être évacué pour un temps et danseurs, costumes et décors se replièrent à Perm. Le bâtiment fut heureusement rapidement remis en état et le public retrouva avec bonheur les lieux dont il avait été privé:
        "Une fois à l'intérieur on se souvient des paroles célèbres de Meyerkhold: Que c'est bon pour l'âme de s'asseoir dans ce temple" écrivit un contemporain.

        Unanimement apprécié pour son ensemble et la pureté de son style, le corps de ballet du Mariinsky, d'une élégance aristocratique, se distingue aujourd'hui par la qualité de ses ports de bras et ses épaulements, quand aux étoiles, si leur technique exceptionnelle leur permet toutes les prouesses, une part très importante est accordée au lyrisme: autant de qualités et de traits distinctifs de la méthode d'enseignement Vaganova qui situent le Mariinsky tout à fait en de ça de ses pairs.

     

    Giselle - Acte I  Interprété par Polina Semionova et le ballet du Mariinsky

     

        "Sanctuaire du classique" diront les uns, "prison" affirmeront certains autres... le Mariinsky qui a le plus beau répertoire historique au monde car toutes les grandes oeuvres y sont nées, se définit en fait par les artistes qui ont jalonné son histoire. Rendu célèbre par ces innombrables danseurs, chorégraphes et compositeurs d'exception, même s'il devait disparaitre demain, le théâtre dont le nom est intimement lié à la danse serait immortalisé pour le reste des temps par Pavlova, Nijinski, Noureev ou Baryshnikov, ainsi que par les accents de Stravinsky, Prokofiev et Tchaîkovski.


     

    Ballerina (2007), documentaire de Bertrand Normand, présente cinq danseuses de la troupe du Kirov/Mariinsky:
    Alina Somova, Euguénya Obraztsova, Svetlana Zakharova, Diana Vishneva et Ulyana Lopatkina. 



    2 commentaires
  •  

    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina (1885- 1978)

     

     

        Tamara Platonova Karsavina naquit à St. Petersbourg le 10 Mars 1885 au sein d'une famille heureuse bien qu'hélas trop souvent désargentée... Son père, Platon Konstantinovich Karsavin était premier danseur aux Théâtres Impériaux, une fonction aussi prestigieuse que mal payée, mais cette existence parois difficile n'empêcha pas sa mère, issue de la noblesse, de transmettre à ses deux enfants l'excellente éducation qu'elle avait elle même reçue.
        Tapis de neige, forêts de bouleaux, fourrures pâles et fleuves gelés voient grandir cette petite fille qui attend son fabuleux destin dans le bonheur tranquille d'une modeste maison de St. Petersbourg, puis dans le grand parc mélancolique d'un vieux château. A six ans Tamara lit déjà Pouchkine et en déclame des passages entiers à son entourage, cependant les histoires qui la font le plus rêver sont celles que lui raconte son père lorsqu'il évoque pour elle le monde féérique de la danse... Ce dernier est néanmoins farouchement opposé à la voir se diriger vers cette vie de théâtre et ses intrigues, mais très vite Tamara n'aura bientôt plus qu'une envie: danser elle aussi.

     

    L'Art et la danse

    Le Théatre Mariinsky   Saint Pétersbourg

     

         Soutenue dans ce choix par sa mère, elle arrivera à ses fins et c'est une amie de la famille, Madame Joukova, que Tamara et son frère appellent "Tante Vera", qui lui donne en cachette ses premières leçons, dont la première ne se révéla pas, si l'on en croit le récit de ses Mémoires, à la hauteur des espérances de l'aspirante ballerine:

        " Je m'étais imaginé que je saurais tout de suite danser et je me voyais faisant de grands bonds et des pirouettes comme celles que j'avais vues dans le ballet. Dans quel état d'excitation j'étais en me rendant à ma première leçon et quelles merveilles je comptais exécuter sur le champ!.. Quand tante Véra dit: Maintenant tourne... en un clin d'oeil je perdis l'équilibre et tombai, je me sentis ridicule et fus très vexée..."

        Rallié à sa cause, c'est son père qui se fait ensuite son professeur et sera pour elle un maitre sévère d'une intransigeance extrême, lui inculquant les bases de cette technique irréprochable qui va la conduire jusqu'au plus haut niveau.
        Chaque soir, lorsqu'il rentre des leçons qu'il donne en ville, Platon Karsavin fait travailler son élève dont l'air favori pour accompagner l'exercice des grands battements est La Marseillaise:
        " Mon père jouait des airs variés pour accompagner mes exercices, fragments de ballets, fragments d'opéras dont à l'occasion il chantait les paroles. Il préférait à tout une polka vive, mais moi je lui réclamais toujours La Marseillaise: Le grand battement me paraissait cent fois plus facile quand j'étais entrainée par ce rythme héroïque". 

        Stimulée par des observations sans pitié du genre "Ne tiens pas tes bras comme des candélabres" ou encore "Tes genoux plient comme ceux d'un vieux cheval", Tamara passe à 9 ans avec succès l'examen d'entrée à l'Ecole du Ballet Impérial, où externe tout d'abord et pensionnaire ensuite elle s'adapte sans trop de difficultés à la discipline rigoureuse de l'institution:
        "Une fois pensionnaire s'ouvrait devant vous la perspective de douze années d'une vie austèrement monacale. Vous passiez de classe en classe, de la robe brune à la robe rose, de la robe rose à la robe blanche. Une fois "blanche" vous jouissiez de la considération des "brunes"... Non seulement les élèves apprenaient à danser divinement, mais on leur enseignait encore, outre la géographie, l'histoire et les mathématiques, le pourquoi de l'art chorégraphique et l'intention subtilement cachée de chaque pas". (James Barrie)
        Son seul chagrin: Elle n'est jamais choisie chaque fois que le Mariinsky fait appel à des élèves de l'Ecole pour figurer dans les ballets ou les opéras... Car, à son insu, son père a donné des ordres dans ce sens afin de lui épargner la fatigue des longues soirées, néanmoins il se laissera une nouvelle fois attendrir par sa déception, et les plus grands bonheurs de Tamara seront désormais ses apparitions sur scène, même dans les rôles les plus dénués d'importance:
        "Peu m'importait d'avoir un rôle insignifiant pourvu que je fasse partie du monde féerique du théâtre". 

        Au nombre de ses professeurs figurent Enrico Cecchetti, Christian Johansson, et Pavel Gerdt (qui est aussi son parrain) et en 1900, alors qu'elle n'est encore qu'élève, sa technique exemplaire la fait choisir pour interpréter le rôle de Cupidon à l'Acte III lors de la reprise de Don Quichotte.

     

    Eugenia Obrazstova  Variation de Cupidon   Don Quichotte Acte III

     


         Son talent exceptionnel lui vaut, dès la fin de ses études, d'être engagée directement comme coryphée au Mariinsky:
        "Je lus avec une grande satisfaction, bien que je le sache déjà, que j'étais reçue dans la troupe comme coryphée avec un salaire de 720 roubles par an ce qui me semblait énorme pour la première année, comparé aux 600 roubles des débutants. A la maison mes 60 roubles par mois étaient un supplément appréciable au budget et je remettais directement l'argent à ma mère: celle-ci me donnait chaque matin de quoi payer mes trajets ce qui représentait mon seul argent de poche. En conséquence je ne pouvais jamais rien acheter, bien que j'aimais regarder les vitrines et qu'il m'arrivait parfois d'avoir envie de quelque chose... Mais sans jamais aucune amertume ni regrets... Je vivais à cette époque dans un mépris total de l'argent, dans une bienheureuse pauvreté."

         En 1905 une magistrale interprétation de Giselle lui acquiert le titre de "prima ballerina" et jusqu'en 1918 elle va alors interpréter tous les premiers rôles des oeuvres de Marius Petipa, Le Lac des Cygnes, Casse Noisette, La Bayadère, Paquita, Raymonda, La Belle au Bois Dormant, Don Quichotte... ainsi que le répertoire classique, Giselle, La Fille Mal Gardée etc... et le public enthousiaste la hisse au rang de véritable idole.

         Ses dons remarquables n'avaient évidemment pas échappé à l'oeil exercé de l'imprésario de génie qu'était Serge Diaghilev, et Tamara Karsavina fit partie de la première saison parisienne des Ballets Russes en 1909, devenant pendant les années qui suivirent l'interprète idéale des ballets de Mikhaïl Fokine qui sut la mettre admirablement en valeur dans Petrouchka, L'Oiseau de Feu ou Le Spectre de la Rose avec pour partenaire habituel Vaslav Nijinski:
        Une collaboration qui ne fut pas toujours très facile à en croire le compte rendu que fit Tamara de laborieuses répétitions de Giselle ...
        "Sur la scène russe, Giselle était une sorte de ballet sacré dont on ne pouvait changer un seul pas. Je savais le rôle tel que me l'avait enseigné Madame Sokolova, et j'en aimais les moindres détails; je fus donc tristement stupéfaite quand je m'aperçus que je dansais, mimais, délirais et mourais le coeur brisé, sans provoquer la moindre émotion de la part de Nijinski. Il restait là pensif à se ronger les ongles...
        - C'est à vous maintenant d'avancer vers moi, lui soufflais-je...
        - Je sais ce que j'ai à faire, me répondit-il bougon.
    Après de vains efforts pour répéter le dialogue toute seule je me mis à pleurer, Nijinski boudait et ne se laissa pas attendrir. Diaghilev m'entraina dans les coulisses, m'offrit un mouchoir et me conseilla de me montrer indulgente".


    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina et Vaslav Nijinski dans Le Spectre de la Rose

     

         Tamara Karsavina  partageait désormais son temps entre le Mariinsky et la Compagnie de Diaghilev, mais elle demeura cependant en Russie pendant toute la durée de la Première Guerre Mondiale, et son retour de Paris fut l'occasion d'une mémorable soirée organisée en son honneur le 26 Mars 1914 par tout ce que Saint Petersbourg comptait de poètes, écrivains et artistes, au cabaret The Wandering Dog (Le Chien Errant), un club bohême comme le laisse supposer son nom...
        Cette fête, que l'ampleur des préparatifs alla même jusqu'à devoir faire repousser, fut la consécration suprême du succès de celle que son public appellait maintenant La Karsavina et qui se vit offrir un petit recueil imprimé sur du papier lilas, contenant des oeuvres autographiées, portraits, poèmes, que les plus célèbres artistes de l'époque réalisèrent à son intention (Cet hommage, "Un bouquet pour Tamara Karsavina", représente à l'heure actuelle un monument unique de cette période culturelle russe qui fut nommée "l'Age d'Argent").

     

    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina par Valentin Serov

     


        Encensée par les spectateurs, et chérie par les poètes, Karsavina a en effet inspiré par sa beauté légendaire nombre d'artistes, qu'ils l'aient prise pour modèle (Bakst, Cocteau, Sorin...) ou lui aient écrit des poèmes ou dessiné des costumes (Bakst, Picasso, Derain, Matisse...)

     

    L'Art et la danse

    Costume de l'Oiseau de Feu par Léon Bakst

     

        Le secret du charme de Tamara Karsavina résidait dans ce don qui n'appartenait qu'à elle de transformer la danse en poésie, et transcendant une technique parfaite, sa danse était étrangère à tous ces effets de prouesses qui cachent bien souvent le vide des sentiments profonds par des démonstrations de brillantes techniques:
        "Madame Karsvina a su préserver la pudeur suprême qui est de faire facilement les choses difficiles. Sa danse est un épanchement de l'âme, non seulement elle visualise, si l'on peut dire, la musique, mais elle donne forme, mouvement et couleur aux images insaisissables que cette musique fait naître dans l'esprit et dans le coeur" écrivit un critique.

     

    L'Art et la danse

          En 1915 Tamara Karsavina épouse le diplomate britannique Henry James Bruce (1880-1951), leur fille Nikita voit le jour l'année suivante et en 1918 la famille se fixe définitivement à Londres. Tamara y reprend alors sa collaboration avec Diaghilev interrompue pendant la guerre et interprète maintenant les rôles principaux des ballets de Massine: Le Tricorne, Le Chant du Rossignol ou Pulcinella. Après le décès de Diaghilev en 1929, elle danse encore quelques temps pour le Ballet Rambert, puis mettant un terme à sa carrière de danseuse en 1931, se consacre à partir de ce moment là à l'enseignement de la danse et à l'écriture.

        Elle a déjà rédigé ses Mémoires en 1930 dans un livre intitulé: Theatre Street: The Reminiscences of Tamara Karsavina. Cette "rue du Théâtre" qui borde l'Ecole Impériale de Ballet à Saint Petersbourg (Aujourd'hui l'Ecole Vaganova), la ballerine en garda toute sa vie un souvenir ébloui: "La Rue du Théâtre restera toujours pour moi un chef d'oeuvre architectural" écrit-elle dans son ouvrage où elle décrit son enfance et sa carrière de danseuse avec sans doute cette même poésie, cette même simplicité et ce même charme qui l'ont faite aimer de tous ceux qui la connurent. 
        (Tamara Karsavina rédigea également de nombreux articles pour le magazine Dancing Times, ainsi qu'un ouvrage concernant la technique classique: Classical Ballet- The Flow of Movement.
          Ses Mémoires ont été publiées en Français sous le titre: Ma Vie - L'Etoile des Ballets Russes raconte)

     

    L'Art et la danse

        L'imposant ensemble de style néo-classique de "Theatre Street" aujourd'hui rue Rossi.
        Curieusement, lorsque Tamara Karsavina s'établit à Londres elle choisit comme cadre de vie les majestueuses "Terraces" de John Nash bordant Regent's Park dont l'architecture n'est pas sans rappeler celle de la "rue du Théâtre"...

     

    L'Art et la danse

    Cumberland Terrace   Londres

     

         La ballerine russe joua pendant de longues années un rôle majeur dans le développement du ballet en Angleterre où elle participa à la naissance du Royal Ballet et de la Camargo Society, et fut l'un des membres fondateurs de la Royal Academy of Dance (1920) qui est actuellement la plus importante organisation d'enseignement de la danse au niveau international, et pour laquelle elle aménagea la formation des professeurs.

        Excellente pédagogue elle se consacra personnellement à l'enseignement jusqu'en 1953 et compta parmi ses élèves de futurs très grands noms: Alicia Markova, qui fut la première danseuse britannique à recevoir le titre de "prima ballerina", ou encore Margot Fonteyn à qui elle fit répéter le rôle de l'Oiseau de Feu lorsque le Sadler's Wells recréa le ballet.

     

    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina et Margot Fonteyn (1960)

     


        Elle fera également travailler entre autres le couple Fonteyn/Noureev lors de la reprise du Spectre de la Rose et conseilla Frederick Ashton lorsqu'il crée sa propre version de La Fille Mal Gardée, lui transmettant la chorégraphie originale du Pas du Ruban.

        Tamara Karsvina avait conservé, parait-il, jusqu'à un âge avancé cette présence extraordinaire et ce charme plein de poésie qui pouvait plonger, dans un silence admiratif une pièce remplie de monde dès qu'elle y paraissait... 
         Car la première ballerine moderne, qui se glissa de toute son âme dans chacun des rôles qu'elle interpréta, ajoutait à son immense talent des qualités humaines qui la firent universellement apprécier jusque dans le monde ultra compétitif du ballet. La seule à entretenir avec elle une rivalité quelque peu mesquine fut Anna Pavlova, et bien plus que son embarras lorsqu'elle évoquait cette représentation de Giselle où la bretelle de son costume en tombant avait découvert sa poitrine, Tamara se souvenait encore avec tristesse, bien des années plus tard, des commentaires blessants de sa congénère qui l'avaient faite fondre en larmes.


         Lorsque la danseuse légendaire s'éteignit à Beaconsfield, dans la grande banlieue de Londres, le 26 Mai 1978 à l'âge de 93 ans, Olga Spessivtseva, résuma avec chaleur par ce vibrant hommage le sentiment unanime de tous ceux qui eurent un jour la chance d'approcher cette grande dame:

        "Of all the women the best dancer and of all the dancers the best woman"

        "De toutes les femmes la meilleure danseuse et de toutes les danseuses la meilleure des femmes."

                                Un challenge difficile à relever pour la postérité...

     

    L'Art et la danse

    Tamara Karsavina repose à Londres au cimetière de Hampstead 

    Sur sa tombe est gravée cette phrase:
    "Whosoever believeth in me shall never die" 

    (Celui qui croit en moi ne meurt jamais)

     

          Tamara Karsavina parle de son rôle dans L'Oiseau de Feu

     



    votre commentaire
  •  

    L'Art et la danse

                       Romeo and Juliet     Sir Franck Bernard Dicksee (1853-1929)                          


               "O Romeo, Romeo! wherefore art thou Romeo?
                Deny thy father and refuse thy name;
                Or, if thou wilt not, be but sworn my love,
                And I'll no longer be a Capulet"
                          William Shakespeare - Romeo and Juliet  II,2

     

     

               "O Roméo, Roméo! pourquoi es tu Roméo?
                Renie ton père et abdique ton nom;
                Ou si tu ne le veux pas, jure de m'aimer,
                Et je ne serai plus une Capulet"...

        C'est sans doute par le choix de l'écriture théâtrale et la concision de l'intrigue que la postérité a seulement retenu de l'histoire mythique de Roméo et Juliette l'oeuvre de Shakespeare écrite en 1595. Car la pièce s'inscrit en fait dans une longue lignée de semblables histoires d'amour tragiques remontant à l'Antiquité, comme le mythe de Pyrame et Thisbée relaté dans Les Métamorphoses d'Ovide.

        Les noms des familles rivales apparaissent au XIVème siècle dans La Divine Comédie de Dante:

            "Viens voir les Capulet avec les Montaigu
             Viens voir les Monadique et les Filipachi
             Les uns vêtus de deuil, les autres dans l'angoisse"
                                            Le Purgatoire  chant VI 

        et en 1554 Matteo Bondello publie dans un volume de "Novelle" sa version de Giuletta et Romeo. Le public de l'époque est alors très friand de ces contes italiens et l'histoire de Bondello sera traduite en français en 1559 par Pierre Boaistuau, puis fidèlement retranscrite en anglais par Arthur Brooke dans son poème narratif The Tragical History of Romeus and Juliet (1562). Un récit en prose en sera ensuite proposé un peu plus tard par William Painter dans Palace of Pleasure (1582), et lorsqu'il décide d'adapter pour le théâtre l'histoire des jeunes gens au funeste destin, William Shakespeare va puiser à la fois dans l'oeuvre de Painter et dans la poème de Brooke qu'il suit fidèlement, pour écrire sans doute sa tragédie la plus bouleversante.

     

    L'Art et la danse

      
        C'est à l'époque romantique, où le théâtre du poète anglais fascine tous les artistes, peintres, hommes de lettres et compositeurs, que Berlioz, Mendelssohn, Gounod et Tchaïkovski vont adapter le drame de Roméo et Juliette en opéras, musique de scène ou poèmes symphoniques

     

    L'Art et la danse

    Roméo et Juliette   Delacroix (1798-1863)

     


        Mais le ballet qui explore à l'époque l'univers surnaturel des Sylphides et autres Willis restera insensible devant le sort des amants de Vérone et il faudra attendre le XXème siècle et une commande du Kirov faite en 1934 à Sergueï Prokofiev (1891-1953) pour que Roméo et Juliette apparaisse enfin dans le répertoire chorégraphique.

        Une naissance qui ne se fit d'ailleurs pas sans de nombreuses difficultés car dès le départ, lorsque le compositeur présenta le thème, sur un livret du dramaturge Adrian Piotrovsky (qui lui avait suggéré le sujet), il se vit opposer un refus catégorique de la part de la direction du théâtre, le régime soviétique voyant là le symbole d'une jeunesse avide de liberté et de nouveauté cherchant à se débarasser des conventions bourgeoises. (Après deux articles de La Pravda critiquant Chostakovitch et d'autres "modernistes dégénérés" dont Piotrovsky, la prudence s'était accrue dans les milieux du spectacle...)

        Prokofiev signa alors un contrat avec le Bolchoï et, la partition achevée, ce furent les danseurs cette fois qui refusèrent de l'interpréter, déclarant qu'elle n'était pas dansable à cause de son rythme complexe et de certains passages totalement inaudibles...
        Le compositeur retravailla alors son ballet en 1936 et en tira deux Suites d'Orchestre qui, fait inhabituel et pratiquement sans précédent, s'imposèrent dans le répertoire à Moscou et aux Etats Unis avant même que le ballet proprement dit n'ait été donné...
        Roméo et Juliette fut ensuite exécuté dans son intégralité le 30 Décembre 1938 à Brno (Tchécoslovaquie), et bien qu'il fallut attendre le 11 Janvier 1940 pour que le ballet soit monté par le Kirov, Prokofiev était entré en contact avec le chorégraphe Léonid Lavrovski (1905-1967) dès l'automne de cette même année.

        La collaboration entre les deux hommes s'avéra d'emblée très difficile, Lavrovski imposant immédiatement à Prokofiev différents changements "rendus nécessaires par des considérations dramatiques" que celui-ci exécuta, selon ses propres dires, "avec grandes difficultés et très à contrecoeur"...  alors qu'il n'avait jamais refusé d'envisager quelques aménagements dans ses partitions à l'époque où il travaillait avec Diaghilev, ce dernier l'ayant toujours consulté et n'ayant jamais altéré sa musique sans sa permission... Tandis que Lavrovski procéda de son chef à force ajouts et coupures, insistant même pour introduire une danse supplémentaire dans la première scène et insérant au comble du déplaisir du compositeur le Scherzo de sa Sonate N°2 pour piano... Prokofiev ayant eu beau faire remarquer en vain que l'oeuvre témoignait d'une structure musicale et dramatique particulièrement bien pensée et n'avait rien d'une suite de danses interchangeables à la manière de Minkus...
        A cela s'ajoutèrent encore les relations initialement houleuses  du compositeur avec sa Juliette, la célèbre Galina Oulanova (dont le nom serait bientôt synonyme du rôle), cependant en dépit de toutes les tensions  qui émaillèrent les répétitions, le ballet fut un succès total, un triomphe qui ne fut pas démenti lors de la reprise de la production par la Compagnie au Bolchoï.

     

    L'Art et la danse

    Galina Oulanova et les danseurs du Bolchoï après une représentation de Roméo et Juliette de Leonid Lavrovski en 1956

     

        La partition fleuve de Prokofiev, (Op. 64), représente près de trois heures de musique, c'est la raison pour laquelle on en donne souvent des versions condensées, mais le strict découpage du ballet qui peut parfois poser des problèmes aux chorégraphes respecte cependant toujours la trame dramatique de l'oeuvre:

        Le rideau se lève sur la ville de Vérone ensanglantée par la rivalité ancestrale qui oppose les Capulet aux Montaigu, au grand dam du Prince Escalus, tandis que Roméo, héritier des Montaigu, se lamente après avoir vu ses avances repoussées par Rosaline dont il est fou amoureux.
        Pour le dérider ses amis Mercutio et Benvolio le persuadent de s'inviter incognito à la fête que les Capulet donnent en l'honneur de leur fille Juliette à qui mère et nourrice réunies présentent ce bal comme l'occasion de rencontrer un possible futur époux (en l'occurrence le comte Paris, que l'on projette de lui faire épouser).
        Au cours de la soirée, parmi les nombreux invités Roméo est reconnu par Tybalt, le cousin de Juliette. Mais le chef de la Maison Capulet afin d'éviter un scandale dans sa maison impose son autorité et rétablit le calme.
       La fête se poursuit sans autre incident et lorsqu'il rencontre Juliette, quelques instants plus tard, Roméo est immédiatement séduit par sa beauté et ne lui cache pas ses sentiments qui s'avèrent partagés, mais hélas les jeunes gens découvrent bientôt avec horreur qu'ils appartiennent aux deux familles rivales...

        Les derniers invités partis, Roméo réussit à retrouver sa bien-aimée dans le jardin des Capulet où les amoureux accablés par la fatalité se jurent un amour éternel. Après quoi, désemparé, le jeune homme va alors se confier au Frère Laurent qui voit dans un mariage l'espoir de réconcilier les Capulet et les Montaigu... Fort de ce conseil, Roméo fixe alors à Juliette par l'intermédiaire de Mercutio et de la nourrice, un rendez vous chez le saint homme qui célébrera leur union, et où elle se rend sous le prétexte de se confesser.

        La cérémonie à peine terminée Roméo, désormais époux de Juliette, ignore Tybalt qu'il rencontre sur son chemin et qui le provoque en l'insultant. Mais en se battant à sa place pour laver l'offense, son ami Mercutio reçoit un coup fatal, et dans un éclair de vengeance Roméo tue alors Tybalt.

        Juliette partagée entre l'amour pour son mari et celui pour son cousin finit par pardonner son geste à Roméo, mais le prince Escalus excédé décide de bannir ce dernier et ordonne son exil à Mantoue.

     

    L'Art et la danse

    Roméo et Juliette   La Séparation  Francesco Hayez (1791-1882)

     


        Avec la complicité de la nourrice, Juliette réussit à rencontrer Roméo avant son départ, tandis que ses parents lui annoncent qu'ils ont décidé de hâter son union avec le Comte Paris. Ne sachant que faire elle va alors faire part de son désespoir au Frère Laurent.
        Ce dernier lui propose de prendre un breuvage qui lui donnera l'apparence de la mort pendant 40 heures, elle sera ensuite déposée dans le caveau des Capulet d'où Roméo, prévenu par un messager qu'il lui enverra, l'en fera sortir, et tous deux pourront s'enfuir et vivre enfin heureux.

        Au matin tous se lamentent lorsque la nourrice découvre le corps inanimé de Juliette dont les obsèques se déroulent comme prévu, mais une épidémie de peste a empêché le messager du Frère Laurent d'atteindre Roméo à qui seule est parvenue la nouvelle de la mort de Juliette, et anéanti par le chagrin celui-ci revient à Vérone, résolu à mourir sur la tombe de sa jeune épouse. Il croise en chemin le comte Paris qui le provoque en duel et qu'il tue, et une fois dans la crypte, fait ses adieux à sa bien-aimée et boit une coupe de poison.
        Le Frère Laurent arrivé sur les lieux découvre alors avec horreur son corps sans vie, et lorsque soudain Juliette se réveille, comprenant que Roméo est mort, elle lui donne un dernier baiser et se saisissant de sa dague la plante dans sa poitrine et meurt à ses côtés.

     

               "A glooming peace this morning with it brings
                The sun for sorrow will not show its head:
                Go hence, to have more talk of these sad things;
                Some shall be pardon'd and some punish'd:
                For never was a story of more woe
                Than this of Juliet and her Romeo."
                                    Romeo and Juliet  V,3

     

    L'Art et la danse

    Roméo et Juliette    Théodore Chassériau (1819-1856)    

                            

               "Cette matinée apporte avec elle une paix sinistre
                Le soleil se voile la face de douleur:
                Partons pour causer encore de ces tristes choses;
                Certaines seront pardonnées et d'autres punies:
                Car jamais histoire ne fut plus douloureuse
                Que celle de Juliette et de son Roméo." 
                                    Roméo et Juliette  V,3 

     

     

        Roméo et Juliette représente l'un des points culminants de l'oeuvre de Prokofiev, et si son éblouissante musique qui fait danser l'amour avec la mort a inspiré par la suite tant de chorégraphes c'est parce qu'elle exprime des sentiments universels et éternels et représente de façon directe le drame, tout en traduisant la vérité psychologique de personnages profondément émouvants.
        Bien que de nombreuses scènes des 5 actes de la pièce de Shakespeare aient été supprimées, et que d'autres au contraire aient été inventées afin d'ajouter des morceaux chorégraphiques (danse des jeunes filles aux lys, danse aux mandolines etc...), par l'heureux mélange de liesse carnavalesque et de coloris italiens, le compositeur a su restituer la poésie du modèle dans toute sa profondeur.

     

    L'Art et la danse

    Romeo and Juliet   Ford Madox Brown (1821-1893)

     

     

        Après la chorégraphies de Lavrovski, d'innombrables chorégraphes classiques s'empareront de la musique de Prokofiev, parmi lesquels Frederick Ashton et Serge Lifar (1955), mais aussi John Cranko (1958), John Neumeier (1974) Hans Spoerli (1977) ou encore Iouri Grigorovich (1978). 
        Comme pour Cendrillon, aucune version de Roméo et Juliette ne sert de référence, cependant parmi les oeuvres proposant une expression chorégraphique durable du mythe des amants de Vérone figure un grand classique créé en 1965 par Kenneth Mc. Millan pour le Royal Ballet lorsque l'Union Soviétique refusa que la production de Lavrovski vienne en tournée à Londres.
        Le chorégraphe avait au départ conçu son ballet pour sa danseuse préférée, Lynn Seymour, avec pour partenaire Christopher Gable et ne cacha pas sa déception lorsque la direction de Covent Garden dans un souci de notoriété imposa le couple Fonteyn/Noureev... A l'issue du spectacle ces derniers furent salués par 40 minutes d'ovations, et c'est à cette occasion que, blessé et dansant avec une jambe bandée, Rudolf Noureev s'attira cette remarque d'un journaliste du Times:
        "Même avec une seule jambe monsieur Rudolf Noureev danse encore mieux qu'un autre avec deux". 

     

             Roméo et Juliette - Acte II. Chorégraphie de Kenneth Mc Millan interprétée par Margot Fonteyn et Rudolph Nureev 


        Quelques dix ans plus tard le même Noureev crée en 1977 sa propre vision de l'oeuvre au Coliseum de Londres pour le London Festival Ballet, un ballet très fidèle au texte de Shakespeare, image colorée de la Renaissance italienne, une époque sensuelle, brutale et à la fois rafinée où la vie et la mort sont l'affaire d'un instant (C'est cette production remaniée par le chorégraphe, alors directeur de la danse à l'Opéra de Paris, qui est entrée au Répertoire du Palais Garnier en 1984, interprétée par Monique Loudières et Patrick Dupont).

     

    Roméo et Juliette  Acte I  Chorégraphie de Rudolf Nureev interprétée par Monique Loudières et Manuel Legris avec le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris.
     


        A la fin de sa vie, déjà très marqué par la maladie, Rudolf Noureev dirigea lui-même la partition de Prokofiev à la tête de l'Orchestre du Metropolitan Opera lors d'une représentation historique de Roméo et Juliette au Lincoln Center le 6 Mai 1992 à New York, avec Sylvie Guillem et Laurent Hilaire dans les rôles titre. Ce fut son avant dernière prestation en public, et après son décès le ballet entra au répertoire de l'Opéra Bastille en 1995.

        L'intensité de l'aventure des amants les plus célèbres de la littérature mondiale revêt un caractère irrémédiablement intemporel et ne cesse d'inspirer d'innombrables relectures aux chorégraphes contemporains tels Angelin Preljocaj ou encore Maurice Béjart et Jean Christophe Maillot qui ont choisi tous deux la musique de Berlioz.
     

     

    Roméo et Juliette  chorégraphie d'Angelin Preljocaj interprétée par Pascale Doye et Nicolas Dufloux et le Ballet de Lyon.
     


        Parmi ces nombreuses productions il ne faut pas oublier non plus le chef d'oeuvre que proposent la comédie musicale (1957) et le cinéma (1961) avec le magistral West Side Story de Leonard Bernstein chorégraphié par Jerome Robbins. En 1938 George Balanchine avait quand à lui fait évoluer pour le grand écran les Capulets en claquettes et les Montaigu sur pointes dans The Golwin Follies...
         Un sujet qui n'a certainement pas encore fini d'être exploré car un geste aussi absolu et définitif que de préférer mourir ensemble que de vivre séparés restera à jamais le plus fou des mystères.

     

     

    L'Art et la danse

                                 William Shakespeare (1564-1616)
                                           Portrait "Cobbe" dévoilé en Mars 2009 

    "He  was not of an age, but of all time."
    Ben Jonson (1572-1637)

     

     



    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires